Sous-performance au travail : les clés pour la comprendre et agir

04-03-2025
Toute entreprise sait bien que son succès est indissociable de l’effort et du talent du personnel qui en assure les activités. Si plusieurs mesures peuvent être mises en place pour favoriser l'épanouissement des équipes, aucun.e gestionnaire n’est à l’abri de connaître des enjeux de sous-performance.
Rédigé par :
Karine Dutemple, Pratiques RH
Sous performance

La sous-performance possède de multiples facettes. Qu’elle résulte d’une mauvaise adéquation entre l’employé.e et les tâches qui lui sont confiées, d’un manque de formation, d'un sentiment d’ennui ou d’une difficulté personnelle, il est indispensable d’y remédier pour éviter les effets néfastes qu’elle peut avoir pour l’entreprise.

Quelles sont les stratégies à prioriser pour faire face à un manque de rendement ou d’efficacité chez la main-d'œuvre ? Que faire lorsque la productivité est insuffisante et qu’un poste ne correspond pas aux aptitudes d’un individu ?

Comprendre la cause de la sous-performance pour une intervention ciblée

D’emblée, Stéphane Simard, auteur et conférencier, suggère qu’il faut essayer de comprendre la raison pour laquelle la personne est sous-performante. « Si elle n’a pas encore les compétences pour répondre aux exigences du poste, c’est peut-être parce qu’elle a un nouveau rôle et qu’elle n’a pas eu assez de formation. »  

Si cette problématique est en lien avec l’attitude négative de l’individu, l’expert incite ses supérieur.e.s à lui demander : qu’est-ce qui a changé dans ton travail pour que ton attitude en souffre ? Qu’est-ce que tu changerais dans celui-ci pour renouer avec la positivité et l’efficacité ? 

« Il faut avoir une conversation avec l’employé.e afin qu’il ou elle prenne conscience qu’il y a deux aspects qui sont importants dans son travail : les compétences, mais aussi l’attitude », relève-t-il. 

Marie-Ève Lapalme, professeure au département d’organisation et ressources humaines de l’UQAM, abonde en ce sens. « Il faut s’interroger sur les causes, travailler à comprendre la situation et identifier des pistes de solution avec l’employé.e. »

Selon elle, les moyens mis à l’œuvre doivent être adaptés à chaque situation où les objectifs ne sont pas atteints. 

« Pourquoi la personne connaît-elle une baisse de rendement ? Elle vit peut-être une situation difficile dans sa vie personnelle. Avec une population vieillissante, plusieurs personnes peuvent être appelées à devenir proches-aidantes, par exemple », relève-t-elle. 

Agir rapidement face à la sous-performance  

La professeure estime qu’il faut intervenir dès qu’une baisse de rendement se manifeste.  

« La stratégie idéale est d’être proactif.ve. Il faut concentrer les efforts en amont afin de limiter les situations où cette problématique se manifeste, car elles vont être plus difficiles à gérer par la suite. »

De plus, ne pas agir peut entraîner de la frustration chez les autres membres de l’équipe, insiste-t-elle. « Si le.la gestionnaire n’intervient pas dans une situation où cela est jugé nécessaire, un sentiment d’injustice peut se manifester, surtout chez les personnes très consciencieuses ou les plus performantes. »

Des impacts sur toute l’équipe 

L’experte en gestion de la performance renforce l’idée selon laquelle l’inaction peut avoir de lourdes conséquences sur une équipe et entraîner sa démobilisation.  

« Les attentes de l’organisation sont transmises par le.la gestionnaire et ses actions. Si des écarts de performance sont tolérés, les autres employé.e.s peuvent ne pas voir la pertinence de continuer à fournir beaucoup d’efforts dans le cadre de leur travail. »  

« Pourquoi continuer à travailler plus fort si un tel rendement est toléré de la part de l’employeur ? », interroge Stéphane Simard.  

L'expert relève que si la personne concernée a l’impression que sa contribution au sein de l’équipe ne compte pas, celle-ci va donc cesser de fournir des efforts.

« Le.la gestionnaire pourrait être aux prises avec des employé.e.s qui se trouvent dans un engagement de continuité. Cela se produit lorsque des membres de l’équipe demeurent en emploi pour des raisons salariales ou liées aux avantages sociaux plutôt que par intérêt pour le poste ou l’entreprise. »

- Stéphane Simard, conférencier et auteur professionnel

Un gestionnaire ayant participé à une conférence de Stéphane Simard lui a mentionné que son équipe était plus efficace depuis le départ d’un employé qui n’atteignait pas les objectifs. 

« En fait, cette personne-là ne contribuait pas assez et drainait aussi l’énergie des autres », met-il de l’avant pour souligner l’impact de la sous-performance d'un seul individu sur toute une équipe.

Une bonne adéquation entre le poste et l’employé 

Selon Stéphane Simard, la sous-performance est une problématique qui peut parfois découler d’une mauvaise adéquation entre les attentes de l’employé.e par rapport à l’emploi et la nature réelle du travail.  

« Le niveau de bonheur au travail est inversement proportionnel à l’écart entre la réalité et les attentes », relève-t-il.  

Pour réduire cet écart, il faut adapter la réalité le plus possible aux attentes des gens, mais aussi leur donner un aperçu réaliste de l’emploi, affirme-t-il. 

Pour le conférencier et auteur, dès la rédaction de l’offre d’emploi et les entretiens d’embauche, il est indispensable de transmettre les enjeux impliqués par le poste, de même que les exigences qui s’y rattachent.  

« L’organisation possède une responsabilité dans le processus de recrutement, celle-ci étant de sélectionner des employé.e.s qui ont les compétences nécessaires pour les fonctions qui leur sont confiées », souligne Marie-Ève Lapalme.

La sélection des nouveaux et nouvelles gestionnaires au sein de l’équipe demande aussi une certaine vigilance.  

« Parfois, des individus qui sont de bons techniciens vont se voir accorder une promotion de gestionnaire, mais le poste implique beaucoup de relationnel et cela ne correspond peut-être pas à leurs forces. » 

Une gestion basée sur l’écoute et la communication 

Selon Marie-Ève Lapalme, il est essentiel de mettre en place une gestion de proximité. Cette dernière inclut « l’observation, l’écoute, de la rétroaction offerte en continu et l’établissement d’une communication ouverte avec chacun des individus », précise-t-elle. 

« En misant sur l’établissement d’un climat de confiance et de sécurité psychologique, l’employé.e sera à l’aise d’aller voir le ou la gestionnaire lorsque des difficultés sont rencontrées, et ce, sans craindre que la conversation ne glisse vers la réprimande. »

- Marie-Ève Lapalme, professeure au département d’organisation et ressources humaines de l’UQAM

Ce type de gestion fait valoir le potentiel de la reconnaissance, laquelle participe grandement à prévenir la sous-performance.  

« Plus on reconnaît la valeur du travail accompli, moins il y a de chances que la sous-performance devienne un enjeu problématique. » 

La professeure soutient qu’une saine communication implique également de clarifier les attentes, s’assurer que des objectifs clairs et atteignables ont été établis et qu’ils sont bien compris des employé.e.s. 

« C’est important de prendre le temps de s’asseoir régulièrement avec tout le monde et de leur demander comment ils et elles vont et de quelles façons il est possible de les aider », insiste Stéphane Simard. 

De plus, tenter de gérer une situation où le rendement n’est pas suffisant sans impliquer directement l’employé.e n’est pas souhaitable.  

« Quand j’étais moi-même gestionnaire, ce qui fonctionnait bien, c’était de responsabiliser la personne. Au bout du compte, il faut poser la question sans détour : qu’est-ce que tu comptes faire pour améliorer ton rendement ? » 

Du temps et du soutien pour les gestionnaires

Marie-Ève Lapalme ne passe pas sous silence le défi que peut représenter la gestion de ce type de problème au sein d’une équipe.  

« Le manque de temps, lequel peut résulter de la surcharge de travail inhérente aux dossiers opérationnels en plus du travail de gestion, est un enjeu souvent mentionné par les gestionnaires. »  

Elle soutient qu’une réflexion s’impose à ce sujet. « Comme organisation, il faut s’interroger par rapport au rôle d’un.e gestionnaire et au temps qui devrait être alloué pour lui permettre de soutenir son équipe. »  

Dans un autre temps, elle suggère que l’expertise des ressources humaines dans ce type de processus peut être très utile. Offrir de la formation et établir des processus clairs pour gérer les enjeux de sous-performance peuvent aider le.la gestionnaire à mieux y faire face. 

Congédiement pour sous-performance : ce que prévoit la loi 

Parfois, hélas, les raisons à l’origine d’un manque de rendement sont irréconciliables et dépassent également l’assistance et la formation que peuvent offrir les responsables d’équipes. 

Comme mentionné par maître Pierre Brabant, la sous-performance au travail est considérée comme une faute involontaire, ce qui donne lieu à un congédiement administratif.  

En vertu de l’arrêt Costco, cinq étapes doivent être suivies avant de procéder au congédiement du ou de la salarié.e non couvert.e par une convention collective. 

L’employeur doit :  

  1. Informer l’employé.e des politiques de l'entreprise et des attentes fixées à son égard ; 
  2. Lui signaler ses lacunes ; 
  3. Lui fournir le support nécessaire pour lui permettre de se corriger et d’atteindre les objectifs ; 
  4. Lui garantir un délai raisonnable pour qu’il puisse s’ajuster ; 
  5. Prévenir le.la salarié.e du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part.

Selon maître Erika Escalante, un sixième critère peut se rajouter à cette liste : celui visant la réaffectation de l’employé.e dans un autre poste compatible.  

Toutefois, elle précise « qu’il s’agit d’une obligation de moyen, et qu’elle ne saurait être impérative de façon automatique dans tous les cas d’espèce ». 

De la baisse de rendement à l'atteinte des résultats  

Somme toute, la sous-performance en entreprise peut émaner de nombreuses causes. 

Il est essentiel de cerner les motifs qui en sont à l’origine, ainsi que de collaborer avec le personnel pour mettre en place les stratégies propices à l’atteinte des résultats. 

Heureusement, la mise en place d’un climat favorable à la communication ainsi qu’une intervention rapide et ciblée peuvent généralement désamorcer cette problématique et mener les équipes vers le succès.