Comment sonder efficacement la main-d'œuvre ?
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Le processus de sondage n’est pertinent que dans la mesure où il permet de récolter précisément les informations souhaitées auprès du personnel.
Alors, comment un employeur peut-il sonder efficacement ses équipes afin d’en tirer le meilleur bénéfice possible ?
Pour que l’exercice en vaille la peine et qu’il soit ainsi possible d’en tirer des constats utiles, plusieurs conseils doivent être suivis.
Bien cibler les questions d’un sondage
« L’important pour cibler les bonnes questions, c’est d’abord de penser aux résultats qu’on veut obtenir, souligne d’emblée Marianne Lemay, fondatrice de Kolegz - Stratégies RH. Si le résultat d’une question n’apporte rien à l’organisation, alors cela est inutile de l’inclure dans le sondage. »
Vicky Lacroix, consultante en ressources humaines, est aussi d’avis qu’il faut garder à l’esprit le « pourquoi » qui justifie d’interroger le personnel. « Que veut-on aller chercher comme information ? Une appréciation générale ou quelque chose de spécifique ? »
Pour William Girard, président-directeur général chez Le Contrôleur et client de Kolegz - Stratégies RH, l’objectif était clair. Il souhaitait « avoir un aperçu des personnalités de l’équipe, des détails plus précis et concrets sur la manière de fonctionner de chacun.e et déterminer comment mieux travailler en équipe ».
Selon Marianne Lemay, il faut éviter de poser des questions concernant des aspects sur lesquels l’employeur ne compte pas apporter de changements afin d’éviter de créer de faux espoirs. « L’organisation doit donc toujours se demander quelles sont les répercussions de sa question. »
L’experte met aussi de l’avant l’importance de limiter le nombre de questions « afin d’éviter une surabondance de données qui sont inutiles par rapport à l’objectif et la perte de temps relative à leur analyse ».
Si cibler les bonnes questions est déterminant pour l’obtention de données pertinentes et utiles à l’employeur, encore faut-il savoir comment bien les rédiger.
« Pour écrire une bonne question, il faut éviter d’avoir deux éléments à l’intérieur de celle-ci et miser sur une thématique unique. Elle doit aller droit au but, être très facile à comprendre et la plus courte possible, car une question floue mène à une bêtise précise. »
- Marianne Lemay, présidente chez Kolegz - Stratégies RH
Envisager le sondage comme un levier d’amélioration
Le chef d’entreprise William Girard évoque que les résultats obtenus au sein de son personnel lui ont permis une meilleure compréhension des différences individuelles, ce qui a mené à des changements concrets au niveau du processus d’accueil et d’intégration.
« Désormais, l’intégration met davantage de l’avant du contenu théorique avec quelqu’un qui est plus conceptuel. À l’inverse, si l’employé.e est plus pratique, il est prévu qu’il ou elle mette rapidement la main à la pâte », donne-t-il en exemple.
De plus, cela lui a également permis de comprendre comment adapter les rétroactions en fonction des personnalités.
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Il poursuit en soulignant que les informations obtenues grâce au sondage l’incitent à aborder son équipe de façon plus nuancée. « S’il semble qu’une personne est réservée, il vaut mieux que je l’approche individuellement, plutôt que de lui demander ce qu’elle pense devant tout le monde. »
Les types de questions dans un sondage
En ce qui concerne les types de questions dont le sondage devrait être composé, l’experte en stratégies RH affirme que les questions ouvertes sont utiles pour avoir une rétroaction détaillée sur certains aspects de l’entreprise.
Toutefois, si cette dernière souhaite cumuler des statistiques, les questions fermées sont incontournables.
Elle fait une mise en garde concernant les questions avec une échelle d’évaluation. « La notation est une question de perception, donc au-delà de celle-ci, il faut aller creuser des données un peu plus loin », relève Mme Lemay.
Elle rappelle qu’une note de 8 sur 10 peut avoir une valeur différente en fonction du degré d’exigence de la personne.
Différents outils de sondage pour différents besoins
Pour sonder son personnel, Marianne Lemay mentionne qu’il existe trois types d’outils :
- Les logiciels de sondage
- Les sondages planifiés à l’interne par les ressources humaines
- Les groupes de discussion
Elle souligne que les logiciels de sondage ont l’avantage d’offrir une base avec laquelle travailler, car ils procurent un éventail de questions qui peuvent être personnalisées.
« L’organisation ne part donc pas de rien contrairement aux sondages planifiés à l’interne. Certaines entreprises vont essayer de faire leurs propres sondages, mais elles oublient énormément de questions et n’arrivent donc pas à obtenir toute l’information souhaitée », précise-t-elle.
« De plus, ces types de logiciels sont intégrés directement dans l’entreprise et peuvent être pratiques pour réaliser des mandats plus spécifiques et sonder sur des sujets précis », tel que le mentionne Vicky Lacroix.
Cette dernière met également en valeur l’utilité de recourir à un groupe de discussion (focus group), particulièrement lorsqu’il est nécessaire de pousser plus loin l’obtention de données sur un enjeu en particulier auprès d’un groupe ciblé.
« On peut envoyer un premier sondage à tout le monde, puis opter pour un groupe de discussion si on souhaite aller plus en profondeur sur une problématique qui est ressortie. »
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L'anonymat : un critère essentiel pour des données de qualité
Selon Marianne Lemay, il est de la plus haute importance de garantir l’anonymat afin que tout le monde se sente à l’aise de dire honnêtement ce qu’il pense.
« C'est une condition essentielle à respecter pour maximiser les retombées positives du sondage, car ce dernier ne doit pas devenir une technique pour pointer du doigt certaines personnes », souligne-t-elle.
Il est préférable de mentionner dès le départ que le sondage est anonyme. Lorsque des citations sont utilisées pour présenter les résultats du sondage, elle suggère d’uniformiser le texte.
« Il faut tout corriger, éliminer les fautes et standardiser les réponses pour que les gestionnaires ne puissent pas déterminer qui a dit quoi », précise la spécialiste.
Que faire avec les résultats d’un sondage ?
Marianne Lemay insiste sur l’importance de faire un suivi auprès des salarié.e.s concernant les résultats obtenus à l’aide du sondage. À cet égard, faire un résumé des réponses fournies permet généralement de dégager les forces et les faiblesses de l’entreprise.
À la suite de l’analyse des réponses, elle incite l’employeur à établir « deux changements rapides à effectuer, tout en mentionnant que les autres points de préoccupation mentionnés dans le sondage vont être traités plus tard ».
« Le suivi est très important, autrement les équipes peuvent avoir l’impression que rien n’a été fait avec le sondage. Cela peut résulter en un désengagement de leur part et ils.elles participeront moins », met-elle en évidence en évoquant des points avec le personnel à chaque trois ou six mois.
Vicky Lacroix est également d’avis qu’il est primordial de donner un retour aux employé.e.s.
« Si le personnel n’est pas au courant du plan d’action et des dossiers qui sont considérés par l’entreprise, la motivation pour en remplir d’autres ne sera pas au rendez-vous », soutient-elle.
Le sondage en entreprise : quelques conseils à retenir
- Déterminer clairement l’objectif du sondage
- Miser sur une question à thématique unique
- Formuler des questions courtes et faciles à comprendre
- Garantir l’anonymat
- Cibler des questions sur des aspects qui peuvent donner lieu à des changements au sein de l’entreprise
Des sondages : quand et à quelle fréquence ?
Est-il nécessaire de faire un sondage une ou plusieurs fois par année ?
Selon Vicky Lacroix, la fréquence à laquelle l’entreprise doit réaliser ce type d’exercice est étroitement liée à l’objectif visé par cette initiative.
« Si on veut connaître le climat de travail, le sondage peut être effectué plusieurs fois par année, alors qu’il en sera autrement s’il s’agit de répondre à un besoin ciblé, à l’instauration d’un changement. »
- Vicky Lacroix, consultante en ressources humaines
Pour Marianne Lemay, la fréquence recommandée dépend du nombre d’employé.e.s, mais aussi « de la capacité d’agir sur les résultats ».
« À quel point les gestionnaires vont-ils.elles être rapides à mettre en place les recommandations qui ont été émises pour le sondage et à quel point c’est faisable en fonction des moyens financiers de l’entreprise ? »
Vicky Lacroix relève la pertinence de choisir avec soin le moment pour effectuer le sondage. « À la fin d’un quart de travail, les gens sont parfois plus fatigués et moins disposés à répondre de façon réfléchie aux questions. »
Le taux de réponse peut aussi être moins élevé près du congé des fêtes, en début d’année ou durant l’été, alors que plusieurs salarié.e.s sont en vacances.
Les sondages à l’interne ou à l’externe
Vicky Lacroix mentionne que le recours à une firme externe peut s’avérer pertinent pour analyser des problématiques spécifiques, telles que la conciliation famille-travail ou la présence d’un climat de travail toxique.
« Comme ces enjeux posent des risques psychosociaux, le recours à des expert.e.s formé.e.s pour réaliser une analyse de qualité peut s’avérer judicieux. Ces professionnel.le.s seront en mesure de recueillir les bonnes informations », soutient-elle.
De son côté, Marianne Lemay souligne que recourir à une aide extérieure n'est pas forcément une question de complexité, mais de perception.
« Quand on fait appel à une firme externe, on tire profit d’une expertise, du point de vue rationnel d’un.e professionnel.le qui n’est pas émotivement impliqué.e dans l’entreprise. »
- Marianne Lemay, présidente chez Kolegz - Stratégies RH
Le sondage et l’amélioration continue
Sonder les équipes est une initiative qui demande une réflexion approfondie par rapport aux objectifs, ainsi qu’une planification rigoureuse.
Cette pratique est incontournable pour améliorer la culture d’entreprise, trouver des solutions aux enjeux rencontrés et mieux répondre aux besoins des salarié.e.s.
Favoriser ce type d’exercice témoigne d’un processus d’amélioration continue, lui-même essentiel pour favoriser la rétention d’une main-d'œuvre qualifiée et heureuse au sein de l’entreprise.