Quelle structure organisationnelle pour une entreprise performante ?

Le monde du travail s’accélère, et les vieilles structures ne soutiennent plus toujours les ambitions de demain.
Place à la matrice, aux projets croisés, et à l’agilité qui dépoussière les façons de faire. Comprendre ces modèles, ce n’est plus un luxe, c’est une nécessité pour garder le cap (et les talents).
Choisir le bon modèle organisationnel n’est donc pas qu’une affaire d’efficacité : c’est ce qui permet aux individus de rester engagés et au succès collectif de se déployer.
Pourquoi parler de structures organisationnelles ?
La structure d'une entreprise, c’est tout simplement la manière dont les gens collaborent pour faire avancer les choses.
C’est qui décide de quoi, qui travaille avec qui, comment circulent les informations.
Une bonne structure permet :
- De mieux collaborer,
- De réagir plus vite aux changements,
- De mieux utiliser les talents.
Quand la structure coince (et que personne n’ose le dire)
Josiane Lemay, présidente de LEMAY, Firme Conseils Inc., le constate souvent dans les organisations : les premiers signaux d’alerte sont discrets, mais parlants. Décisions lentes, dossiers qui stagnent, échanges tendus : quand la structure flanche, l’engagement ne suit plus.
Les talents sont là, motivés et compétents. Ce qui manque souvent, c’est un cadre clair, cohérent et vivant. Alors, avant de remettre les personnes en question, mieux vaut jeter un œil du côté de la structure.
« Sans clarté ni autonomie, la mobilisation s’effrite. »
- Josiane Lemay
Le modèle matriciel : deux gestionnaires, c’est mieux ?
Tout a commencé le jour où quelqu’un a eu cette idée (folle ? géniale ? risquée ?) : « Et si on avait deux gestionnaires au lieu d’un.e ? » sans imaginer les casse-têtes que ça allait provoquer.
Trêve de plaisanterie : ce mode d’organisation est apparu dans les années 1960-1970, à une époque où les projets devenaient trop complexes pour être traités en silo.
L’idée ? Faire travailler ensemble les compétences métiers (verticales) et les besoins des projets (horizontaux).
« Changer la structure, c’est bien. Mais sans gestionnaires engagé.e.s, c’est peine perdue. Il faut renforcer leur conscience systémique, encourager le courage managérial et co-construire les rôles pour susciter une véritable adhésion. »
- Josiane Lemay
Concrètement, cela signifie qu’un.e collaborateur.ice peut répondre à la fois à un.e chef.fe de projet et à un.e responsable fonctionnel.le. Deux lignes de gestion, deux visions à aligner, et parfois deux fois plus de réunions à caler dans l’agenda.
Chez Statistique Canada, cette approche est bien ancrée : des centres d’expertise fonctionnels (TI, collecte, méthodo, etc.) travaillent de concert avec des équipes projets transversaux :

Grâce à cette organisation en matrice, les ressources circulent plus librement, et les priorités peuvent être ajustées rapidement, sans multiplier les silos ni exploser les budgets.
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Un modèle hybride en action : exemple à l’appui
Chez Bombardier, tout le monde ne répond pas à un.e seul.e pilote. L’entreprise a opté pour une structure matricielle : les employé.e.s ont deux chef.fe.s, un.e pour leur métier (ex. ingénieur.e, vendeur.se) et un.e pour le projet sur lequel ils.elles travaillent (comme le jet Challenger ou Global).
Les trois grandes variantes du modèle matriciel
C’est un peu comme un équilibre entre le ou la chef.fe de projet et le ou la responsable fonctionnel.le. Selon qui pèse le plus, on obtient différents types de structures.
- Matrice faible : le ou la chef.fe de projet a peu de pouvoir. C’est le ou la responsable fonctionnel.le qui garde la main sur les budgets et les priorités.
=> Solution : poser un cadre de communication clair dès le départ. - Matrice équilibrée : les deux personnes ont autant d’autorité. L’équipe rend compte aux deux, selon les enjeux.
=> Un bon compromis entre spécialisation métier et objectifs projet. - Matrice forte : le ou la chef.fe de projet prend le leadership. Le ou la responsable fonctionnel.le joue un rôle de soutien.
=> Parfait pour accélérer des projets complexes.
Les atouts du modèle matriciel
Objectifs mieux alignés | Des comptes à deux niveaux, pas facile d’oublier les priorités. Résultat : 73,8 % des structures hybrides atteignent leurs objectifs. |
---|---|
Des talents mieux utilisés | Pas besoin de repartir de zéro à chaque projet : on mobilise les forces en place. C’est plus rapide, plus souple, plus économe. |
L’information circule mieux | Deux responsables, donc plus de partage. Avec un bon outil, la communication devient naturelle. |
Un vrai tremplin managérial | Piloter dans une matrice, c’est apprendre à gérer la complexité. Parfait pour monter en compétences. |
Une équipe plus soudée | Travailler en transversal, ça crée du lien. Et ça donne envie de rester. |
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Mais attention aux pièges...
Trop de flous, trop de lenteur ? Deux chef.fe.s, des validations en série : la machine peut ralentir. La clé : clarifier les rôles, outiller les échanges et prioriser.
Mais quand il faut livrer vite, certaines entreprises coupent court : pas de silos, pas de détour, 100 % projet, 100 % action.
La structure par projet : tout pour la mission
Ici, ce ne sont plus les services qui structurent l’organisation, mais les projets eux-mêmes.
Chaque projet fonctionne comme une petite entreprise autonome, avec sa propre équipe : ingénierie, RH, marketing, finance, etc.
- Les collaborateur.ice.s sont affecté.e.s à temps plein sur un seul projet.
- Le ou la gestionnaire de projet définit les priorités, fixe les objectifs et donne le tempo.
- Le projet dispose souvent de ses propres moyens : budget, matériel, espaces dédiés, etc.
Une fois le projet bouclé, l’équipe se disperse : certaines personnes enchaînent avec une nouvelle mission, d’autres retournent à leurs fonctions initiales.
Chez Pomerleau, chaque projet a son équipe étoile
Nouvel hôpital ? Nouveau pont ? L’organisation monte une équipe sur mesure, et une fois le chantier livré, cap sur le prochain.
Les avantages du modèle par projet
- Focus total
Une équipe, un objectif. Pas de distractions, pas de casquette multiple. - Ça file droit
Moins de lourdeurs, plus d’action. Tout le monde rame ensemble, et ça se sent. - Implication optimisée
Chacun.e sait ce qu’il.elle fait, pourquoi il.elle le fait et ça donne envie de s’investir. - Esprit d’équipe boosté
Travailler à 100 % ensemble, ça crée du lien fort et durable.
Mais attention aux pièges...
- Expertises qui se diluent
Sans ancrage métier, les savoirs peuvent s’effriter. - Coordination cruciale
Des projets partout ? Il faut une vue d’ensemble pour garder le cap. - Et après ?
Fin de projet = nouvelle étape. Mieux vaut l’avoir anticipée.
Transformation organisationnelle : effets observés sur les équipes
Et quand l’accompagnement est bien pensé ? « On voit les équipes reprendre leur souffle », observe Josiane Lemay. Moins de méfiance, plus d’agilité. Les échanges deviennent plus fluides, les silos se fissurent, et tout le monde commence à se sentir acteur.ice du changement.
« C’est souvent à ce moment-là qu’un gestionnaire me dit qu'il a enfin l’impression que son équipe avance dans le même sens », raconte-t-elle.
Plus de clarté, plus d’autonomie, plus de collaboration : des effets très concrets… mais qui n’arrivent pas par magie. « La résistance n’est pas un problème à éradiquer, rappelle Josiane, c’est un signal qu’il faut écouter et canaliser. »
Et aujourd’hui ? De nouvelles structures apparaissent !
Voici d'autres modèles en plein essor :
La structure agile : petite équipe, grand impact
- Née dans le monde du logiciel, elle s'étend à d'autres domaines.
- Les équipes sont autonomes, rapides, auto-organisées.
- Elles fonctionnent par sprints : des petites périodes où elles livrent un produit fini. Par exemple, une équipe de développeur.euse.s livre tous les 15 jours une nouvelle version d'une appli mobile.
Les avantages (et les défis) de l’agilité
Travailler en mode agile, c’est miser sur la réactivité. Les équipes peuvent s’adapter rapidement aux besoins du client, ajuster leurs priorités en cours de route, et avancer sans être freinées par une hiérarchie trop rigide.
Résultat : un fonctionnement plus fluide, plus centré sur la valeur ajoutée, et souvent plus motivant.
« Être agile, ce n’est pas seulement collaborer transversalement. C’est aussi assumer de nouvelles responsabilités dans des contextes ambigus. »
- Josiane Lemay
Mais ce modèle n’est pas fait pour tout le monde. Il peut bousculer les repères de celles et ceux qui préfèrent un cadre très structuré. Il demande aussi une bonne dose d’autonomie, d’initiative… et parfois de lâcher-prise.
La structure organique : l’entreprise vivante
- C’est une organisation très souple, sans hiérarchie lourde.
- Les gens s’organisent entre eux selon les besoins.
- Les décisions sont souvent prises collectivement.
Les avantages (et les défis) d’un modèle organique
Dans une organisation très souple, tout va plus vite : les idées circulent librement, l’innovation prend moins de détours, et tout le monde est responsabilisé dans ses actions.
La flexibilité devient un vrai levier d’agilité, et les équipes gagnent en autonomie comme en engagement.
Mais sans cadre clair, cette liberté peut vite virer au flou. Ce type de fonctionnement demande des règles de base bien posées pour éviter le chaos. Et dans des structures très hiérarchisées ou traditionnelles, le passage à ce modèle peut être plus compliqué qu’il n’y paraît.
La structure holacratique : le pouvoir distribué
- Chaque employé.e a plusieurs rôles (et non un seul poste).
- Il n’y a plus de chef.fe.s traditionnel.le.s : le pouvoir est distribué. Par exemple, une même personne peut être responsable RH dans un cercle et animatrice des communications dans un autre.
- On utilise des réunions très cadrées pour décider ensemble.
Les avantages (et les défis) d’un modèle holacratique
Dans ce modèle, les rôles s’ajustent en fonction des besoins, l’initiative est encouragée, et chacun.e peut contribuer à la prise de décision. C’est un vrai terrain fertile pour l’autonomie et l’adaptabilité.
Mais ce type d’organisation n’est pas toujours simple à vivre pour les profils plus habitués aux repères classiques. Sans hiérarchie bien définie, il faut apprendre à naviguer dans des processus de gouvernance parfois denses, où la clarté ne vient pas toujours immédiatement.
Structure | Principe | Avantages | Défis |
---|---|---|---|
Matricielle | Deux gestionnaire (fonction + projet) | Collaboration, flexibilité | Conflits d’autorité |
Par projet | Équipe dédiée par mission | Motivation, rapidité | Fin de projet difficile à gérer |
Agile | Petites équipes autonomes | Innovation rapide | Discipline nécessaire |
Organique | Organisation naturelle | Adaptabilité, liberté | Risque de désorganisation |
Holacratique | Pouvoir distribué | Responsabilisation | Complexité de fonctionnement |
Les pièges fréquents des transformations
« Ce qui revient le plus souvent ? On oublie que ce sont des humains qu’on transforme, pas juste des structures », exprime Josiane Lemay en souriant. Trop de projets misent tout sur la réorganisation ou la technologie, sans toucher au nerf de la guerre : les comportements, les peurs, la culture.
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On redessine des cases, on bouge des flèches, mais sans préparer les esprits. Et surtout, on néglige les gestionnaires intermédiaires, « les véritables courroies de transmission », rappelle-t-elle. Pourtant, ce sont elles et eux qui doivent faire vivre le changement au quotidien.
Conséquence ? Des résistances qui traînent, des décisions qui s’enlisent, et une perte d’élan. « Ce n’est pas le design qui rate, c’est souvent l’accompagnement humain qui manque », conclut Josiane.
Transformation organisationnelle : les 3 conditions de succès
Autrement dit, pour Josiane Lemay, une transformation réussie ne repose pas sur un organigramme flambant neuf, mais sur trois fondations solides :
un leadership qui assume, une structure claire, et un vrai suivi humain.
« Ce n’est pas le modèle qui transforme, c’est l’alignement entre la vision, les rôles et les comportements. »
- Josiane Lemay
Comme le souligne également Stéphane Simard, conférencier professionnel, cet alignement ne peut se faire sans un investissement réel dans la formation des leaders : il s’agit de développer de nouveaux styles de leadership qui misent sur l’écoute, l’autonomie et la collaboration.
Côté suivi humain, cela passe par des systèmes de rétroaction et de reconnaissance qui renforcent une culture de respect mutuel et de soutien entre collègues.
Et pour que la structure soit vraiment claire et porteuse, il est essentiel d’avoir le courage de réévaluer et adapter les processus organisationnels.
Fini le modèle unique : place aux structures sur-mesure et agiles
Plutôt que de choisir un modèle unique, les organisations composent : un peu de matrice pour les fonctions transversales, du projet pour les missions clés, et une touche d’agilité pour faire bouger les lignes. L’important, c’est l’adéquation avec le contexte.
Mme Lemay le constate souvent sur le terrain. « La performance durable naît toujours du bon équilibre entre structure, souplesse et leadership humain. »
Il est donc opportun de s’interroger : la structure actuelle d’une organisation aide-t-elle vraiment ses équipes à avancer ? Il est peut-être temps de réinventer ses fondations… Sans tout casser.