Collaboration transversale : réflexions et stratégies pour briser les silos entre les équipes

30-05-2025
Ce n’est pas d’hier que les vertus de la collaboration sont louées ! Pourtant, le travail en silo peut s’immiscer au sein des organisations et entraîner un manque de communication et d’efficacité...
Rédigé par :
Karine Dutemple, Pratiques RH
Travail en silos

Comment expliquer parfois ce manque de cohésion entre les différents départements et équipes ? Quelles stratégies mettre en place pour y remédier et favoriser une meilleure collaboration au sein de la main-d'œuvre ?

Mettre la collaboration à l’avant-plan

Myriam Levert, associée chez Brio Boutique de management, affirme que le travail en silo est une problématique récurrente qui peut découler d’un manque de valorisation de la collaboration dans l’organisation pour l’atteinte des objectifs d’affaires.

« Il peut y avoir une crainte de ne pas voir ses réussites reconnues dans un cadre collaboratif », affirme-t-elle.

Ce problème peut découler d’un mode de gestion de la performance qui valorise les actions ou les résultats individuels « et qui ne récompensent pas la façon d’effectuer le travail ou la collaboration en elle-même ».

Évoquant l’exemple d’une situation déjà observée au sein de plusieurs entreprises, l’experte mentionne qu’un département peut craindre de perdre la reconnaissance qui accompagne le fait d’avoir contribué à régler un problème.

« L’esprit de compétition mine ainsi la collaboration et soutient le travail en silo », soutient-elle.  

Se fixer des objectifs communs : un incitatif pour la collaboration

Michel Boudreault, président et fondateur de ACM Canada, est d’avis que le travail en silo peut être causé par « un manque d’alignement par rapport à la vision et aux objectifs de l’entreprise ».  

Comme chaque équipe travaille pour atteindre ses propres buts et non un objectif collectif, la communication avec les autres départements devient superflue. Mme Levert est catégorique à ce sujet : les objectifs des équipes doivent être alignés avec la vision de l’entreprise.  

« Une vision fragmentée où chacun.e se concentre sur ses propres objectifs entraîne une perte de vue sur les priorités collectives. »

- Michel Boudreault, président et fondateur de ACM Canada

L’expert en gestion évoque les conséquences de cette situation en prenant en exemple le cas d’une PME manufacturière où les services de production ne savaient pas que le service client avait promis une livraison urgente à un client.  

Quelles furent les conséquences du manque de communication entraîné par ce travail en silo ? De la tension entre les employé.e.s, mais aussi de l’insatisfaction et de la frustration chez les clients.

Harmoniser les visions durant les rencontres d'équipe

Pour la spécialiste en gestion, la situation précédemment mentionnée évoque bien l’incompréhension mutuelle qui règne dans certaines organisations.  

« Les salarié.e.s peuvent ignorer le rôle et les tâches qu’assument les gens qui œuvrent dans d’autres phases de développement d’un projet, de même que la façon dont leur travail influence celui des autres. »

Il est donc essentiel de s’assurer que les rôles et les responsabilités de chaque département soient clairs, tout en laissant à chacun.e suffisamment de latitude pour faire preuve d’initiative.

M. Boudreault est d’avis que les rencontres entre les départements sont l’occasion idéale pour clarifier cet aspect, tout en permettant de mieux comprendre les objectifs que doivent atteindre les autres équipes.

L’expert rappelle que le.la gestionnaire doit aussi s’assurer que tout le monde rempli bien son rôle au moment où il.elle doit le faire, comparant ce rôle à celui d’un.e chef.fe d’orchestre.

Stratégies pour éviter le travail en silo

  • Fixer des objectifs communs reflétant la vision de l’entreprise ;
  • Définir clairement les rôles et responsabilités de chaque département ;
  • Organiser des rencontres hebdomadaires pour encourager les échanges entre les équipes et favoriser la complémentarité des initiatives ;  
  • Clarifier les processus décisionnels en cas de conflit.

« Sans ces échanges et une communication ouverte entre les départements, ces derniers ne peuvent orienter leurs actions en complémentarité de celles des autres », précise-t-il. Organiser des rencontres hebdomadaires avec tous les départements est donc efficace pour assurer une meilleure cohésion entre ceux-ci.  

Réunir les expertises et valoriser la complémentarité

Ces moments de discussion favorisent également le partage d’idées porteuses d’innovation, souligne Mme Levert. Cela évite que ces dernières ne demeurent bloquées dans un département sans pouvoir profiter à l’organisation et donner vie à des projets novateurs.

M. Boudreault insiste également sur l’importance de prévoir des rencontres de planification stratégique avec le personnel sur une base annuelle. C’est au cours de ce type de réunion qu’il est possible de s’entendre sur les objectifs de chaque division, mais aussi sur ceux visés par l’entreprise.  

Cela se reflète également par l’établissement d’objectifs complémentaires entre les départements, une base indispensable pour « créer une synergie et un travail d’équipe efficace entre les divisions ».

Le travail en silo : une façon d’éviter le conflit ?

Le travail en silo laisse généralement apparaître les conflits de manière diffuse ou en fin de projet, ce qui reflète une grande difficulté à manifester ouvertement les désaccords, comme le mentionne l’experte en gestion.  

Afin que cette crainte ne devienne pas la raison d’être du travail en silo, il est important de clarifier les processus décisionnels.  

« Est-ce qu’on préfère obtenir un consensus auprès de tous les individus impliqués dans le projet ou bien une personne peut être responsable de trancher en cas de différend ? », interroge l’experte.  

Le travail en silo découle également d’un besoin de garder le contrôle. En évitant la collaboration avec les autres départements, cela évite la nécessité de faire des compromis ou bien de gérer de potentiels désaccords.

Dans certaines entreprises, l’experte soutient que c’est une « culture de bienveillance à outrance » qui peut inciter les gens à taire leur opinion pour éviter le conflit à tout prix. Cela n’est pas sans conséquences ! Les individus ne pourront pas débattre et partager leur expertise, ce qui empêche des idées pertinentes d’être exprimées.

« Il faut partager son opinion, faire preuve de transparence en cas de désaccord, mais démontrer aussi de l’ouverture », insiste-t-elle. Cette dernière est indispensable pour considérer à juste titre la perspective des autres et la valeur qui s’y rattache, mais aussi pour accepter la rétroaction et être en mesure de se remettre en question.

Le travail en silo : une perte de temps et d’argent !

L’impact majeur du travail en silo sur l’efficacité des équipes est incontestable, selon Myriam Levert.  

Comme les départements ne se concertent pas et qu’aucune décision ne fait l’objet de discussions, le délai de livraison des projets peut sembler plus rapide.

Toutefois, le manque de collaboration et l’absence de débats constructifs entre les départements lors de l’élaboration du projet évitent l’expression de divergences d’opinions basées sur des perspectives différentes. Comme ces dernières ne peuvent être exprimées en cours de projet, elles le sont généralement à la toute fin. Il en résulte un retard quant à la mise en œuvre, ainsi qu’une diversité plus restreinte des idées et solutions explorées pour finaliser le projet.

Apporter des modifications à un projet en dernière instance ne se fait pas sans coûts pour l’entreprise, explique l’experte en gestion.  

Les rencontres se prolongent et se multiplient lors de cette dernière phase où le consensus est difficile à atteindre, ce qui suscite de l’inefficacité.  

Les avantages d’une meilleure collaboration entre les départements

  • une meilleure efficacité dans la réalisation des projets ;
  • une prise d’initiatives cohérente avec la vision de l’entreprise ;
  • une plus grande capacité à innover ;
  • la mise en valeur de l’expertise de chaque équipe ;
  • la possibilité de débattre constructivement pour trouver un terrain d’entente.

Cette dernière se manifeste également par une duplication des tâches. Lorsque les départements ne communiquent pas entre eux, ils ne connaissent pas toujours les actions entreprises par les autres, relève-t-elle. Cette situation implique alors une perte de productivité.

« Plusieurs équipes font le même travail sans le savoir ou passent du temps à chercher une information déjà disponible ailleurs dans l’organisation. »

- Michel Boudreault, président et fondateur de ACM Canada

Des stratégies pour contrer cette problématique

« L’harmonisation des outils utilisés par tous les membres du personnel et l’utilisation d’un CRM peuvent contribuer à assurer la fluidité de la circulation de l’information au sein de l’entreprise », évoque M. Boudreault.

Ce n’est pas en ajoutant plus d’employé.e.s autour de la table que la productivité sera nécessairement bonifiée, précise toutefois Mme Levert. L’experte souligne qu’il faut miser sur une collaboration efficace entre les départements, c’est-à-dire sur le fait de « réfléchir ensemble pour atteindre un résultat collectif ».  

Voilà qui diffère donc de la coopération, laquelle incarne plutôt une mise en commun de contributions individuelles.

Qui est touché par le travail en silo ?

Si Myriam Levert est d’avis que le travail en silo est une problématique pouvant affecter toutes les organisations, M.Boudreault affirme qu’il s’installe souvent dans les entreprises en croissance ou en transformation.  

Comment expliquer ce phénomène ?  

« Les propriétaires de PME sont des expert.e.s dans leur domaine, mais pas nécessairement en gestion. Ce manque de connaissance peut mener à l’apparition du travail en silo », explique-t-il.

Dans ce cas, faire réaliser un diagnostic organisationnel est une bonne façon d’identifier les correctifs à apporter pour établir une meilleure communication entre les départements.  

Paver la voie à une collaboration qui profite à tous

En misant sur la définition d’objectifs communs, le travail interéquipe prend tout son sens.

Une communication efficace et une attention sincère aux réalités vécues par les autres membres du personnel donnent l’opportunité à chaque département de comprendre la contribution des autres au succès collectif, mais aussi la façon dont il peut lui-même y participer.  

Sortir des silos permet définitivement de mieux voir les nombreuses retombées de la collaboration !