Génération Z au travail : comment elle fait évoluer les pratiques RH

06-12-2024
La génération Z bouscule le monde du travail avec sa vision d’un travail épanouissant, son besoin de flexibilité et son intérêt naturel envers la technologie. Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter à cette nouvelle dynamique pour rester attractives et performantes ?
Rédigé par :
Elodie Leman, Pratiques RH
Gen Z au travail

Un récent rapport Glassdoor révèle que 2024 a apporté un changement générationnel significatif pour le monde du travail : la génération Z est désormais mieux représentée sur le marché du travail que celle des baby-boomers. Cette évolution est également observable au Canada, où les départs à la retraite accélèrent ce phénomène. 

L’arrivée de la génération Z, avec un téléphone intelligent dans une main, un latte au lait d’avoine dans l’autre et son style vestimentaire parfois déroutant, encourage les services RH à actualiser leurs pratiques.

Derrière ces clichés se cache une réalité pour les organisations : ces jeunes talents recherchent des emplois alignés avec leurs valeurs, prônent un équilibre vie professionnelle-vie personnelle, et placent la transparence et la responsabilité sociale au cœur de leurs attentes. 

Pour rester compétitives, les entreprises ont intérêt à prendre en compte les tendances qui animent ces jeunes recrues nées entre 1997 et 2012.

Transparence et impact social positif : des leviers pour attirer la génération Z 

Les membres de la Génération Z s'attendent généralement à ce que les entreprises partagent et incarnent leurs valeurs au quotidien, dans la gestion interne et dans leurs actions externes.  

Comme l'explique Yasmina Moussaïd, responsable des ressources humaines chez Clark Influence : « ces jeunes professionnel.le.s veulent comprendre l’impact de leur travail sur la société qui les entoure ».

Cette exigence, combinée à une forte sensibilité aux causes sociales et environnementales, pousse les entreprises à revoir leur approche en profondeur. 

C'est pourquoi les valeurs de durabilité, de transparence et d'inclusion se taillent une plus grande place au sein de la marque employeur d'organisations qui ont cerné les attentes des 18-30 ans. 

 « Pour ces jeunes, la transparence n'est plus une option, mais une priorité stratégique. C'est à la fois une question de justice, mais aussi une condition essentielle pour créer un engagement durable », souligne de son côté Manon Poirier, directrice générale de l'Ordre des CRHA. 

Emilie Savard et Julie Boucher, toutes les deux directrices en gestion d’invalidité chez Médial, partagent son point de vue en affirmant que la génération Z est très exigeante sur cet aspect. « Ces personnes veulent bien comprendre les décisions prises par la direction et n’hésitent pas à solliciter des explications, ce qui est différent des générations précédentes. »  

Selon les expertes interrogées, c’est ainsi que cette frange de la main-d'œuvre développe une confiance en l’employeur et parvient à évaluer si ses valeurs concordent avec les siennes. 

La flexibilité au cœur des attentes professionnelles des Z

Les politiques de travail flexibles favorisent l'engagement et la rétention des employé.e.s de la génération Z, souligne Yasmina Moussaïd. « Cette autonomie leur permet d'être plus productif.ve.s et de s'investir davantage », précise-t-elle.  

Ces jeunes, qui ont souvent débuté leur vie professionnelle en pleine pandémie, apprécient particulièrement la liberté de gérer leur emploi du temps, en plus de pouvoir télétravailler. Emilie Savard et Julie Boucher l’ont bien compris et appliquent désormais un modèle de travail ultra flexible.  

« Ils et elles aiment pouvoir optimiser leurs horaires dans la mesure du possible, aller chez le coiffeur à 10h ou faire du sport à 15h sans avoir à demander d’autorisation systématique. »

 

Les fonctions éxécutives au travail - Le rôle du cerveau est de gérer ces processus cognitifs  afin de réguler intentionnellement les pensées et les actions.

Source : enviAB.ca  

« Les membres de la génération Z se portent mieux et sont plus engagé.e.s quand ils peuvent équilibrer leur vie personnelle et leur vie professionnelle grâce à des modalités de travail adaptables. »

- Manon Poirier

Ces nouvelles attentes créent parfois des défis pour les entreprises qui doivent adapter leurs pratiques de gestion et de contrôle du travail à distance du personnel, mais les bénéfices en termes de satisfaction et d’engagement sont souvent au rendez-vous, assurent les expertes. 

En effet, selon une étude menée par Deloitte en 2023, 84 % des membres de la génération Z envisageraient de quitter leur emploi si leur employeur leur imposait de revenir au bureau à plein temps

EDI et environnement : une conscience accrue

Au-delà du besoin de flexibilité, les Z attachent aussi une grande importance à la crise environnementale, aux questions d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI), et souhaitent travailler pour des organisations qui s’engagent en faveur de ces réalités. 

Toujours selon l’étude de Deloitte, les générations Y et Z pensent que les dirigeant.e.s d'entreprise ont un rôle important à jouer dans le traitement des questions sociales et environnementales

« Les membres de la génération Z veulent des environnements où la diversité est non seulement présente, mais surtout valorisée. Ils et elles attendent des actions tangibles de la part de leur employeur, et ce, dès le recrutement », soutient Manon Poirier.  

Un recensement de Statistique Canada de 2022 explique ce phénomène en constatant que les plus jeunes générations sont « plus exposées à la diversité ethnoculturelle, religieuse et de genre, et ont grandi dans un univers technologique et interconnecté qui a une incidence importante sur leurs valeurs et leur mode de vie ». 

« Si une entreprise n’est pas en phase avec ces principes, ces jeunes n’hésitent pas à aller voir ailleurs », confirme Yasmina Moussaïd. 

L'engagement environnemental : un critère essentiel pour la Gen Z 

Le Rapport étude Jeunesse 2023 : l’emploi, les finances et l’avenir des Gen Z et des milléniaux de Léger a mis en valeur la grande inquiétude des jeunes générations face aux enjeux climatiques.  

C'est pourquoi ces travailleurs et travailleuses sont particulièrement réceptif.ve.s lorsque les entreprises prennent des mesures pour réduire leur empreinte écologique ou bien s’engagent dans des pratiques durables.  

Le souci environnemental n’est pas seulement un bonus pour cette génération ; il devient un critère essentiel dans le choix d’un employeur, assure Manon Poirier. « Cette génération a des attentes élevées », renchérit-elle.  

En effet, plus de la moitié des membres de la génération Z disent qu'ils et elles font des recherches sur l'impact environnemental d'une entreprise avant d'accepter un emploi. Et environ un tiers d'entre eux ont déjà refusé un emploi en raison de préoccupations éthiques

Certaines entreprises l’ont bien compris et se tournent par exemple vers la certification B Corp qui démontre leur engagement envers la durabilité, l’inclusion, l’adoption de pratiques responsables, mais aussi la transparence publique. Au Québec, c’est notamment le cas des PME Cool & simple, Coboom ou encore Boréalis.  

Un attrait important pour le développement des compétences

 « Cette génération valorise la diversité des expériences et considère la stagnation comme un facteur majeur de démobilisation », met en garde la directrice générale de l’Ordre des CRHA qui souligne au passage l’importance d’avoir une offre intéressante de formations et des opportunités de mobilité interne pour retenir cette main-d'œuvre.  

Selon Yasmina Moussaïd, il est certain que ces jeunes talents ont une soif constante d'apprendre et de se développer, qu'ils et elles garderont probablement tout au long de leur carrière, allant de pair avec l’innovation technologique qui marque leur ère.  

  • Des formations publiques et gratuites sont disponibles en ligne comme Massive Open Online Course ou MOOC;
  • Des webinaires d’expert.e.s et des cours en ligne sur des plateformes comme Udemy, Coursera, edX ou Khan Academy offrent des ressources pédagogiques de haute qualité dans de nombreux domaines.

Stéphane Simard, CHRA et conférencier, souligne que ces employé.e.s font aussi preuve d’initiative. Cette approche proactive bénéficie non seulement aux équipes, mais renforce également une culture d'entreprise dynamique et innovante. 

« Ces jeunes prennent en main leur développement professionnel en identifiant les compétences qui seront demandées demain et en cherchant activement les ressources pour les acquérir. », explique-t-il. 

Par ailleurs, il explique dans son livre Génération Z : Attirer, mobiliser et fidéliser la nouvelle génération, que les Z cherchent des environnements de travail qui non seulement reconnaissent son potentiel, mais qui l’encourage activement à explorer diverses trajectoires professionnelles.  

« Les recrues de la génération Z ont tendance à se demander : est-ce que cet emploi me permet de développer les compétences qui m’ouvriront la porte à d’autres opportunités de carrière stimulantes dans le futur ? »

- Stéphane Simard

Une génération qui doit jongler avec un contexte économique difficile

Cet entregent s’explique en partie par leur crainte économique pour l’avenir et le coût de la vie, de plus en plus élevé. L’étude Léger souligne qu’en plus de conditions de travail alignées sur leurs valeurs, les Z portent aussi attention à gagner un salaire compétitif

« Autant les Z que les milléniaux avancent le salaire comme le premier facteur qui va expliquer leur mobilité », indique Charlotte Fortin, directrice de recherche chez Léger et coresponsable de l’étude dans un article paru dans le Devoir plus tôt cette année. 

À ce sujet, Yasmina Moussaïd mentionne que les entreprises ne doivent pas chercher à retenir les talents à tout prix. Le changement ne devant pas être vu comme une menace, mais plutôt comme une opportunité, relève l’experte.  

« Parfois, l'envie de la génération Z de découvrir de nouveaux défis professionnels ou la nécessité d’améliorer sa condition salariale est davantage liée à un besoin personnel qu'à un manque de satisfaction envers l'entreprise. » 

Pour elle, l'essentiel réside dans l'expérience vécue par ces jeunes talents pendant leur temps au sein de l'organisation. « Même s'ils ou elles choisissent de partir, l’entreprise et l’employé.e doivent avoir mutuellement profité de cette collaboration ». 

Moderniser le recrutement pour rejoindre et attirer la génération Z

La génération Z a grandi dans un monde hyperconnecté. Pour les recruter, il est essentiel d’adopter des méthodes en phase avec leurs habitudes de consommation de contenu en ligne.  

En plus des canaux traditionnels comme LinkedIn et les sites d’emploi, il faut les chercher là où ils se trouvent : principalement sur Instagram et TikTok.  

En effet, TikTok, avec ses 1,9 million d’utilisateurs au Québec (dont près de 50 % ont entre 18 et 24 ans), est le réseau social le plus utilisé par la jeune génération, selon TikTok Business

Alexandre Turcotte est à la tête de la première agence québécoise spécialisée dans la communication sur TikTok, HEYA. Il accompagne les entreprises dans la création de contenus adaptés pour le recrutement sur cette plateforme.  

« Au Québec, les utilisateur.ice.s ouvrent l'application en moyenne 10 fois par jour, passent environ 47 minutes sur la plateforme et visionnent 165 vidéos quotidiennement », précise-t-il.  

Les entreprises ont donc intérêt à miser sur des vidéos courtes et authentiques pour rajeunir leur marque et attirer la génération Z. Celles qui réussissent le plus sur TikTok mettent souvent leurs employé.e.s en avant. Par exemple, Saint-Hubert a montré des membres de son équipe dans des vidéos amusantes, en soulignant les avantages de travailler là-bas, comme les bourses pour les étudiant.e.s et les horaires flexibles. Selon Alexandre Turcotte, « cela attire particulièrement les jeunes à la recherche de flexibilité et d’un environnement de travail dynamique. » 

Les outils les plus populaires auprès de la génération Z incluent :

  • TikTok : pour des contenus courts et dynamiques
  • LinkedIn : pour un recrutement professionnel et interactif
  • Instagram : pour une communication visuelle attractive

Vers un processus d’embauche plus dynamique

Selon les expert.e.s interrogé.e.s, cette génération, habituée à la rapidité des interactions numériques, s'attend également à ce que les processus de recrutement soient fluides et réactifs.  

Stéphane Simard mentionne l'importance pour les entreprises de faciliter la collaboration et d’éviter les processus administratifs lourds. Ainsi, les entretiens vidéo, la rapidité du processus de recrutement, l'intégration de tests pratiques en ligne, mais aussi l’écriture inclusive dans les annonces sont devenus des incontournables. 

Ces talents veulent des interactions rapides, ainsi que des informations claires sur la culture de l'entreprise et les opportunités d'évolution dès les premières étapes.  

Les recruteur.ice.s doivent être capables de montrer comment l'entreprise répond aux attentes de transparence, de diversité et d'inclusivité, entre autres. 

« Il ne s’agit pas seulement de répondre aux attentes de ces jeunes talents, mais aussi de réinventer des pratiques traditionnelles pour les adapter à un nouveau monde du travail où la technologie et l’éthique sont indissociables », conclut Yasmina Moussaïd, en soulignant que les aspirations de cette partie du personnel vont assurément profiter aux organisations si elles acceptent d'évoluer avec elles et eux.