L’écoute active : le secret des équipes qui carburent

27-02-2025
L'écoute active, c’est un peu comme une cabane à sucre : on sait que c’est bon, mais on ne prend pas toujours le temps d’en profiter comme il faut.
Rédigé par :
Victoire Bejjani
Ecoute active

En entreprise, l’écoute active est une compétence qui peut faire toute la différence. Cette dernière aide à bâtir des relations de travail harmonieuses, à renforcer l’esprit d’équipe et à faire rouler les projets comme une tempête de neige sur l’autoroute 20.

Au Québec, plusieurs initiatives visent à donner un coup de main à ceux et celles qui veulent maîtriser cette pratique. Écoute Entraide propose une formation pour apprendre à écouter véritablement, au lieu de simplement hocher la tête en pensant au prochain dîner. 

Dans le même ordre d’idées, le Mouvement québécois de la qualité propose le webinaire « L’écoute active : une approche en 3 temps ! ». Un cours fait sur mesure pour les gestionnaires et les agent.e.s de changement qui donne des outils concrets pour établir des relations solides au sein des équipes et, pourquoi pas, éviter que ça vire au vinaigre pendant les réunions

Ces formations montrent bien que, même si l'écoute active est parfois aussi oubliée qu’une pelle à neige en avril, elle gagne du terrain. Pourquoi ne pas en faire une priorité ? Parce que dans un bureau, une personne à l’écoute, ça vaut son pesant d’or.

Carl Rogers, un précurseur de l’écoute 

Psychologue humaniste et visionnaire, Carl Rogers, qui aurait sûrement été une vedette des TED Talks aujourd’hui, a placé l’écoute active au centre de ses idées.  

L'écoute active consiste à écouter avec attention et bienveillance, en reformulant et en posant des questions pour s'assurer de bien comprendre l'autre, sans jugement ni interruption.  

Selon lui, permettre à quelqu’un de s’épanouir exige un espace où il.elle se sent compris.e, sans pression. 

Une perspective concrète : Valérie Fontaine et Schneider Electric

Loin d’être un simple concept théorique, l’écoute active a un impact concret en entreprise. Valérie Fontaine, responsable des ventes de services chez Schneider Electric, en a fait l’expérience avec son équipe.

« L’idée nous est venue pour donner suite à une formation d’Écoute Entraide dans le cadre de notre organisation qui soutient la diversité, notamment les communautés LGBTQ+. Cette présentation sur l’écoute inclusive a tellement marqué notre leadership que nous avons décidé de l’étendre à nos équipes », explique Valérie Fontaine. 

Les obstacles à une écoute de qualité

Si l’écoute active est si efficace, pourquoi est-elle si souvent absente des échanges professionnels ? Plusieurs freins majeurs empêchent une communication fluide, transformant parfois les discussions en véritables confrontations. 

L’écoute active en panne : le duel des priorités 

Romain Yevuh, psychologue du travail et des organisations, l’explique : « l’un des comportements les plus typiques est le passage en mode défensif. »  

Ce réflexe apparaît souvent lorsque les interlocuteur.ice.s se concentrent sur leurs propres priorités, négligeant l’importance d’un alignement mutuel. 

69% du personnel estime que le manque de communication est la principale cause de dysfonctionnement au sein des équipes.

Quand deux gestionnaires défendent chacun.e leur vision, la discussion peut vite se transformer en bras de fer au lieu d’un véritable échange. « On entend, mais on n’écoute pas », résume Romain Yevuh. 

Face à ce défi, l’écoute active s’impose comme une solution clé pour désamorcer les tensions et construire un dialogue productif, que ce soit avec les clients ou au sein des équipes.  

Des résultats concrets pour les équipes et sa clientèle 

Chez Schneider Electric, Valérie Fontaine a constaté que l’écoute active pouvait améliorer significativement la dynamique interne. Son entreprise a mis en place une formation dédiée pour répondre à deux objectifs principaux : 

  • Améliorer la relation client
    « Nos vendeur.euse.s et chargé.e.s de projet, en contact direct avec les clients, rencontrent parfois des situations délicates. Certains clients, anxieux ou impatients face à des imprévus, ont besoin de s’exprimer avant que nous leur proposions des solutions. L’écoute active désamorce ces tensions et favorise un dialogue constructif. » 
  • Renforcer la collaboration interne
    « Lorsqu’un.e collaborateur.ice gère plusieurs clients exigeants dans une même journée, il.elle peut rapidement se sentir submergé.e. Identifier ces signes de fatigue ou de stress chez ses collègues et leur offrir un soutien sincère peut transformer l’ambiance de travail. Parfois, un simple « Ça va ? Besoin d’un coup de main ? » suffit à faire toute la différence. » 

En fin de compte, qui voudrait évoluer dans un environnement où les interactions se résument à des regards vides échangés dans les couloirs ou à des jasettes sans fin où personne ne s'écoute vraiment ? 

Stress au travail : quand l’écoute perd du terrain 

Le manque d’écoute ne vient pas toujours d’un manque de volonté. Dans des contextes stressants, l’attention se recentre naturellement sur les résultats à atteindre, reléguant les interactions humaines au second plan. 

Romain Yevuh le souligne bien : « sous pression, les gestionnaires se concentrent uniquement sur les objectifs. » 

Cette pression entraîne parfois des réactions abruptes. Prenons un cas classique : face à une situation qui échappe à son contrôle, un.e gestionnaire, accaparé.e par l’urgence, coupe court à une discussion avec un « pas maintenant, concentre-toi sur ton boulot. »  

Résultat ? L’employé.e se sent ignoré.e, démotivé.e, voire incompris.e. 

Trois astuces pour rester à l’écoute même en période de stress :

  • Respirer – avant de répondre sous pression, inspirer, expirer… et éviter de lâcher un rugissement digne d’un dragon.
  • Reformuler – « donc, en résumé, c’est un café… ou une augmentation ? » Mieux vaut clarifier avant de faire une gaffe.
  • Faire des pauses – même un téléphone a besoin de recharger sa batterie, alors pourquoi croire qu’un cerveau peut tourner en boucle sans pause ?

Lorsque l’urgence prend le dessus, il devient facile de négliger les signaux : épuisement, frustrations, perte de motivation...  

Pourtant, il suffit de quelques ajustements simples pour rétablir une écoute de qualité et éviter que ces tensions ne s’installent durablement : 

  • Se former aux RPS (risques psychosociaux) : Identifier des signaux comme la baisse d’énergie, l’absentéisme ou l’augmentation des tensions au sein de l’équipe permet d’agir avant que la situation ne s’aggrave.
  • Mener des diagnostics d’équipe : Utiliser des outils d’analyse pour repérer les points de friction et, si nécessaire, faire appel à des expert.e.s pour accompagner le changement.
  • Créer un climat de confiance : Un environnement sécurisant favorise l’expression des frustrations et encourage des échanges plus ouverts et constructifs.

Adopter une écoute active efficace : bonnes pratiques et pièges à éviter 

Bonne nouvelle : l’écoute active, ça se pratique ! Certaines techniques permettent de la développer facilement au quotidien. 

« Parfois, ce n’est pas une question de poser des questions complexes, mais simplement de créer un espace où l’autre peut s’exprimer librement. »

- Valérie Fontaine

La reformulation : la clé pour débloquer les échanges 

Dire « je t’entends » ne suffit pas, encore faut-il s’assurer d’avoir bien compris. La reformulation permet d’éviter les malentendus et de fluidifier les échanges, en particulier en situation de tension. 

Un.e gestionnaire dit : « mon équipe est déjà débordée. » Si le ou la collègue en face répond sur la défensive, la tension peut monter. À l’inverse, une reformulation comme « si je comprends bien, il y a une inquiétude sur la charge de travail de l'équipe ? » permet d’apaiser la situation et d’ouvrir la discussion de manière constructive. 

« La reformulation dit : je t’entends, et je veux m’assurer de bien comprendre ce que tu veux dire », souligne Romain Yevuh. 

Les signes non verbaux : des gestes qui parlent 

Mais les mots ne suffisent pas toujours. Les gestes et attitudes renforcent l’écoute et montrent que l’attention est réelle.  Le psychologue du travail et des organisations propose quelques clés simples : 

  • Un regard attentif : pas besoin de fixer l’interlocuteur.ice comme une crêpe sur une assiette, mais un contact visuel naturel suffit pour démontrer de l’intérêt.
  • Mettre les distractions de côté : fermer l’ordinateur, poser le téléphone et se concentrer pleinement permet de transmettre un message clair : « je suis présent.e et attentif.ve. »
  • Des signes d’approbation : un sourire sincère ou un léger hochement de tête peut transformer une interaction banale en un moment constructif et rassurant.

Trois erreurs à éviter

  1. Interrompre constamment : cela peut paraître un détail, mais c’est un signal clair que le mode attention n’est pas réellement engagé.
  2. Juger ou donner des conseils trop vite : avant de répondre, il faut s’assurer d’avoir compris.
  3. Pensez à votre réponse : préparer sa réplique mentalement est un signe que l’écoute n’est plus active.

En fin de compte, il ne s’agit pas de grands discours, mais d’une présence authentique, qui peut transformer un simple échange en une véritable opportunité de compréhension et de connexion. 

Écoute et collaboration : un moteur pour l’innovation et le bien-être 

Au-delà des relations interpersonnelles, l’écoute active est un véritable levier de performance pour les entreprises. Elle favorise un climat sain, stimule la créativité et renforce l’engagement du personnel. 

Différences culturelles : ajuster le dialogue 

Les différences culturelles dans une équipe multiculturelle peuvent compliquer les interactions. « Une approche directe peut sembler brutale pour des cultures qui privilégient les subtilités, comme au Japon ou en Indonésie. », illustre Romain Yevuh. 

Pour éviter les malentendus liés à ces différences, voici quelques astuces :

  • Observer les styles de communication : identifier les habitudes de ses collègues et s’y adapter.
  • Poser des questions ouvertes : permettre à chacun de clarifier son point de vue sans crainte d’être jugé.
  • Ne pas présumer : ce qui paraît évident pour l’un peut ne pas l’être pour l’autre.

Biais cognitifs : écouter au-delà des préjugés 

Les biais cognitifs peuvent agir comme des parasites dans les conversations. L’expert en psychologie du travail identifie trois pièges fréquents :

  • Les stéréotypes : généraliser en fonction du genre, de l’âge ou de l’origine limite les échanges constructifs.
  • L’effet de halo : juger une personne sur un seul aspect (positif ou négatif) fausse la perception globale.
  • L’excès de confiance : croire qu’on a toujours raison ferme la porte aux idées nouvelles.

« Pour surmonter les biais, il faut écouter pour comprendre, et non pour répondre. »

- Romain Yevuh

Un investissement durable pour l’innovation et le mieux-être 

 « L’écoute active améliore le mieux-être de la main-d'œuvre, fait valoir Valérie Fontaine. Se sentir écouté, c’est se sentir considéré, et cela joue un rôle clé dans la rétention des talents et leur engagement. » 

Mais les bénéfices ne s’arrêtent pas là : « l’écoute active favorise aussi l’innovation, continue-t-elle. En écoutant sans interrompre, on permet aux employé.e.s de développer leurs idées plus loin. Les solutions novatrices ne viennent pas toujours de brainstormings frénétiques, mais de réflexions profondes nourries par une vraie écoute. » 

Ainsi, investir dans des formations en écoute active, c’est bien plus qu’un geste symbolique. C’est une stratégie gagnante qui transforme les relations, stimule l’innovation et contribue à bâtir un environnement de travail sain et productif. 

Petite question pour les gestionnaires : quand est-ce que quelqu’un a écouté un.e collègue sans l’interrompre pendant 5 minutes ? Pas facile, hein ? Essayer, c’est l’adopter… et parfois, ça change tout !