Équipes multiculturelles en entreprise : la communication avant tout !

23-08-2023
Prévenir les dysfonctionnements dans l’entreprise grâce à la communication interculturelle.
Rédigé par :
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Marilyn Bouchain
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Équipe de travail multiculturelle

Dans une province où l’immigration fait partie intégrante du paysage social et par là même, de la vie des entreprises, penser en amont les difficultés de communication susceptibles de surgir au sein d’une équipe ou d’un département multiculturel semble très censé. Car non seulement, les relations interpersonnelles ne s’expriment pas de façon identique d’un pays à l’autre mais les codes de comportements au travail sont, eux aussi, différents.

Avec, pour 2022, 68 687 immigrant.e.s accueilli.e.s au Québec intégrant une société parfois très différente de la leur ainsi que des entreprises dont le fonctionnement diffère de ce qu’ils ont connu jusqu’alors, la communication interculturelle mérite certainement qu’on s’y attarde.

Bien gérée, elle peut éviter la perte de productivité, la réduction des performances et la multiplication des situations conflictuelles. Comment et pourquoi ? Explications ci-après, éclairées par l’expertise de Nathalie Daffos, accompagnatrice RH et coach de carrière, spécialisée dans le soutien aux employeurs sur la question de la diversité et de l'interculturalité chez Objectif Emploi !

La communication interculturelle : des paroles et des gestes

Loin de se cantonner à la parole et à la manière de l’utiliser, la communication interculturelle englobe différentes sphères telles que :

  • Le langage corporel

    Ainsi que le stipule Nathalie Daffos, coach de carrière et accompagnatrice RH, certaines cultures accordent à la gestuelle et aux postures une importance non négligeable et parfois très codifiée dans les relations interpersonnelles : « En Chine ou en Asie du Sud-Est, les gens sont beaucoup dans le non verbal. Lorsque tu parles à quelqu'un, il faut être de face : si tu te places de profil, c'est que tu n'écoutes qu'à moitié. » De même, l’experte en ÉDI souligne qu’au Japon, la poignée de main est considérée comme impudique et mal polie tandis qu’en Afrique du Nord, regarder droit dans les yeux est ressenti comme un affront. Le regard fuyant n’est donc pas un manque de franchise mais une marque de respect.

    Et de révéler, la signification de certains gestes : « En Asie, croiser le pouce et l’index est la représentation d’un cœur. Un.e employé.e en entreprise qui va faire ce geste, le fera la plupart du temps sans que personne ne s’en rende compte… Et pourtant, il.elle sera en train de manifester son contentement ! »
     
  • L’expression ou la non-expression

    Hormis les signaux qu’envoient les attitudes et les gestes, l’évitement est souvent invoqué dans les problématiques d’interculturalité en entreprise ainsi que le valide N. Daffos : « En Inde ou Pakistan par exemple, quand on ne sait pas quelque chose, on ne le dit jamais, parce que dire “non”, c'est entrer en confrontation. Les gens vont toujours dire oui. « Oui, je vais le faire » mais ils.elles ne le feront pas.
     
  • Des comportements différents en milieu de travail

    Les quiproquos peuvent aussi naître de comportements incompris, note la jeune femme en citant l’exemple d’employé.e.s venu.e.s du continent africain, qui par peur de déranger leur hiérarchie, ne viendront pas signifier qu’ils.elles ont terminé leur tâche et qu’ils.elles en attendent une nouvelle.

    Quant aux notions de temps et de devoir, elles sont souvent pensées de façon autre : « On dit que la main-d’œuvre africaine est toujours en retard. C'est parce que pour elle, le temps est plus important que le travail. Arriver en retard à une réunion d'équipe parce qu’on a aidé une dame à traverser la route ou quelqu'un qui s'est évanoui, ça n’est pas un problème : c'est plus important d'aider une personne que d'arriver à l'heure à une rencontre. »

    La gestion de l’interculturalité ne se fait donc pas de façon uniforme. Selon les origines, elle va devoir se focaliser sur tel ou tel point qui pourrait se heurter à la culture d’accueil.

Une mauvaise gestion de l’interculturalité peut faire des dégâts

Au-delà de l’aspect humain et des bonnes pratiques de plus en plus présentes dans les entreprises québécoises en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI) dans laquelle s’inscrit la communication interculturelle, la non-prise en charge de cette dimension peut amener des disfonctionnements dommageables.

Des défaillances dans la chaine de production

Ainsi que le soulignait N. Daffos, l’incapacité à exprimer une impossibilité ou une difficulté face à un.e supérieur.e hiérarchique peut avoir des répercussions à plus ou moins brève échéance : du client non approvisionné au bogue informatique non reporté, les exemples de failles dues, non pas à de la mauvaise volonté, mais à des réflexes culturels fortement ancrés sont variés et la découverte des raisons de ces failles par les gestionnaires ou chef.fe.s d’équipe laisse souvent ces dernier.e.s pantois.e.s.

Climat toxique entre collègues de différentes origines

Si la communication interculturelle représente un enjeu pour l’entreprise qui se manifeste le plus couramment dans la relation entre l’employé.e issu.e d’une culture exogène et la culture d’accueil, elle est aussi source de malentendus au sein d’une équipe multiculturelle. La cohésion et l’ambiance de travail peuvent alors en pâtir. Classique, le cas de figure où les locuteur.trice.s d’une langue commune se mettent à l’utiliser sur leur lieu de travail, donnant ainsi l’impression à leurs co-équipier.e.s qu’ils.elles médisent ou se moquent d’eux.elles…

Certaines entreprises telles Marché du Store ont réglé ce type de problème de belle façon en offrant de la francisation afin que la langue officielle du Québec devienne vectrice de fédération et de compréhension : « Nous avions des mésententes, car certaines personnes pensaient que d’autres parlaient mal d’elles. L’ambiance s’est nettement améliorée. » confiait Dominique Mageau, gestionnaire des ressources humaines, à l’occasion d’une entrevue à propos du français en milieu de travail.

Des actions possibles pour les PME

Il va sans dire que grandes entreprises et PME ne partent pas sur un pied d’égalité face à la gestion de l’ÉDI et de la communication interculturelle.

La prise de conscience : un préalable nécessaire

La différence réside dans les moyens que les différentes structures sont en mesure de déployer mais aussi dans l’identification des besoins, ce que confirme Nathalie Daffos : « Les grosses structures ont un comité ÉDI pour en parler, définir des politiques et des actions. Certaines, comme la Ville de Montréal, vont très loin avec la mise en place d’un plan sur trois à cinq ans renouvelables comprenant de nombreuses dispositions… Pour les start-up, les entreprises de moins de 50 employé.e.s, ça n’est pas leur priorité. »

Des programmes pour accompagner les entreprises

Si les moyens ne sont pas toujours faciles à débloquer pour les PME, les ressources ne sont toutefois pas absentes à l’image de Vision Inclusion, programme entièrement gratuit offert aux entreprises pour les accompagner vers l’équité, la diversité et l’inclusion au travers de tout un panel d’ateliers, conférences et outils. Sensibilisée, au fait des réalités et des bonnes pratiques, la PME est ainsi plus à même de comprendre la dynamique des enjeux du multiculturalisme en milieu de travail.

Contenu supplémentaire

Des coachs spécialistes de la diversité en milieu de travail

Autre ressource disponible, les conseiller.e.s spécialisé.e.s qui vont offrir du coaching personnalisé à l’instar de Nathalie Daffos pour le compte de l’organisme Objectif emploi. Au nombre des principaux conseils qu’elle prodigue aux RH ou patrons d’entreprise figure la démarche de curiosité : « Commencer par se renseigner sur les origines de la personne. De quel pays vient-elle ? Quelle est la culture du travail là-bas ? Est-ce un pays en guerre ? Une dictature ? Quel est le PIB ? Mais aussi, s’intéresser au parcours de la personne elle-même : « Tu viens d’où ? Tu faisais quoi ? »

Renforcer la compréhension

Second point saillant de l’interculturalité, l’art de la « communication récurrente » : « Pour s’assurer d’être compris, il ne faut pas hésiter à demander une reformulation : « Que dois-tu faire ? Qu'as-tu compris ? » Pousser la validation plus loin : « Quand as-tu prévu de le faire ? ».

En troisième lieu, elle invite les gestionnaires à rester à l’affût « observer le non verbal de la personne pour comprendre » et à se montrer attentif.ve.s « faire des suivis toutes les semaines, toutes les 2 semaines ou tous les jours : le plus souvent possible. Vérifier que tout se passe bien. »

Le jumelage entre employés

Enfin, du côté des RH, la spécialiste encourage à organiser des parrainages entre employé.e.s : « Ce qui est intéressant, c’est que ce ne soit pas le.la superviseur.e qui accompagne mais quelqu’un qui a un rôle positif dans l’entreprise, une belle communication, qui est disponible afin de suivre la personne, d’en apprendre plus sur elle et de savoir comment elle se sent. »

Tous issus de la diversité !

Forte de son expérience en accompagnement et formation en entreprise sur la communication interculturelle, Nathalie Daffos nous offre une conclusion en forme d’ouverture sur le monde :

« On dit que Montréal n'est pas le Québec et que la culture de Montréal n'est pas la culture de Chicoutimi ou du lac Mégantic. Finalement, nous sommes tous et toutes inscrit.e.s dans une diversité et c’est comme cela qu’il faut se voir pour pouvoir être ouvert à l’autre. Ça, c'est très important parce que c'est comme ça qu'on est inclusif. »