Quand les entreprises aident à l’intégration des immigrants en région

25-08-2023
Soutenir l’installation de la main-d’œuvre immigrante en région : la solution ?
Rédigé par :
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Marilyn Bouchain
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Aider l'intégration des immigrants en région

Prendre en charge l’offre de logement afin de retenir la main-d’œuvre immigrante en région est une solution vers laquelle certaines entreprises ont choisi de se tourner. Cependant, dans ce cas spécifique, les défis matériels sont non seulement multiples mais se doublent en parallèle de défis socioculturels, voire psychologiques. Comment l’entreprise peut-elle surmonter ces obstacles afin de sauvegarder son capital humain ? À découvrir dans cet article !

Au-delà de l’emploi et du logement, il existe plusieurs écueils sur lesquels bute le processus d’implantation de la main-d’œuvre issue de l’immigration : manque d’infrastructures dans les municipalités, d’accompagnement à l’intégration mais aussi perte de capital social*.

En prendre conscience en tant qu’employeur, rechercher des partenaires, mettre en place des dispositifs qui sortent du champ d’intervention traditionnel de l’entreprise peut faire la différence au niveau de l’expérience employé.e et donc, de la fidélisation.

En compagnie d’Ariane Milot, coordonnatrice des services d’accueil et d’intégration pour l’association La mosaïque interculturelle, et grâce aux exemples d’entreprises qui se sont montrées proactives, Pratiques RH fait le focus sur les points à prendre en considération en vue d’une implantation durable des travailleur.se.s immigrant.e.s en région et suggère quelques pistes d’actions.

*Voir ci-après

En région, recrutement et intégration vont de pair

« La responsabilité des employeurs ne s’arrête pas au recrutement. Il faut garder en tête que le.la travailleur.se est un être humain, ne pas répondre trop froidement aux problèmes qui se posent. Il n’y a pas que les démarches administratives à prendre en charge, il y a tout le reste… Surtout si on veut que ça fonctionne en région. Le recrutement de main-d’œuvre ne peut pas être vu seul, il doit venir avec l’intégration. » confiait dernièrement Marie-Josée Huot, directrice générale du Centre local de développement de la région de Rivière-du-Loup à Pratiques RH…

Des raisons de non-implantation évidentes… 

Constat que vient soutenir le Comité Consultatif Personnes Immigrantes (CCPI) dans son rapport sur la régionalisation de l’immigration au Québec en identifiant les différents problèmes qui desservent la rétention des nouveaux.elles arrivant.e.s en région tels que les possibilités de formation et d’éducation ou encore l’employabilité du.de la conjoint.e.

De même, les infrastructures et les services publics offerts par la municipalité pèsent fortement dans la balance. Les transports, les crèches, l’accès à Internet sont autant de commodités élémentaires qui vont déterminer à plus ou moins longue échéance l’implantation des individus sur le territoire et de ce fait, dans l’entreprise.

… Et d’autres, plus subtiles 

Assez peu évoqué, le manque d’activités pédago-culturelles telles que des cours de musique, de danse, ateliers artistiques ou sorties organisées etc. mis à disposition par les mairies pour les enfants et les adolescents est un élément qui risque de jouer en faveur d’un départ vers un centre urbain, notamment pour les ressortissant.e.s de pays où ce type d’infrastructures est présent dans la majorité des petites et moyennes agglomérations.

Autre frein à une intégration réussie, la déperdition au niveau du capital social que subissent les nouveaux.elles venu.e.s dont l’isolement et un sentiment de vulnérabilité sont souvent la résultante.

Contenu supplémentaire

Qu’est-ce que le capital social ?

Le capital social est le terme sociologique qui désigne l’ensemble des liens sociaux dont dispose un individu. Il se compose de deux éléments :

• Le capital affectif qui maintient l’équilibre mental : ami.e.s, famille, compatriotes

• Le capital relationnel qui va favoriser la progression sociale Il est identifié comme facteur d’influence sur l’évolution du revenu d’emploi des immigrant.e.s mais aussi comme composante indispensable à leur intégration.

Source : 150.stancan.gc.ca

Des employeurs acteurs de l’intégration de leurs employés

Les raisons possibles de l’échec de l’implantation en région étant identifiées, la question de savoir comment l’employeur va pouvoir contrer ces risques se pose : investissement et bonne volonté paraissent incontournables ainsi que l’illustre l’entreprise Vallée, manufacture de chariots élévateurs à Saint-Alban dans la MRC de Portneuf qui a décidé d'inclure l’aide à l’implantation dans sa marque employeur.

Un accompagnement 360°

« Avec la création du poste d’ambassadeur, nous avons quelqu’un qui a la responsabilité officielle de favoriser la rétention du personnel avec une marque employeur forte et de faire office de pont entre les loisirs, services scolaires ainsi que les services d’accueil et d’intégration pour les nouveaux.elles arrivant.e.s. » explique Amélie Perreault, ambassadrice de marque employeur avant d’ajouter : « L’accompagnement est très varié et il s’ajuste selon les besoins ressentis. Nous cherchons à mettre rapidement les nouveaux.elles arrivant.e.s en lien avec des personnes clés de la communauté. »

Une aide au logement orientée intégration

Éviter le phénomène de ghettoïsation est une préoccupation récurrente pour beaucoup d’acteur.trice.s de l’immigration en région. Dans cette optique, le point principal est la gestion du parc locatif et la répartition des personnes immigrantes dans les aires habitables locales car l’intégration passe par la mixité sociale. Une notion à garder en tête pour les employeurs qui souhaitent prendre en charge la recherche de logement.

Vincent Lainesse, dont l’entreprise de recherche et gestion locative Gestion VRBL se propose de délester les employeurs de cette charge, le confirme : « Dans chaque ville, nous louons des unités disséminées un peu partout car nous pensons qu’être entouré.e de familles québécoises est plus intéressant du point de vue de l’inclusion sociale. »

 Anticiper et pourvoir aux besoins essentiels 

Parce qu’un seul salaire par famille n’est pas une solution viable, la capacité pour le.la conjoint.e à rejoindre le marché de l’emploi va vite devenir crucial. Ce qui implique une solution de garde dans le cas des familles avec enfants en bas âge. Là encore, l’entreprise peut se montrer force de proposition. « Nous voyons beaucoup de très bonnes actions, d'entreprises qui ont adapté leur approche pour que leurs travailleur.se.s immigrant.e.s se sentent bien ici. Il en est même une qui a créé sa propre garderie parce que, comme ailleurs au Québec, la pénurie est forte. » témoigne Ariane Milot, coordonnatrice des services d’accueil et d’intégration de La mosaïque interculturelle.

Concernant le transport, désigné comme un des obstacles à l’implantation en région selon le Comité Consultatif Personnes Immigrantes, il est facilement aménageable et les initiatives ne manquent pas : création de navettes, locations de véhicules à bas coûts, prêts… comme en atteste Cassie Giguere, représentante de Cyrell AMP Inc., fabricant de panneaux d’aluminium architecturaux. « Nous leur prêtons une des voitures de la compagnie à leur arrivée jusqu’à ce qu’ils se procurent un véhicule. »

Les commerces : vitrines de la nouvelle physiologie locale

Le second point saillant susceptible de décourager l’enracinement en région est l’impossibilité de retrouver des aliments ou des biens de consommation familiers. Selon Arianne Milot, certains employeurs l’ont bien compris : « Nous avons des entreprises qui ont approché des commerces pour qu’une offre alimentaire adaptée soit déployée. »

Car l’ouverture d’un rayon hallal ou international dans l’IGA du coin est non seulement une commodité et un signe de bienvenue émis à l’adresse des nouveaux.elles arrivant.e.s mais c’est aussi une façon naturelle et conviviale de faire évoluer le paysage sociodémographique aux yeux de la population locale.

Les organismes, partenaires des entreprises

Dans leur démarche pour accueillir au mieux les travailleur.se.s étranger.e.s, les entreprises ne sont pas livrées à elles-mêmes. Les ressources existent, qu’elles relèvent du privé ou du public, et représentent les partenaires fiables d’un maillage profitable à tous.tes.

Organismes et prestataires

Interlocuteurs de choix, les organismes communautaires d’accueil et d’intégration sont un solide support pour l’entreprise en demande ainsi que l’indique la coordonnatrice des services d’accueil et d’intégration de l’association La mosaïque : « Plusieurs employeurs nous ont contactés ces dernières années pour obtenir de l'aide, parce qu’ils.elles n’avaient pas le temps ou les ressources en interne pour s'occuper des travailleur.se.s immigrant.e.s. Nous les accompagnons pour obtenir un numéro d'assurance sociale, ouvrir un compte en banque, etc. Par la suite, nous assurons un suivi individuel. » 

D’autres optent pour une mobilisation à l’interne tout en faisant appel à des organisations spécialisées. « Nous jumelons les nouveaux.elles venu.e.s avec des TÉT (travailleur.se.s étranger.e.s temporaires) arrivé.e.s au sein de notre entreprise antérieurement. Nous avons des bénévoles ou des organismes tels que Place aux jeunes ou le SANC, centre de service d’aide aux néocanadiens qui leur font découvrir la région », précise Julia Gagnon, VP opérations chez Attraction, manufacturier, importateur et décorateur de vêtements des Cantons-de-l’Est.

Aider à la reconstruction du capital social

Source d’équilibre et vecteur d’intégration, le lien social, dans le cas des travailleur.se.s étranger.e.s, est parfois totalement à recréer d’où l’importance d’offrir des opportunités de rassemblements festifs entre compatriotes tout en développant des connexions avec la communauté d’accueil. C’est la voie qu’a choisi d’emprunter l’entreprise Vallée : « La municipalité de Saint-Alban est très familiale et il est important pour nous de créer des connexions dès le début de l’intégration. » confie Amélie Perreault.

« Par exemple, poursuit-elle, nous sommes actuellement sur l’organisation d’un kiosque mexicain à la fête des voisins qui aura lieu dans le parc des loisirs. Les conjointes de nos travailleurs s’impliquent dans la préparation de salsa, la décoration du kiosque tandis que les hommes s’occupent de l’installation et des animations pour les enfants. »

Propulser la francisation

Barrière contre les dysfonctionnements dans l’entreprise, la maîtrise de la langue est avant tout un facteur d’intégration et d’ascension sociale pour le.la travailleur.se immigrant.e. En faciliter l’apprentissage en milieu de travail fait partie des mesures de soutien que peuvent instaurer les entreprises à l’instar de l’entreprise Attraction qui collabore avec le MIFI dans le cadre de la francisation des TÉT et prend soin d’afficher les messages sur écrans en français et en espagnol (compréhension des directives assurée et apprentissage par comparaison).

 La clé de tout : la bonne volonté

On l’aura compris, les défis qu’impose la pénurie de main-d’œuvre à l’échelle du Québec sont décuplés en région où l’employeur est amené à élargir ses responsabilités et humaniser son approche. Bien qu’il lui faille dorénavant penser ses offres d’emploi à l’aune du parc immobilier environnant, et ce, quel que soit le type de candidat.e, le concept de « paquet d’avantages » devient encore plus prégnant lorsqu’il s’agit de main-d’œuvre issue de l’immigration. Néanmoins, de la nécessité à la prise de conscience, le pas est franchi par un nombre croissant d’entreprises.

« Cette implication a beaucoup de sens pour nous. Nous remarquons que toutes les actions faites pour aider les membres de l’équipe ont un impact majeur à tous les niveaux. » analyse Amélie Perreault de chez Vallée à qui revient la conclusion : « Nous ne sommes pas parfait.e.s mais tous savent notre réelle volonté d’agir en ce sens. Une équipe en or qui veut vraiment travailler en respectant nos valeurs de bonheur, fierté et efficacité, nous voyons ça comme un précieux succès à conserver ! »