Démystifier le recrutement international grâce au partage de bonnes pratiques
Pendant six mois, de janvier à juin 2022, l’équipe du programme Un emploi en sol québécois a organisé une série de 23 cellules de co-développement en gestion de la diversité culturelle en emploi qui a réuni 136 dirigeant.e.s d’entreprises et gestionnaires en ressources humaines de partout au Québec.
Lors de ces rencontres, des experts de la Chaire de recherche sur l'intégration et la gestion des diversités en emploi (CRIDE) ainsi que 10 entreprises engagées ont témoigné sur la mise en place de pratiques inclusives.
« Il y a une mobilisation et une véritable volonté des employeurs d’améliorer l’intégration des personnes qu’elles recrutent à l’étranger tout en désirant les retenir dans leur communauté », raconte Nadia Bernard, conseillère co-développement du programme Un emploi en sol québécois à la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Grâce à la collaboration d’une vingtaine de chambres de commerce, le projet a permis de rejoindre les employeurs implantés en région.
Accueil des travailleurs étrangers : l’expérience gaspésienne
Parmi les témoignages, Frédéric Demers directeur des ressources humaines au Chantier Naval Forillon à Gaspé a accueilli 4 tunisiens et leurs familles, en pleine pandémie, en 2020. « Ce n’est pas seulement 4 travailleurs, mais au total 11 personnes incluant les conjointes et jeunes enfants », précise-t-il.
L’ajout de ces nouvelles recrues répond à un besoin criant de rareté de main-d’œuvre en Gaspésie. Leur venue a suscité un sentiment d’ouverture chez les 70 autres employé.e.s. « Il ne s’agit pas juste de nouvelles paires de bras supplémentaires, image M. Demers. Leur accueil fait partie de notre culture d’entreprise puisque parmi nos valeurs, on compte la convivialité, le travail d’équipe. »
L’intégration s’apprend aussi des autres entrepreneur.e.s
Au cours de rencontres virtuelles, M. Demers et d’autres entrepreneur.e.s ont partagé leurs bonnes pratiques en matière d’accueil et d’intégration de la main-d’œuvre étrangère.
Parmi le groupe des cellules du programme Un emploi en sol québécois, certaines personnes étaient en quête d’informations. « Je ne suis pas un expert et surtout, je n’ai jamais accueilli quelqu’un d’ailleurs. Je souhaite apprendre des autres afin d’éviter de commettre des erreurs », a confié un participant à la conseillère en co-développement, Nadia Bernard.
La force de ce projet inédit réside justement dans ces échanges, propos et confidences. Plusieurs ont osé exprimer leurs appréhensions qui ont permis de briser des tabous face à la religion notamment.
« La priorité des travailleur.se.s étranger.ère.s, c’est notamment de s’épanouir au travail, de remplir le frigo et trouver une place en garderie pour leurs enfants », précise de son côté Sana Bouajila, coordinatrice de la Chaire de recherche sur l'intégration et la gestion des diversités en emploi (CRIDE).
Sensibiliser le personnel à l’intégration de la main-d’œuvre étrangère
La majorité des participant.e.s ont évoqué l’importance de sensibiliser leur personnel à l’éventuelle venue de collègues en provenance de l’étranger.
D’ailleurs, 3 mois avant l’arrivée des 4 travailleurs tunisiens, un atelier de sensibilisation a été donné aux membres de l’équipe du Chantier Naval Forillon. « Nous les avons conscientisé.e.s à leur sacrifice et au fait qu’ils quittent tout pour venir ici. Imaginez un bol d’eau avec des poissons et un autre sans rien dedans. Puis, un poisson saute dans le vide entre les deux bols », illustre M. Demers en expliquant que l’exercice suscite de l’empathie.
Par la suite, les employé.e.s gaspésiens ont reçu une vidéo de présentation de leurs futurs collègues qui ont parlé de leurs enfants, loisirs, activités. « C’est une belle façon de briser la glace tout en permettant d’identifier un visage, un prénom et d’entendre un nouvel accent différent », commente la conseillère de la FCCQ, Nadia Bernard.
Mieux communiquer avec les nouveaux employé.e.s : un lexique professionnel
Même si les nouvelles recrues parlent français, elles doivent s’adapter à un vocabulaire différent. À ce propos, certaines entreprises ont préparé un outil tel un lexique ou glossaire de traduction liés aux termes de leur secteur d’activité. Résultat ? Cela a créé un sentiment d’engagement des employé.e.s tout en facilitant l’accueil des nouvelles personnes.
Parmi les enjeux d’intégration, il y a la nécessité de bien se comprendre. « Dans certaines cultures, explique Sana Bouajila, coordonnatrice de la CRIDE, les gens n’osent pas dire : je n’ai pas compris la consigne. Cela pourrait signifier un manque de clarté dans les explications et cela est comparable à un manque de respect face à la hiérarchie. »
Le directeur des ressources humaines du Chantier Naval Forillon mentionne que les nouveaux collègues de l’étranger désirent bien faire tout en éprouvant un immense sentiment de reconnaissance face à l’employeur. « On ne veut pas dire non au contremaître par crainte de déplaire », confie Frédéric Demers. Le problème a été surmonté par une communication claire et limpide.
Bien gérer les différences culturelles au sein de l’entreprise
Surtout, la tenue des cellules de co-développement a permis de comprendre le contexte culturel des recrues provenant d’ailleurs. « Il ne faut pas seulement considérer le parcours académique et professionnel d’une personne. On oublie que ces gens viennent d’un environnement culturel et organisationnel différent », dit Sana Bouajila de la Chaire de recherche sur l'intégration et la gestion des diversités en emploi.
« C’est pourquoi les explications entendues lors des cellules du programme Un emploi en sol québécois ne sont pas un luxe », ajoute la doctorante en relations industrielles à l’Université Laval.
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Des ressources supplémentaires pour les entreprises du Québec
Enfin, les entreprises venues témoigner aux cellules de co-développement préconisent de faire appel aux ressources d’organismes d’accompagnement spécialisés dans le service d’accueil aux immigrants qui les soutiennent dans leur intégration.
De son côté, la conseillère en co-développement à la FCCQ Nadia Bernard confie l’importance de la concertation du milieu. « Le titulaire de la Chaire de recherche sur l'intégration et la gestion des diversités en emploi, Kamel Béji répète souvent : C’est l’emploi qui attire, mais c’est le milieu qui retient. Je pense que l’union fait la force. Les entreprises ne sont pas seules et elles doivent chercher de l’aide aussi auprès des conseiller.ère.s en régionalisation du Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). »
Plus qu'un emploi québécois : un projet de vie
De son côté, Sana Bouajila fait valoir qu’un milieu de travail inclusif, accueillant et ouvert ne suffit pas toujours. « Ces gens ne viennent pas seulement pour combler un poste. Ils ont un projet de vie et désirent rester au Québec et s’intégrer à la communauté. »
Le directeur des ressources humaines au Chantier Naval Forillon est conscient de son rôle. « Nous concrétisons le rêve de gens. L’emploi est prioritaire au début pour venir au Canada, mais par la suite, cela devient secondaire et les gens font leur vie avec la famille », dit Frédéric Demers en témoignant que son équipe a pratiqué des activités extérieures avec les nouveaux collègues comme des pique-niques, l’été ou le ski alpin, l’hiver.
Parmi les 4 nouveaux employés à l’entreprise gaspésienne, 3 sont restés dans la région et un autre est parti travailler à Québec. « J’ai encore besoin de recruter pour des emplois de machinistes, menuisiers et peintres. Nous tentons de faire venir un frère et un cousin de nos travailleurs tunisiens, en poste chez nous. Je suis aussi en train d’embaucher des gens du Maroc. Des démarches entamées depuis plus d’un an », soupire-t-il en souhaitant vivement une accélération des procédures d’immigration.
Objectif atteint en matière de partage des bonnes pratiques
Finalement, la tenue des 23 cellules de co-développement en gestion de la diversité culturelle en emploi a permis de sensibiliser les gens d’affaires aux concepts de l’équité, de la diversité et de l’inclusion. L’objectif d’être « pratico-pratique » a été atteint. « Et ce n’est pas quelque chose d’éphémère, car, les bonnes pratiques qui ont été partagées sont là pour rester », conclut Nadia Bernard en précisant qu’Un emploi en sol québécois communiquera sa future programmation à l’automne 2022.
La conseillère en co-développement à la FCCQ tient à remercier plus particulièrement les dirigeant.e.s et gestionnaires des 10 entreprises pour leur engagement à venir témoigner de leurs bonnes pratiques inclusives.
Merci à Infrastructel situé Longueuil, Cendrex de Montréal L'Odika située Drummondville, Humanov.is de Montréal, Seatply à Montréal et Louiseville, CCAQ (Corporation des concessionnaires automobiles du Québec) située à Québec, Cordé Électrique à Maricourt, Chantier Naval Forillon de Gaspé, Momentum Technologies de Québec et Viande Richelieu de Massueville.
5 clés du succès
1. Comprendre le projet de vie de la personne ainsi que son statut.
2. Solliciter les services d’organismes spécialisés en accueil des nouveaux arrivants qui apportent le soutien dans les démarches d'installation, développement du réseau, trouver une place en garderie, etc.
3. Adopter des méthodes de communication claires et concises : lexiques de traduction des termes professionnels, reformulation d’une question ou consigne.
4. Organiser des activités extérieures ou de rapprochement interculturel.
5. Personnaliser l'accueil lors de l'intégration en poste : prendre plus de temps si nécessaire pour renseigner les nouveaux arrivants sur les données comme la paie, le rapport d’impôt, le système Interac, le Reer, régime de pension, etc.