Retour aux études du personnel : des avantages significatifs pour les employeurs

Si les avantages sont tangibles pour la main-d'œuvre qui effectue un retour aux études ou une formation de longue durée, l’employeur peut se demander : pourquoi et comment accompagner les employé.e.s dans ce projet ?
Encourager le retour aux études : un outil de rétention et d’engagement
Encourager le personnel dans son retour aux études peut avoir un impact majeur et positif sur la rétention du personnel, annonce d’emblée Charles Baribeault, enseignant au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal.
« Lorsque les salarié.e.s profitent d’un environnement où il est possible de se développer et de grandir professionnellement, ils et elles souhaitent généralement demeurer dans l’entreprise », explique-t-il.
L’expert mentionne que la plupart des individus ont le goût d’être mis au défi et d’apprendre de nouvelles choses. De ce fait, un employeur doit répondre à ce besoin de curiosité s’il veut garder et soutenir ses meilleurs talents.
L'Enquête sur les pratiques de formation en emploi au Québec vient corroborer cette affirmation. Parmi les organisations québécoises dont la masse salariale est d’au moins 250 000 $ et qui soutiennent le retour aux études ou la formation des employé.e.s :
- 29.4 % ont constaté une baisse du roulement de la main-d'œuvre ;
- 71.8 % ont remarqué une augmentation de la motivation du personnel ;
- 63.6 % ont noté une augmentation de l’engagement des équipes au travail.
« Le développement, c’est un outil de rétention et de mobilisation des équipes très puissant. »
- Charles Baribeault, enseignant au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal
« Dans tous les sondages de mobilisation qu’on a fait, le développement professionnel ressort comme étant un aspect important pour nos employé.e.s », soutient Jessica Mackey, directrice des ressources humaines chez Verbom.
« Investir dans la conciliation travail-études, c’est aussi investir dans sa marque employeur, ce qui est particulièrement avantageux, surtout pour les secteurs où il y a un manque de main-d'œuvre », soulève pour sa part Andrée Mayer-Périard, présidente de l’organisme Réseau réussite Montréal.
Charles Baribeault abonde en ce sens : « ce que les gens disent de leur entreprise à l’externe a beaucoup d’impact sur l’attraction des futur.e.s membres de l’équipe ».
Toutefois, certain.e.s cadres sont réticent.e.s face à l’idée de soutenir le retour aux études des employé.e.s, craignant que ces individus quittent l’entreprise pour aller travailler ailleurs, renchérit Jessica Mackey.
Le départ des employés après le retour aux études : une peur fondée ?
Est-ce qu’encourager la main-d'œuvre à se former pour se spécialiser signifie que ces individus ont déjà un pied dehors ? Pas vraiment !
Chez Verbom, la moyenne d’ancienneté est de 17 ans dans plusieurs départements. Donc, les gens ont tendance à rester. « Plusieurs de nos employé.e.s connaissent ensuite une belle progression dans l’entreprise », affirme Mme Mackey.
« Si l’entreprise adopte un comportement conciliant lors du retour aux études de son personnel, il peut s’agir d’un outil puissant de fidélisation », soutient Andrée Mayer-Périard.
En effet, même si un.e membre de l’équipe décide de quitter l’entreprise à court terme, cette personne pourrait être tentée d’y revenir pour occuper un poste impliquant de plus hautes responsabilités.
La spécialiste rappelle que le soutien offert par l’employeur est très apprécié et se reflète sur la mobilisation du personnel et la reconnaissance dont il fait preuve face à l’entreprise : des éléments propices à sa rétention, voire à son envie d’évoluer au sein de l’organisation après ses études.
Favoriser l’acquisition et le transfert des connaissances
Le retour aux études d’une personne est synonyme de professionnalisation et donc, d’une meilleure capacité à performer dans l’exercice de ses fonctions. « Plus le personnel est compétent, plus il est en mesure d’offrir un rendement satisfaisant ou dépassant les attentes », affirme M. Baribeault.
De plus Mme Mayer-Périard mentionne qu’une main-d'œuvre plus éduquée est davantage en mesure de faire face aux changements technologiques qui surviennent dans les environnements de travail actuels.
Le soutien apporté dans le retour aux études ou le suivi de formations peut avoir un impact majeur pour l’individu qui se lance dans cette démarche, mais aussi pour l’employeur qui instaure ainsi une culture d’entreprise basée sur le développement des compétences.
« Plus une entreprise investit dans les compétences de base de son personnel, plus il demeure longtemps en emploi et offre des gains en productivité »
- Andrée Mayer-Périard, présidente de l’organisme Réseau réussite Montréal
Produits Neptune, une entreprise de Saint-Hyacinthe, spécialisée dans la fabrication de baignoires, en sait quelque chose. Ayant encouragé ses employé.e.s à obtenir leur diplôme d’études secondaires par l’intermédiaire du programme de tests d’équivalence de niveau de scolarité (TENS), l’organisation a remarqué « une diminution des erreurs et des rapports de non-conformité ».
Afin de favoriser la consolidation des acquis ou encore partager de nouvelles notions, Charles Baribeault soutient qu’il est possible d’organiser des activités encourageant le transfert des connaissances apprises en formation ou aux études au sein des équipes.
Selon lui, les entreprises doivent garder en tête que leur pérennité est assurée grâce à la relève. « Former des gens procure une forme de stabilité et assure la continuité des opérations, ces individus pouvant éventuellement prendre le relais des membres de l’équipe qui partent à la retraite. »
De nouvelles compétences qui profitent à tous
Un retour aux études ou en formation a des effets bénéfiques pour l’individu, mais aussi pour ses collègues.
« Cette personne fera peut-être 30 heures au lieu de 37, mais elle va pouvoir en faire plus à son retour. Grâce à ses nouvelles connaissances, des tâches pourront éventuellement être ajoutées à son rôle et elle pourra former ses collègues », soutient M. Baribeault.
« L’entreprise va bénéficier des nouvelles connaissances acquises par l’employé.e, car le niveau de compétence au sein de l’organisation sera désormais plus élevé », affirme Jessica Mackey.
Cela ouvre également la voie au mentorat avec les plus jeunes talents, ce qui « maximise le retour sur investissement pour l’entreprise, laquelle a consacré du temps et de l’argent dans cette démarche », poursuit M. Baribeault.
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Offrir des accommodements et du soutien
Selon la directrice de Réseau réussite Montréal, apporter son soutien à l’employé.e devrait se concrétiser de plusieurs façons : en offrant de la flexibilité sur le plan des horaires, une réduction du temps de travail lors des périodes d’examen ou bien une bourse, si possible.
« C’est tout un défi pour l’organisation d’accorder une flexibilité et de libérer du temps pour permettre ce retour aux études. Toutefois, c’est la meilleure preuve de soutien de la part de l’employeur »
- Jessica Mackey
Selon la directrice en ressources humaines, « un changement de quart de travail ou bien un allègement des tâches doit être envisagé pour offrir des conditions gagnantes à l’employé.e ».
Le ou la gestionnaire devrait encourager son.sa salarié.e, insiste Charles Baribeault, afin que son engagement n’en soit pas affecté et qu’il.elle sente que ses nouvelles compétences sont valorisées.
Le retour aux études ou en formation doit s’accompagner d’un « encouragement moral, mais aussi budgétaire, si la formation ou les études sont suivies durant les heures de travail habituelles ».
Mesures pour faciliter le retour aux études ou en formation
- Miser sur des horaires flexibles ;
- Offrir la possibilité de réduire les heures de travail durant les périodes d’examen ;
- Prévoir des fonds et politiques destinés à soutenir le retour aux études ou la formation.
Hormis le soutien essentiel apporté par le.la gestionnaire, l’expert insiste sur l’importance de celui apporté par l’organisation. « Une entreprise peut aussi soutenir la formation ou le développement des salarié.e.s de façon plus structurelle, en prévoyant des politiques et des fonds destinés à cette fin. »
Plusieurs employeurs peuvent offrir au personnel des opportunités de développement, afin que cette pratique fasse partie intégrante de la culture d’entreprise.
Compte tenu de l’intérêt manifesté par les employé.e.s pour se développer professionnellement, l’enseignant est d’avis qu’une forme de soutien aux études et à la formation devrait figurer dans les avantages sociaux offerts par l’entreprise.
« Les entreprises devraient investir, ne serait-ce que pour se servir elles-mêmes. »
- Charles Baribeault
Des programmes adaptés aux besoins de la main-d'œuvre
Chez Verbom, plusieurs options s’offrent aux employé.e.s qui souhaitent faire un retour sur les bancs d’école.
« Certaines personnes vont entrer dans un programme d’alternance travail-études (ATE). Il peut s’agir d’une formation technique, comme un opérateur de production qui va chercher un diplôme en opération d’équipements de production », illustre Jessica Mackey.
Il en résulte des travailleur.euse.s mieux formé.e.s, capables de relever de nouveaux défis au sein de l’entreprise.
D’autres vont obtenir des reconnaissances d’acquis ou opter pour le Programme d’apprentissage en milieu de travail (PAMT). « Un opérateur qui souhaite devenir outilleur peut suivre ce programme. »
Dans le cadre de celui-ci, l’employé.e en formation est jumelé avec un.e autre membre de l’équipe. « Les compétences à acquérir sont déterminées et la personne qui l’accompagne a déjà été formée au sein de ce même programme. »
Ce programme adopte une formule régressive, où le nombre de jours d’école par semaine diminue progressivement. « Le programme débute avec 4 jours d’école et une journée au travail, pour ensuite tomber à 3 jours d’école par semaine et deux journées au travail. »
Après l’obtention de leur diplôme, ces salarié.e.s obtiennent souvent un nouveau poste. « Ils.elles se développent en tant que personne et profitent d’une opportunité de croissance au sein de l’entreprise. »
Un retour aux études qui en vaut le coup
Pour l’entreprise qui favorise le retour aux études du personnel, les accommodements sont incontournables. Toutefois, les retombées sont inestimables : consolidation de la marque employeur, développement accru des compétences, mobilisation et rétention des talents au sein de l’organisation.
À l’heure où les carrières ne sont plus linéaires, mais s’enrichissent de plus en plus, il est bénéfique de miser sur les talents qui désirent continuer à apprendre et à évoluer !