Créer sa propre école de formation pour accompagner sa relève, un pari réussi pour l’entreprise Transcol
Crédit photo : Paul Simon
Cette initiative, unique au Québec, a permis à la compagnie de camionnage d’accroître les compétences de ses équipes tout en contribuant à assurer sa pérennité.
En mai dernier, la PME de 160 employé.e.s, implantée depuis 30 ans au Saguenay, a remporté un prix Mercure dans la catégorie Formation et développement de la main-d’œuvre, volet PME, lors du Gala des Mercuriades de la FCCQ.
La Transécole a nécessité un investissement de 250 000 $ et un an et demi de préparation.
« Nous voulions valoriser le métier de camionneur.euse et de livreur.euse tout en créant un engouement pour ces professions qui sont souvent dans l’ombre », raconte Caroline Girard, la présidente-directrice générale de Transcol.
Se distinguer par l’innovation
Plusieurs raisons expliquent l’obtention de ce prix qui met en valeur le travail des équipes œuvrant en ressources humaines, santé-sécurité et formation.
Depuis plusieurs années, l’innovation est au cœur de la stratégie de Transcol.
« Ma devise est d’innover et de chercher l’opportunité dans des situations négatives »
- Caroline Girard, PDG de Transcol
La réussite de son équipe repose notamment sur leur capacité à se remettre en question, assumer les erreurs et trouver des solutions. « C’est le nerf de la guerre, ajoute-t-elle, repenser nos processus et éliminer ce qui nous fait perdre du temps et de l’énergie pour peu de résultats. »
Surmonter un contexte particulièrement difficile
L’industrie du camionnage est confrontée au vieillissement et à la pénurie de la main-d’œuvre, et ce, depuis bien avant la pandémie.
En chiffres
- 32 % des camionneur.euse.s ont 55 ans et plus, selon le recensement de Statistique Canada en 2016.
- Alors que seulement 12 % des 18-36 ans, soit 1,1 million de Canadien.ne.s envisagent une carrière dans le camionnage longue distance, 50 % des employeurs interrogés prévoient recruter parmi ce groupe démographique, selon un rapport de Transport Routier (2019).
- Près du tiers, soit 38 % de cette jeune génération, pensent qu’il est trop coûteux de suivre une formation en camionnage longue distance et d’obtenir un permis.
Création de l’école de formation
Face à ces statistiques peu encourageantes, les projets fusent durant les rencontres du comité de direction de Transcol. L’idée d’une école de formation se dessine alors au cours d’une de ces discussions.
En décembre 2022, La Transécole obtient son accréditation. L’année suivante, une formation individualisée est offerte à une dizaine de membres du personnel. Les apprenti.e.s conducteur.ice.s ont la chance, entre autres, d’apprendre en compagnie d’un.e formateur.ice accrédité.e et de conduire un camion qui leur est dédié.
En 2024, sept personnes de l’extérieur et trois de l’interne ont suivi les différentes formations.
L’impact est tangible sur les opérations de Transcol. « Les nouvelles personnes diplômées amènent une polyvalence dans notre entreprise. La formation leur permet d’exécuter des tâches ou du remplacement qu’ils et elles n’auraient pas pu faire sans cette nouvelle corde à leur arc, indique Caroline Girard. Pour les répartiteur.ice.s, il est désormais plus facile de combler les remplacements occasionnés entre autres par l’ajout des 10 congés de maladie fédéraux.
La pierre angulaire de l’entreprise : la formation continue
Depuis 10 ans, un formateur accrédité ayant 40 ans d’expérience sur les routes du Canada et des États-Unis, livre son expérience aux chauffeur.euse.s, superviseur.e.s et livreur.euse.s de l’entreprise saguenéenne.
Plusieurs employé.e.s assistent à une dizaine de formations différentes, portant par exemple sur le transport de matières dangereuses ou sur l’arrimage qui consiste en l’apprentissage de techniques d'attaches en fonction des chargements que ce soit le poids, la hauteur ou la nature des matériaux à transporter.
Enfin, le personnel de l’administration a aussi accès à du coaching avec des conseiller.ère.s stratégiques, à des cours universitaires ou une formation en gestion.
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Un modèle pour l’industrie
Six mois après le Gala des Mercuriades, Caroline Girard est agréablement surprise par les retombées positives du prix sur la notoriété de l’entreprise.
Le prix Mercure représente, selon elle, la reconnaissance de plusieurs années d’efforts afin d’améliorer la gestion de ses opérations, de ses ressources humaines et la mise en place du programme de formation qui permet l’acquisition d’un éventail de compétences clés dans le domaine.
D'ailleurs, l’initiative La Transécole est en processus d’être reconnue comme une école par la SAAQ (Société d’assurance automobile du Québec).
À maintes occasions, la cheffe d’entreprise reçoit des appels téléphoniques de dirigeant.e.s de compagnies du monde du transport. « On me pose des questions sur notre fonctionnement et je pense que cela donne envie à quelques-uns de nous imiter », relate-t-elle, sur un ton empreint de fierté.
Transcol en chiffres
- 160employé.e.s
- 200camions et remorques
- 99 %de la clientèle est composée de commerces et d’industries dans les secteurs de l’aluminium, des pâtes et papiers, et des mines.
- 25 M$de chiffre d’affaires en croissance.
Crédit photo : Mélissa Tremblay
La mission de Transcol : « transporter mieux »
L’entreprise livre des marchandises allant du petit colis à une pièce pouvant être transportée sur une remorque de 90 pieds. Les chauffeur.euse.s sillonnent le territoire du Québec, de l’Ontario et du Labrador.
« Nous mission est de transporter mieux, ce qui signifie adopter une logistique responsable afin de rentabiliser chaque kilomètre parcouru, autant pour l’entreprise que pour nos clients et nous mettons tous les moyens en œuvre pour réduire notre impact environnemental », soulève Caroline Girard.
Cette maxime touche aussi la gestion des RH.
Se préoccuper de l’être humain
Après des études en relations industrielles, Caroline Girard amorce sa carrière comme conseillère en ressources humaines chez Transport Guilbault à Québec. Après quelques années dans une grande entreprise, elle est recrutée en 2012 à titre de directrice des ressources humaines chez Transcol.
Comme plusieurs PME au Québec, l’entreprise de Chicoutimi fonctionne sans département RH. « Il a fallu bâtir une structure, inculquer des valeurs (respect, esprit d’équipe et passion) au niveau des ressources humaines », mentionne-t-elle.
Son leadership en matière de rétention et d’attraction de la main-d’œuvre permet à l’organisation d’obtenir, en 2022, le trophée Dubuc remis par la Chambre de commerce et d’industrie Le Fjord. « Cela vaut la peine d’aimer nos humains (les employé.e.s) et de les emmener à mieux travailler. Puis, de notre côté, nous sommes capables d’améliorer leurs conditions de travail », confie-t-elle.
Dans la gestion des ressources humaines, Caroline Girard préconise de s’adapter aux forces et faiblesses de chacun.e. « Il faut faire évoluer les gens dans des tâches qu’ils sont capables de faire. Nous devons voir la réalité et placer la bonne personne au bon endroit afin qu’elle se sente bien dans son environnement. »
Des reconnaissances tangibles pour le personnel
En plus de son offre de formation, l’entreprise se préoccupe également du bien-être de ses troupes en offrant :
- À la date d’anniversaire d’embauche de chaque employé.e, un certificat de reconnaissance personnalisé avec un cadeau significatif. Il s’agit d’une façon de souligner leur contribution au quotidien.
- Un montant de 500 $ à 2000 $ est déposé dans le régime de participation différée aux bénéfices (RPDB) en reconnaissance de leur ancienneté aux 5, 10, 15, 20, 25 ans de service.
- Les pourcentages de vacances annuelles sont bonifiés ainsi que le nombre de congés personnels.
- L’uniforme de travail est payé à 100% ainsi que les équipes de protection individuelle (EPI).
- Le programme « Les Bons Coups » de Transcol souligne les faits marquants des employé.e.s dans le journal interne.
Anticiper les actions de la concurrence
En affaires, il est important d’avoir toujours un pas d’avance sur la concurrence. En pleine spirale inflationniste en 2021, l’entreprise augmente les salaires, et ce, en dehors de la convention collective.
Enfin, en août 2023, Caroline Girard prend la relève de la présidence de l’entreprise à la suite du départ à la retraite du cofondateur qui lui laisse le gouvernail en toute quiétude.
Les retombées concrètes de l’école de formation
Outre le fait de se distinguer par son école de formation dans l’industrie du camionnage au Québec, l’entreprise saguenéenne a un taux de rétention des membres de son équipe de l’ordre de 90 %.
« Lorsque nous mettons la formation au cœur de nos priorités, nous constatons que nous augmentons le sentiment d’appartenance de nos salarié.e.s de façon significative »
- Caroline Girard
La direction de Transcol tient à souligner les efforts de ceux et celles qui obtiennent un diplôme à la suite de leur formation respective. Chaque diplomé.e fait l’objet d’une publication sur la page Facebook de l’entreprise.
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Fierté, valorisation et reconnaissance
« Dans les faits, ajoute-t-elle, les employé.e.s se sentent valorisé.e.s et considéré.e.s. Nous augmentons leur niveau de confiance en leur permettant d’avoir accès à des outils pour l’amélioration de leurs compétences. Cela crée un effet très positif. »
Par la suite, plusieurs deviennent des ambassadeurs.ice.s de l’entreprise par leur sentiment de fierté et de reconnaissance. « Ces résultats sont concrets. D’ailleurs, le sentiment est d’autant plus élevé pour les femmes conductrices qui percent et laissent leur marque dans un métier encore majoritairement masculin », fait valoir Mme Girard.
En effet, en octobre 2024, 3 femmes sont conductrices de camions lourds ou de semi-remorques chez Transcol.
Miser sur l'amélioration continue en équipe
En toute humilité et franchise, Caroline Girard propose un conseil aux dirigeant.e.s qui souhaitent suivre ses traces. « Je suggère de faire preuve d’innovation et d'avoir l'esprit ouvert. Cela signifie essayer de s'améliorer et ne pas rester dans le statu quo. »
Mme Girard croit que cette mentalité de dépassement de soi au quotidien peut s’implanter dans n’importe quel domaine d’industrie. « Même dans un domaine traditionnel comme le camionnage, nous pouvons être inventifs et essayer de faire les choses différemment. »
Cela demande toutefois du temps et de l’investissement de soi. « Cela m'a pris des années pour bâtir notre équipe. Le plus beau compliment que je reçois ? C’est lorsqu’on me dit : nous avons une belle équipe et c’est plaisant de travailler ensemble parce que l’on va tous et toutes dans la même direction. »