Tendance à la baisse pour les augmentations salariales au Québec en 2025

10-09-2024
En 2025, les employeurs du Québec vont mettre la pédale douce sur les augmentations salariales. L’heure est à la prudence et à l’équité au sein des troupes.
Rédigé par :
Annie Bourque, Pratiques RH
Femme observant les tendances salariales de 2025

Les expertes en rémunération interrogées par Pratiques RH nous éclairent sur les tendances salariales en 2025 et les solutions disponibles pour les entreprises québécoises.

« Cette année, nous revenons à des normes prépandémiques (avant 2020) alors que les augmentations salariales oscillaient autour de 3 % », explique Anna Potvin, CRHA, associée et cheffe de pratique rémunération chez Normandin Beaudry, une firme qui vient de publier sa 14e Enquête sur les augmentations salariales. Un exercice mené auprès de 750 organisations à travers le Canada.

Les raisons de ce recul

Récemment encore, plusieurs employeurs craignaient de devoir maintenir à 4 % et plus, la hausse des salaires octroyée en 2022 et 2023. Ce recul d’environ un point est surtout redevable à l’inflation qui se maintient en deçà de 3 % et ce, depuis plusieurs mois.

  • 3,4 % C’est le budget moyen d’augmentation salariale au Québec prévu en 2025.
  • 3,7 % C’est le budget moyen d’augmentation salariale octroyé en 2024 au Québec.
  • 3 % des organisations prévoient un gel de salaires en 2025.

Source : Normandin Beaudry

Situation économique défavorable

Début septembre, l’économie canadienne montre des signes de ralentissement avec la montée du chômage à 6,6 %. Nombreuses sont les mises à pied survenues dans les secteurs bancaires, du jeux vidéo ou des technologies.

Contrairement à l’an dernier, le recrutement s’avère plus facile. « Les organisations reçoivent davantage de CV. Puis, les gens réfléchissent à deux fois avant de changer d’emploi. Cela amène plus d’équilibre sur le marché », note Anna Potvin.  

Pendant la pandémie et un peu après, un président d’entreprise œuvrant dans les TI désespérait à l’idée de trouver un développeur. « Maintenant, j'ai 15 CV sur mon bureau », confiait-il à Mélissa Pilon, CRHA et experte-conseil chez Rémunération & Co.   

Augmentation supérieure à l’inflation

Durant la pandémie, peu d’employeurs pouvaient offrir des hausses salariales comparables à l’inflation. « Si j’augmente de 6 ou même de 10 % mes salaires, je vais devoir fermer mon entreprise », précisait un PDG de PME à Mélissa Pilon.

En 2025, l’experte en rémunération observe un effort des organisations qui prévoient proposer une augmentation, tout de même supérieure à l’inflation, qui devrait atteindre 3,3 %.

Prévisions salariales au Québec en 2025 de :

  • 3,5 % pour les entreprises du secteur privé et organisations non cotées en bourse
  • 3,4 % concernant les organismes à but non lucratif
  • 3,4 % aux sociétés ouvertes et organisations cotées en bourse
  • 3,3 % destiné aux sociétés d’État œuvrant dans le secteur public et parapublic

Source : Normandin Beaudry

Au Québec, contrairement à d’autres pays comme la Belgique par exemple, il n’y a pas nécessairement de corrélation entre l’inflation et les salaires. « Un salaire reflète la valeur d’un emploi dans un marché donné. C’est le montant que les organisations sont prêtes à payer. Il faut aussi tenir compte du contexte économique, de l’inflation, du coût de la vie, et le marché », indique Mélissa Pilon.

Enfin, des hausses de salaire seront plus élevées pour les secteurs des hautes technologies (+4,3 %), des télécommunications, traitement et hébergement de données (+3,9 %). Le secteur de la construction envisage une augmentation de l’ordre de 3,9 %.

Enveloppe supplémentaire à prévoir pour les salaires

En 2025, la moitié des entreprises interrogées par la firme Normandin Beaudry anticipe un budget supplémentaire de 1 % alloué aux salaires.

« Il faut comprendre que cette portion n’est pas utilisée pour l’ensemble des salarié.e.s et ni pour répondre aux exigences de gens insatisfaits qui s’apprêtent à partir », précise de son côté Anna Potvin.

Cette enveloppe sert aussi à assurer l’équité interne. Si par exemple une personne en poste depuis 4 ou 5 ans gagne moins que la nouvelle recrue qui a une expérience similaire, un ajustement pourrait être nécessaire. « On s’assure que nos gens à l’intérieur de l’entreprise soient au bon niveau », ajoute-t-elle.

En réalité, cette enveloppe est comparable à une marge de manœuvre que s’accorde l’entreprise répondant à des besoins spécifiques :

  • Fidéliser et retenir les talents performants
  • Ajuster les salaires hors cycle
  • Différencier la rémunération du personnel à haut rendement
  • Favoriser l’équité interne
  • Accélérer la progression du personnel au bas de l’échelle salariale

Des employeurs sensibles au salaire viable

Anna Potvin, la spécialiste de la rémunération chez Normandin Beaudry observe que les PME et grandes entreprises au Québec sont sensibles au contexte économique et à la pression vécue par certain.e.s employé.e.s.

« De plus en plus d’employeurs gardent en tête que l’inflation touche de façon importante les plus bas salaires. Dans un couple, même si les 2 personnes travaillent, ils doivent parfois se rendre dans les banques alimentaires », déplore-t-elle.

Dans leur réflexion sur les salaires, les dirigeant.e.s se préoccupent de plus en plus de la notion du salaire viable, c’est-à-dire du revenu nécessaire pour sortir de la pauvreté.

Le saviez-vous ?

Le salaire viable pour une personne seule en 2024 se situe entre 30 738 $ et 43 609 $. Ce montant varie entre 72 788 $ et 86 585 $ pour une famille de 4.

➚ de 26 % Augmentation moyenne d’un panier d’épicerie pour une famille de quatre personnes entre 2019 et 2024. En 1962, au Québec, le même panier de provisions coûtait 25 $.

Rémunération : les 3 défis des employeurs en 2025

Nos spécialistes nous expliquent 3 éléments essentiels à retenir en matière de rémunération pour l’année 2025.

1. L’équité salariale au cœur de la stratégie des organisations

L’équité s’avère un facteur essentiel lorsqu’on parle salaire avec son personnel.

Depuis la pandémie, une pression existe afin d’offrir un taux salarial plus élevé lors de l’embauche de candidat.e.s. Aujourd’hui, les organisations décident d’économiser quelques pourcentages sur les hauts salaires, en haut de la pyramide, et de les redistribuer en bas. « Cela a un impact significatif lorsqu’on distribue 1 % de 100 000 $ vers des salaires de 50 000 $», explique Anna Potvin, spécialiste de la rémunération chez Normandin Beaudry.

2. La rémunération, une question de perception 

Nos expertes martèlent que la rémunération et la perception demeurent des enjeux importants en 2025. « Le salaire est lié à la question d’équité, précise Anna Potvin. Les employé.e.s. doivent percevoir que les augmentations sont faites de façon équitable. Ce n’est pas une question de quantité, mais de qualité. Les gens doivent avoir le sentiment d’être traités justement dans ce processus d’augmentation salariale. »

De son côté, Mélissa Pilon observe que la pénurie de main-d’œuvre sévissant pendant la pandémie a suscité des iniquités dans certaines entreprises. « Souvent ce n’était pas volontaire chez les dirigeant.e.s, dit-elle. J’ai déjà entendu quelqu’un dire : j’ai la même compétence que mon collègue, mais il gagne 20 000 $ de plus. »

« Tu ne peux pas motiver par un salaire mais tu peux aussi grandement démotiver quelqu’un par un sentiment d’injustice voire d’iniquité. »

- Mélissa Pilon

Mélissa Pilon estime important que les salarié.e.s aient la perception que l’employeur a fait ses devoirs afin d’être équitable. Certains gestionnaires et dirigeant.e.s. vont peut-être dire à leurs employé.e.s : « Nous avons fait des erreurs par le passé, mais voici ce que nous allons faire pour rectifier la situation. »

3. Des solutions créatives autres que le salaire

En ces temps plus difficiles sur le plan économique, plusieurs PME du Québec n’ont guère de marge de manœuvre. « On ne peut pas diminuer les salaires ni les augmenter de 20 %. Il faut donc se préparer à une discussion ouverte et honnête avec nos employé.e.s », estime Mélissa Pilon qui déplore qu’une grande majorité d’entreprises au Québec n’ont pas encore de guide ou politique salariale pouvant les guider dans cet exercice.

Comment témoigner de sa reconnaissance comme employeur et compenser advenant une faible augmentation de salaire ?

Voici des éléments créatifs qui ressortent en matière de rémunération globale.

Contribuer à épargner pour différents besoins

Une tendance à l’heure actuelle est d’encourager l’épargne pour les salarié.e.s à dans un véhicule autre que l’épargne-retraite.

« On suggère aux entreprises d’offrir un volet épargne qui puisse servir pour les aléas de la vie comme un sous-sol inondé, un voyage ou encore l’achat d’une maison. Peu importe. Les salarié.e.s et l’employeur cotisent dans un placement comme un CELI par exemple », précise Anna Potvin.

Cette pratique permet de répondre aux besoins de chacun.e. Une employé.e de 35 ans et maman de 2 enfants, habitant au centre-ville de Montréal, a besoin davantage d’un coussin financier pour l’achat d’une maison que de songer à sa retraite.

La flexibilité au cœur du volet rémunération globale

De plus en plus, les employé.e.s ont accès à ce compte « bonheur » mis en place dans plusieurs entreprises pour défrayer les coûts de la gym, de l’équipement de bureau à la maison ou encore de payer une paire de souliers de course à ses enfants. Une tendance observée par Anna Potvin.

Pour sa part, Mélissa Pilon estime que l’approche flexible peut aussi se conjuguer en offrant du temps, l’argent ou contribuer à la retraite. Ces trois solutions sont mises en valeur par des applications québécoises telles que TEDY ou encore Workind fondée par Farnel Fleurant et axée sur solutions favorisant le bien-être des employé.e.s.

Enfin, certains employeurs proposent aussi une flexibilité quant à l’augmentation de salaire. « Un.e employé.e peut préférer une augmentation de seulement 2 %, indique Anna Potvin, et ajouter alors une semaine de vacances. »

Le but est de faciliter la vie des salarié.e.s et respecter leurs besoins.

Accomplissement rime avec développement des compétences

À l’heure où les ressources humaines demeurent un enjeu important, les employeurs doivent rester transparents et authentiques envers leurs troupes. Le facteur numéro 1 à retenir est justement cette perception d’équité, réitère Mélissa Pilon.

« L’employé.e doit finir par oublier son salaire et ne pas penser qu’ailleurs l’herbe sera plus verte. L’employeur doit ouvrir la discussion et échanger avec son personnel, suggère-t-elle.

- J’aimerais cela occuper tel rôle, dira une personne.

- C’est parfait, on va s’organiser afin que cela soit possible, lui répond-on.

Le salaire a une valeur, certes. Toutefois, le développement de ses compétences, le plaisir avec ses collègues et le fait de grandir dans l’entreprise devient une source importante de motivation et de fidélisation.

Merci à Anna Potvin et Mélissa Pilon pour leurs précieux conseils.