L’équité salariale : une stratégie gagnante pour les entreprises

08-04-2022
Un quart de siècle après l’adoption au Québec d’une loi avant-gardiste sur l’équité salariale, les entreprises voient concrètement les avantages de se conformer au principe « travail équivalent, salaire égal ». Une stratégie gagnante synonyme d’ouverture et de transparence qui a une incidence favorable sur la gestion des ressources humaines.
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Annie Bourque, Pratiques RH
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Pratiques RH, Équité salariale, employeurs, Loi sur l'équité salariale

Les nombreuses études et témoignages le confirment : la mise en place d’un plan d’équité salariale favorise l’attraction, la mobilisation et la fidélisation des talents et bien sûr, un meilleur climat de travail. 

En entrevue au 98,5 FM, le 1er avril dernier, une femme révèle avoir démissionné en apprenant qu’un jeune collègue, moins expérimenté, gagnait 5000 $ de plus. « Encore aujourd’hui, beaucoup d’organisations tirent avantage du secret salarial en sous payant ou en sur payant quelqu’un. En fait, il n’y a pas de bonnes raisons qui justifient les écarts salariaux », expliquait Jacques Forest, professeur au département d’organisation et ressources humaines à l’École des sciences de la gestion à l’UQAM. 

1 travailleur sur 2 est insatisfait de son salaire, selon les enquêtes menées par le chercheur universitaire. Le sentiment d’injustice et le manque de transparence au niveau de la rémunération poussent plusieurs employé.e.s vers le concurrent. Un gaspillage de talents et d’efforts, croit M. Forest. 

Loi sur l’équité salariale 

Qu’est-ce qui explique ces démissions alors que le Québec a été précurseur, en adoptant, il y a 25 ans, la Loi sur l’équité salariale visant à reconnaitre le travail des femmes à sa juste valeur ? 

L'égalité salariale consiste à offrir à une femme un salaire égal à celui d'un homme, pour un même emploi. L'équité salariale est le droit des personnes occupant un emploi typiquement féminin de recevoir un salaire égal à celui d’une personne occupant un emploi typiquement masculin, de valeur équivalente dans la même entreprise. 

Enfin, l’écart salarial entre les hommes et les femmes est basé sur le salaire horaire moyen. En 1997, cet écart s’élevait à 15,8% et il est à 9,2 %, en 2021. Autrement dit, en 2021, une femme gagnait en moyenne 27,39 $ de l'heure comparativement à 30,16 $ pour les hommes. 

« En 2022, on n’a pas le choix de favoriser l’équité salariale si on veut être attrayant et recruter du personnel. Sinon, il y a un risque de roulement et les gens vont être tentés de quitter l’entreprise », observe Maria Amalia Morales, conseillère en équité salariale à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), l’organisme qui veille à l’application de la loi adoptée en 1996. 

Une question de valeurs 

De plus en plus d’entreprises au Québec adhèrent spontanément à cette notion de parité. Une question de philosophie. « Chez nous, même si la loi nous y oblige, cela fait partie de nos valeurs; les femmes gagnent un salaire équivalent aux hommes compte tenu du même nombre d’années d’expérience et du bagage de connaissances », explique Annick Parisé, directrice des finances et administration chez Julien-Leblanc Traiteur, une entreprise qui engage 35 % de femmes et 65% d’hommes. 

Dans le contexte de la rareté de main-d’œuvre, Mme Parisé estime retirer des bénéfices quant à l’attraction et la rétention du personnel. « Tout simplement parce que les femmes et les hommes chez nous sont traités sur le même pied d’égalité », témoigne-t-elle. 

Motivation 

Même opinion du côté du spécialiste en rémunération Jean-François Paul qui observe une augmentation de motivation chez les travailleurs. « Tous sont pour la justice et cela les motive de savoir qu’ils sont traités de façon équitable par leur employeur », précise M. Paul dont la firme Triomphe Consultants aide les entrepreneur.e.s à se conformer à la Loi sur l’équité salariale. 

À l’ère de la compétitivité, les dirigeants veulent tirer leur épingle du jeu. «Cela démontre une rigueur et un respect des lois, ajoute-t-il. Cela a un impact positif sur le groupe et sur le sentiment d’appartenance. »

M. Paul recommande de faire l’exercice d’équité salariale qui permet d’entreprendre une première réflexion sur la structure salariale de l’entreprise. Souvent, les dirigeant.e.s se posent la question suivante : nos salaires sont-ils trop bas ou trop haut par rapport au marché ? En cette période d’inflation, l’exercice prévoit la concrétisation d’un budget pour affronter les inévitables hausses de salaire prévues pour l’an prochain.  

93,2 % 

soit 31 911 entreprises sur 36 851 ont déclaré avoir fait l’exercice initial d’équité salariale en décembre 2021. 


À savoir 

Les entreprises de 10 à 49 personnes salarié.e.s doivent obligatoirement entreprendre une démarche d’équité salariale. 
Les entreprises de 50 salarié.e.s et plus doivent établir un programme d’équité salariale. 

Peu importe la démarche ou le programme, l’important, c’est de procéder à l’évaluation des emplois en tenant compte de quatre facteurs : 
 

1. Exigence du travail 
2. Qualifications
3. Responsabilités assumées par l’employé.e
4. Conditions dans lesquelles le travail est effectué 


Le processus est rigoureux. « Il faut bien connaître les critères et caractéristiques de l’emploi. Au besoin, on recommande au gestionnaire de faire remplir des questionnaires aux employé.e.s. Cela lui permet ainsi de mieux connaître les emplois de l’entreprise pour être en mesure de bien les évaluer», illustre Mme Amalia Morales. 

En procédant à cet exercice, certaines entreprises découvrent des iniquités dans les catégories d’emplois à prédominance masculine. « On se rend compte par exemple qu’un tel est sous payé par rapport à sa description de tâche », indique Jean-François Paul. 

De plus, on peut avoir recours à l’Institut de la statistique du Québec qui propose des tableaux statistiques présentant la rémunération annuelle minimale et maximale ainsi que les taux horaires de différents exercices d’équité salariale. 

Bénéfices

En réalisant une bonne évaluation des emplois, l’employeur est en mesure de corriger les écarts salariaux qui subsistent entre hommes et femmes. Le point positif est l’instauration de relations harmonieuses de travail. « Les employé.e.s le disent eux-mêmes : ici, on nous paie correctement et on valorise mon emploi », ajoute M. Paul. 

Enfin, l’octroi d’une rémunération équitable suscite un meilleur engagement et une plus grande mobilisation du personnel, croient aussi les experts interrogés. 


Les bienfaits de l’équité salariale 

  • Attractivité 
  • Rétention, fidélisation et mobilisation des employés 
  • Organisation plus concurrentielle 
  • Meilleur environnement de travail 

Même si vous n’avez pas encore fait l’exercice initial de comparaison des emplois et des salaires, il est fortement recommandé de remplir le formulaire (DEMES) et le transmettre à la CNESST. 


607 

Employeurs contrevenants à la Loi sur l’équité salariale qui sont répertoriés sur le site de la CNESST, fin mars 2022. 

1000 $ à 45 000 $ 

Le montant de l'amende possible pour les entreprises qui n’effectuent pas de programme d’équité salariale. 

Enfin, il ne faut pas oublier que tous les cinq ans les employeurs devront réviser et mettre à jour leurs plans d’équité salariale. 

De la parole aux actes

Comment passer de la parole aux actes ? En 2022, les dirigeant.e.s peuvent suivre une formation par eux-mêmes*, utiliser le Progiciel de la CNESST ou sinon recourir à un spécialiste en rémunération**. 

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*Formation webinaire équité salariale 
**Élaboration d'un programme d'équité salariale avec Triomphe consultants