Québec : décoder l'impact de la littératie en milieu professionnel

07-09-2023
La littératie au Québec : surprises en milieu professionnel et quête d'un avenir formé !
Rédigé par :
Victoire Bejjani, Pratiques RH
Québec : décoder l'impact de la littératie en milieu professionnel

La littératie dépasse la simple capacité à lire et à écrire. Elle constitue une clé essentielle à l'évolution professionnelle, à la croissance économique et à l'adaptabilité dans un monde toujours en mouvement.  

La littératie, au Québec comme ailleurs, englobe désormais une multitude de compétences : 

  1. Les compétences traditionnelles de lecture et d'écriture; 
  2. Les compétences en technologies de l'information et de la communication (TIC); 
  3. Les compétences sociales et émotionnelles; 
  4. Les compétences de base en mathématiques. 

Cette compréhension élargie de la littératie est devenue un pilier essentiel pour: 

  1. Stimuler la croissance économique; 
  2. Favoriser l'évolution professionnelle; 
  3. Garantir l'adaptabilité dans un univers en perpétuel mouvement. 

Alors que l'économie du savoir connaît des bouleversements et que l'apprentissage pour adultes présente des défis de taille, où se positionne le Québec en termes de littératie en milieu de travail ? 

Compétences en littératie au Québec : surprises et stratégies  

Pierre Langlois, distingué économiste, a intensivement exploré la littératie au Québec. Sa première étude AlphaRéussite de 2018 montre que 53% des Québécois n'atteignent pas le niveau 3 en lecture. Ses recherches ultérieures révèlent un écart croissant entre Montréal et ses régions, impactant 1,2 million de personnes. La grande surprise? Le Québec, avec un taux de non-diplômés de 11,8%, dépasse maintenant le Nouveau-Brunswick qui est à 11%. 

Contenu supplémentaire

Décryptage des niveaux de compétences 

Les niveaux de compétence en emploi au Québec sont catégorisés comme suit :

Niveau 1 : Capacités de base - Comprendre des informations simples. 

Niveau 2 : Compétences fonctionnelles - Traiter des données de complexité modérée. 

Niveau 3 : Compétences avancées - Analyser et interpréter dans différents contextes.

Niveau 4/5 : Maîtrise et expertise - Gérer des informations complexes et synthétiser. 

Mais la surprise ne s'arrête pas là ! Contre toute attente, alors que l'on s'attendrait à ce que les métiers hautement qualifiés se distinguent par une littératie impeccable, 30% trébuchent avant la ligne d'arrivée. Le coup de théâtre ? 10% des métiers moins pointus sont en tête de peloton dans la course à la littératie. 

Slimane Saidj, chef des services de la Fondation de l’Alphabétisation, éclaire cette énigme : « les variations de littératie au Québec ne peuvent être ignorées. Qu'il s'agisse de salarié.e.s, de chercheur.euse.s d'emploi ou de diplômé.e.s, les différences sont tangibles. Même si l'on pourrait s'attendre à ce qu'un.e professionnel.le hautement qualifié.e surpasse naturellement un.e employé.e à un poste moins technique, la réalité nous invite à repenser notre approche de la formation. Il est crucial de renforcer la littératie pour atteindre le niveau 3, gage de compétence avancée. » 

 

 

Employé.e.s

En recherche active d'emploi

Autres activités

Niveau 0

48%

52%

-

Niveau 1

64%

36%

-

Niveau 2

71%

5%

24% (études, retraite, projets)

Niveau 3

79%

4%

17% (inactivité, études, retraite)

Niveau 4

87%

-

13% (professionnel/personnel)

Ministère de l'Éducation du Québec, 2013, enquête PEICA de l'OCDE sur les compétences de 5 911 adultes québécois (16-65 ans) en littératie, numératie et résolution de problèmes technologiques parmi 24 pays.

La voie à suivre 

La compétence 3 n'est pas qu'un chiffre. Elle symbolise la capacité à lire, comprendre et interagir avec le monde moderne. Et dans une ère où la technologie est omniprésente, la formation continue est un passage obligé. 

Alors, comment réduire ce fossé ? Pour y remédier, Slimane propose des pistes d’action : 

Optimisation de la formation en entreprise

  1. Vision stratégique : Définir clairement les besoins en formation en ligne avec les objectifs à long terme de l'entreprise. 
  2. Formation adaptée : Élaborer des sessions de formations spécifiques après avoir identifié les compétences essentielles, en tenant compte des évolutions technologiques comme l'IA et l'automatisation. 

Approche pour les travailleurs expérimentés

  • Conscience numérique : Souligner l'importance de la littératie numérique dans le contexte actuel.  
  • Programmes adaptés : Concevoir des programmes adaptés qui valorisent et renforcent les compétences des travailleurs expérimentés. 
  • Communication : Évoquer avec tact et respect la nécessité de mettre à jour ses compétences.  
  • Transition en douceur : Avec les bons outils et une attitude proactive, l'adaptation aux innovations récentes devient plus aisée. 

Face à l'analphabétisme : 

  • Reconnaissance des lacunes : Comprendre que certains employé.e.s, face à l'illettrisme ou l'analphabétisme, peuvent masquer leurs difficultés.  
  • Stratégie inclusive : Aborder le sujet avec bienveillance, en évitant tout jugement. Proposer des formations à l'ensemble du personnel pour ne stigmatiser personne, et particulièrement soutenir ceux confrontés à l'illettrisme. 

Formations : un tableau à double face  

Les résultats de l’enquête du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), menée au Québec en 2011-2012 et mis à jour en 2021, révèlent que 65% des employé.e.s canadiens se voient offrir des opportunités pour se perfectionner. C'est une nouvelle rafraîchissante, mais quid des 35% restants? 

En creusant un peu plus, certaines provinces, telles que la Nouvelle-Écosse, se démarquent par leur excellence en matière de formation, surpassant la moyenne nationale. Par contraste, le Québec semble en retard, ce qui soulève des questions. 

Rôle central des entreprises : une responsabilité partagée 

Si Service Québec a récemment intensifié ses efforts pour booster la formation continue, le rôle des entreprises ne doit pas être négligé.  

Bien sûr, la formation a un coût, mais ne serait-il pas plus judicieux de le voir comme un investissement? Un personnel bien formé équivaut à une entreprise prospère. 

- Slimane Saidj -

Prenons l'exemple de Desjardins. En investissant constamment dans la formation de ses salarié.e.s, l’institution financière a su démontrer que la formation continue est essentielle pour propulser les carrières, fidéliser les talents et s'adapter aux évolutions rapides du marché. Les entreprises technologiques, face aux innovations constantes, en sont un autre exemple éloquent. 

Statut professionnel: une influence sur la formation?  

Cependant, il ne faut pas oublier celle et ceux qui sont souvent laissé.e.s pour compte dans ce mouvement vers la formation continue : les salarié.e.s à temps partiel. Nombre d'entre eux.elles sont confronté.e.s à des barrières financières, avec des formations coûteuses et des aides difficiles à obtenir. Slimane Saidj insiste : « la formation continue est l'épine dorsale de l'adaptabilité professionnelle. Il est crucial de rendre cela accessible à tous et toutes, quel que soit leur statut. » 

Alphabétisation : un pouvoir caché des entreprises québécoises 

Quand on pense aux entreprises, l'image qui vient souvent à l'esprit est celle des grandes sociétés. Cependant, dans le paysage québécois, les PME brillent telles des étoiles éclatantes, représentant 97,7% des entreprises de la province, selon Statistiques Canada. Elles sont indéniablement le pilier de l'économie québécoise. La question se pose : leur taille modeste limite-t-elle leur potentiel d'alphabétisation? Loin s'en faut! 

 

Monsieur Saidj pointe une tendance inspirante. « Là où on pourrait croire à un recul, certaines PME bondissent vers l'avenir! » s'exclame-t-il. Malgré leur stature réduite, ces entreprises montrent une agilité sans pareille, surtout face à l'alphabétisation. Leur volonté de former, d'investir et d'enrichir leurs employé.e.s est vivement ressentie. Mais, bien sûr, l'ombre de l'inconnu plane toujours, freinant certains dans leur élan d'évolution. 

L'engagement de la fondation

La Fondation pour l’alphabétisation ne reste pas spectatrice. Avec des initiatives phares telles qu'Info Apprendre et Info-Alpha, elle offre un éventail de formations, un cadeau précieux pour les assoiffé.e.s de savoir. 

L'appel à la solidarité : les entreprises, grandes et petites, ne sont pas laissées à elles-mêmes. Qu'il s'agisse d'incitations gouvernementales, de partenariats avec des institutions académiques ou de subventions ciblées, les aides existent. Sans oublier les travailleurs indépendants, pour qui la Fondation déroule le tapis rouge avec Enrichir, une rampe vers la maîtrise de la littératie. 

Défis et opportunités du marché du travail québécois 

Dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre profondément ressentie, le Québec se trouve à une croisée des chemins. Cette situation, bien que complexe, offre l'opportunité d'intégrer des talents autrefois marginalisés. Cependant, un aspect essentiel à ne pas négliger est la littératie. Chaque directive est cruciale; sans une bonne compréhension, même la sécurité peut être compromise. La clé réside dans la sensibilisation de chaque individu, de la direction aux stagiaires, et dans l'adoption d'une véritable culture de formation continue. 

Face à la diversité culturelle et historique du Québec, le défi se fait plus grand. En renforçant le soutien aux PME et en infusant nos programmes éducatifs de cette richesse culturelle, le Québec a le potentiel de transformer l'éducation des adultes. L'avenir reste incertain quant à la direction prise, mais une chose est sûre : l'aventure qui attend est pleine de promesses!