5 stratégies pour réduire le taux de roulement en entreprise

Dans un monde idéal, les employeurs souhaitent conserver leurs talents le plus longtemps possible. Il est donc crucial de maîtriser le taux de roulement. Voici plusieurs stratégies afin d’optimiser la rétention.
D’abord, le taux de rotation du personnel consiste en une formule mathématique toute simple. Il suffit de calculer le nombre de départs pendant une période donnée puis de diviser par le nombre total de l’effectif et de multiplier par 100.
L’entreprise Bonin Luxuria (*nom fictif) compte par exemple 25 départs sur 102 personnes durant la période de mars 2024 à mars 2025. Le taux de roulement est donc de 24 %.
Le fondateur de la firme Attribu Vincent Mazrou observe que le taux de roulement varie selon plusieurs facteurs dont la tranche d’âge des salarié.e.s. « C’est connu, les jeunes qui terminent leurs études vont généralement démissionner pour aller chercher d’autres expériences sur le marché du travail. »
L’expert qui accompagne les organisations dans leurs défis en ressources humaines recommande de se comparer à la concurrence. « Il faut garder en tête l’industrie dans laquelle on évolue. Quel est son taux de roulement comparé au mien ? »
Stratégie numéro 1 : effectuer l’analyse de la donnée
En cette période d’incertitude, plusieurs entreprises affrontent un vent de face. Malgré la tempête, les entreprises doivent privilégier un temps d’arrêt et de réflexion.
Il est nécessaire d’analyser le taux de roulement, recommande Geneviève Brunet, directrice RH et développement organisationnel chez Solertia et conseillère en ressources humaines agréées (CRHA).
La spécialiste suggère aux organisations de se poser trois questions :
- Qui part ? Il s’agit peut-être de jeunes en poste depuis moins d’un an ou au contraire, de personnes clés ayant une expertise et des compétences uniques ou encore des salarié.e.s en fin de carrière.
- Pourquoi ? Ces départs proviennent-ils d’une tendance, de facteurs externes ou d’un enjeu financier ? En prenant connaissance des raisons, il devient plus facile d’adopter une stratégie qui permettra de prédire les prochains mouvements dans l’organisation.
- Où se situe le roulement ? Il s’agit d’identifier le secteur d’activité, le département de l’organisation ou un groupe d’âge précis.
Stratégie numéro 2 : offrir des opportunités de carrière
Comment donc atténuer le taux de roulement ? Premièrement, en montrant les opportunités et les différents cheminements de carrière qui existent au sein de l’organisation.
Cela se traduit par l’importance de miser sur le développement professionnel interne et l’octroi de différents parcours de formation. « Cela inclut aussi de proposer un bon environnement de travail qui valorise l’équilibre, un horaire flexible, etc. », ajoute Mme Brunet.
Toutefois, en l’absence de défi ou de possibilités d’avancement, observe Vincent Mazrou, les gens auront l’impression de faire du sur place et finissent par quitter l’organisation.
« Je viens d’accepter un rôle supérieur avec davantage de responsabilités. Après 3 ans dans le même poste, j’avais un peu l’impression d’avoir fait le tour du jardin », confie Éliana* (nom fictif), une jeune trentenaire en remettant sa démission.
Ce genre de témoignage est souvent entendu dans les bureaux des RH, selon les spécialistes interrogés.
45 % des employé.e.s quittent en raison de l’absence de développement professionnel selon l’Enquête sur la rémunération globale au Québec de Solertia menée en 2024 auprès de 1337 salarié.e.s.
« Cela signifie qu’une 1 personne sur 2 quitte avec le sentiment qu’elle ne pourra pas assouvir sa soif de croissance personnelle », observe Geneviève Brunet.
Il faut donc prendre le temps de cartographier les chemins de carrière dans l’entreprise et de bien les communiquer. « Car si nos gens ne peuvent pas se voir ni se propulser dans notre organisation, un autre employeur va le faire pour eux », indique Geneviève Brunet.
Franchir le difficile cap des 3 à 5 ans
« La période de 3 à 5 ans après l’embauche d’une personne est cruciale », dit Vincent Mazrou.
En effet, l’expert observe que les individus au sein d’une entreprise depuis 3 à 5 ans sont celles et ceux qui sont les plus à risque de démissionner. « Cela s'explique principalement par l'impression d'avoir fait le tour du jardin et que rien ou peu de choses intéressantes semblent se pointer le bout du nez dans les mois à venir. »
« Pourquoi ne pas offrir de nouveaux « coins de jardin » aux talents ? Il faut imaginer comment la main-d'œuvre peut demeurer longtemps dans l’organisation et rendre cela concret. »
- Geneviève Brunet
Cela signifie de bien cibler des pistes de développement dans le but d’élever les gens dans l’organisation. « On voit bien ton profil et ton potentiel et on espère que tu pourras grandir chez nous », dira-t-on.
L’exemple de Moment Factory
L’entreprise Moment Factory va plus loin en mettant en place un mur interactif destiné aux membres de ses équipes.
En un clic, le personnel peut visualiser les postes disponibles et la description de tâches. En montrant de nouveaux horizons pour les salarié.e.s, cela permet de les maintenir en poste plus longtemps.
En effet, 25 % des personnes interrogées à l’été 2023 lors d’une enquête Capterra sur la rétention estiment que le développement personnel représente un aspect important de la satisfaction au travail.
Malgré cela, l’enquête illustre que les plans de développement formels sont absents ou mis de côté par de nombreuses PME au Québec. Le sondage évalue que 37 % des personnes interrogées disent ne pas avoir de plan de développement et 17 % ne savent pas s'il en existe un.
Une revue des talents afin de déceler le potentiel au sein des troupes
La spécialiste en ressources humaines et organisationnelles Geneviève Brunet estime important de tenir une « revue des talents » avec les différents gestionnaires d’une organisation.
Les responsables discutent alors des profils en mettant de l’avant leurs forces et qualités. « Un.e gestionnaire doit avoir l’audace de voir le degré de haut potentiel de son.sa salarié.e », fait-elle valoir.
En « élevant » une personne de talent au sein de l’organisation, cela va lui permettre de jouer un nouveau rôle et surtout d’éviter son départ vers la concurrence.
Bien sûr, le plus difficile pour les gestionnaires d’équipe, c’est d’avoir le courage de laisser partir une personne clé.
Attention à la promotion non désirée !
Si certaines personnes rêvent d’étendre leur terrain de jeu, cela ne veut pas nécessairement dire accéder à une fonction de gestionnaire ou de superviseur.e.
Une ascension au sein d’une entreprise peut prendre différentes voies, dont la responsabilité d’un nouveau projet, travailler au sein d’une autre équipe ou division. Mme Brunet conseille aux employeurs de considérer ces options.
Pour aller plus loin
Les impacts du taux de roulement
- Financier
En moyenne, le départ d’un.e employé.e coûte 37,5 % de son salaire. Un employeur devra donc débourser jusqu’à 23 625 $ pour remplacer une personne gagnant le salaire moyen canadien de 63 000 $. Mobilisation en berne
En quittant l’organisation, un.e collègue apprécié.e. va probablement perturber le niveau d’engagement, de motivation et de productivité des membres de l’équipe.De plus, il faut se méfier du climat toxique qui s’infiltre parfois insidieusement. Les discussions de corridor sont bien différentes de celles entendues dans le bureau des RH. La personne qui part peut laisser entrevoir une part d’insatisfaction, teintée d’amertume et d’un sentiment de tristesse.
Culture de l’organisation
Enfin, la multiplication des démissions ternit la marque employeur et incidemment la culture de l’organisation.« Sur le marché, les gens finissent toujours par se parler de l’expérience employé.e ou gestionnaire. Une bonne marque employeur fait partie de l’attractivité d’une entreprise et permet d’embaucher plus facilement les talents dont on a besoin », indique Geneviève Brunet.
Stratégie numéro 3 : mobilisation = engagement des troupes
La mobilisation des troupes demeure la clé du succès afin de diminuer le taux de roulement. Les employeurs peuvent réaliser des sondages auprès des équipes afin de prendre le pouls du climat, de leurs idées et de leurs intérêts.
En fait, ces coups de sonde aident à mobiliser et valoriser les membres de ses équipes. Cela aide à déterminer par exemple les besoins en matière de cohésion. En pratiquant un sport d’équipe ou des activités de team building, il se tisse alors de précieux liens
Le psychologue Nicolas Chevrier fait d’ailleurs valoir, dans un précédent article de Pratiques RH, que plus une personne compte d’ami.e.s au sein de son organisation, moins elle a envie de partir ailleurs.
En se sentant appréciés et reconnus, les gens vont ainsi demeurer plus longtemps au sein de l’entreprise.
Stratégie numéro 4 : instaurer une communication authentique et régulière
Lors de ses rencontres régulières, le.la gestionnaire doit pouvoir discuter de différents sujets, incluant les besoins de formation ou la quête de nouveaux défis.
« Comment je peux t’aider au quotidien à atteindre tes objectifs ? », demande le.la gestionnaire.
« Qu’est-ce que tu aimerais accomplir dans 1 an, dans 5 ans ? », suggère Vincent Mazrou.
Certaines entreprises québécoises vont même participer concrètement au rêve de l’employé.e. La société QDI valorise par exemple les études de l’une de ses recrues ou contribue financièrement à l’aménagement d’un restaurant au Mali, un projet cher à la famille d’un autre employé. « Réaliser les rêves des gens de ses équipes est vraiment une tendance qu’on voit de plus en plus chez nos clients », confirme le fondateur d’Attribu.
Stratégie numéro 5 : la rétroaction continue la clé de succès de la performance
Enfin, parmi les solutions qui permettent de fidéliser le plus longtemps le personnel, Geneviève Brunet évoque la rétroaction continue.
Ce processus permet aux gestionnaires et à leurs équipes d’échanger régulièrement sur les bons coups, mais aussi les situations difficiles et comment elles peuvent être évitées à l’avenir.
Ces conversations accroissent le lien de confiance et de proximité. Une écoute active et une saine communication ont un impact tangible sur la longévité de la relation qui sera conditionnelle, bien sûr, au sentiment de satisfaction mutuel.
En résumé, le taux de roulement représente bien plus qu’un indice, c’est une donnée qui permet d’améliorer le niveau d’engagement, de mobilisation et d’épanouissement des troupes.