Départ d'un employé : bien plus qu'un simple adieu

08-03-2024
Naviguer dans le monde professionnel, c'est un peu comme essayer de danser le tango avec deux pieds gauches : ça demande de la grâce et un bon sens du timing, surtout quand il est temps de dire au revoir à un ou une employé.e.
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Victoire Bejjani, Pratiques RH
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Départ d'un employé : bien plus qu'un simple adieu

Il pourrait s’agir de la scène de rupture la plus maladroite au monde, excepté que nous parlons ici de « offboarding » ou gestion du départ. Cet article est là pour faire de la gestion d’une situation délicate un art, et amener à changer un départ en coup de maître stratégique. 

L'année 2023 au Québec a été marquée par des défis économiques, illustrés par une augmentation notable des licenciements dans les petites et moyennes entreprises. Dans un article publié par Human Resources Director Canada (HRD), une étude réalisée par Capterra auprès des employé.e.s de PME a révélé une situation préoccupante : environ un tiers (31%) des employé.e.s ont témoigné d'une réduction drastique des effectifs au sein de leur entreprise au cours des douze derniers mois.  

Des résultats qui placent le Québec en tête avec 36 % et suivi de près par la Colombie-Britannique, affichant un taux de 32 %, tandis que l'Ontario clôture cette liste avec un pourcentage de 30 % 

Selon les têtes pensantes de Kronos et Workplace Trends, 15% des employé.e.s font le boomerang et reviennent chez un ancien employeur. Voilà qui fait du traitement de fin de contrat, non pas une épreuve d'adieu, mais une ouverture vers une potentielle réunion de famille. Ce chiffre souligne l'importance cruciale d'une gestion des départs, non seulement pour maintenir une relation solide, mais aussi pour éviter des coûts de recrutement. 

Les 3 étapes clés du parcours professionnel en entreprise : à découvrir ! 

Ah, le périple d'un collaborateur au sein de l'entreprise, une aventure en trois actes - l'accueil avec fanfare (alias l'intégration), l'ascension épique (ou l'évolution interne), et le grand final avec feu d'artifice (également connu sous le nom de départ) ! 

  1. L'accueil avec fanfare : un tapis rouge est déroulé pour l'arrivée de la star du jour : le ou la nouvel.le employé.e. C'est un peu comme le premier jour à Poudlard, mais sans la magie (quoique...) Cette phase inclut une série d'orientations et de formations destinées à intégrer efficacement le nouvel arrivant dans son rôle. Toutefois, ces activités peuvent parfois s'avérer déroutantes, évoquant une quête sans guide précis.  

  2. L'ascension épique : voici le moment où le.la héros/héroïne monte de niveau, souvent sans mode d'emploi. Les employé.e.s sont souvent confronté.e.s à des défis, tels que des formations en ligne avec des problèmes techniques, qui testent leur patience et leur détermination. Les promotions sont perçues comme des reconnaissances du dur labeur, apportant un sentiment d'accomplissement... jusqu'à réaliser que cela vient avec plus de responsabilités et moins de temps libre. 

  3. Le grand final : le clap de fin, quand l’employé.e quitte la scène, non sans émotion. Un départ réussi, c'est comme une cérémonie des prix Gémeaux où l'on célèbre les moments forts sans mentionner les bêtisiers. Tout cela, bien sûr, avec l'espoir, peut-être secret, de revenir un jour, plus fort.e et plus sage. 

Voici, la trilogie incontournable de la vie professionnelle. Alors, que se passe-t-il lorsque vient le moment de dire au revoir à un membre de l'équipe ? Quels pourraient être les avantages... 

Les secrets d'un départ réussi : transformer un adieu en atout stratégique 

Il faut se tenir prêt·e·s, car gérer ce moment avec élégance équivaut à offrir une « standing ovation » à une personne ayant achevé un solo magistral sur scène. Imaginer la scène : applaudissements, sourires, et une sortie grandiose. Voilà comment devrait se dérouler un offboarding positivé! 

Ce qui permet de convertir cette étape en un levier compétitif pour l'entreprise, en vue de : 

  1. Favoriser l'engagement continu : maintenir de bonnes relations avec les ancien·ne·s employé·e·s peut s'avérer extrêmement bénéfique pour l'entreprise. En effet, un·e ancien·ne collègue qui revient avec des compétences nouvellement acquises peut représenter une valeur ajoutée importante. Il est donc judicieux de maintenir des liens ouverts, facilitant ainsi la possibilité de futures collaborations.  Encourager le maintien du lien via LinkedIn et inviter les ex-employé.e.s à des webinaires sur des innovations ou compétences clés renforce le réseau professionnel et prépare le terrain pour d'éventuelles réintégrations ou partenariats. 

  2. Renforcer la marque employeur : engager les employé·e·s démissionnaires à partager leur expérience positive peut transformer ces dernier·ère·s en ambassadeur·rice·s de la marque. Une recommandation d'un·e ancien·ne salarié·e peut avoir un impact notoire sur la perception de l'entreprise par de potentielles recrues.  Selon Microsoft, les individus dont le départ s'est bien passé restent fidèles à la marque et recommandent ses produits. Le réseau des anciens de Microsoft compte plus de 35 000 membres dans 50 pays. De même, Deloitte a plus de 20 000 membres dans son propre réseau d'anciens. 

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EN BREF 

D'après une étude de 2019 de PeoplePath et de l'Université Cornell, un tiers des ancien.ne.s salarié.e.s gardent un lien avec leur ex-employeur, devenant client.e.s ou partenaires, et 15% des embauches sont issues de leur cercle, entre réembauches et recommandations.

  1. Réduire le roulement de personnel : offrir un offboarding respectueux et bien structuré démontre aux employé·e·s qu'il·elle·s sont valorisé·e·s, même lors de leur départ. Cela revient à dire : « On tient à vous, même au moment de votre départ. » Cette reconnaissance contribue à forger une culture d'entreprise solide, où chaque élément se sent apprécié et est donc moins enclin à quitter l'organisation, réduisant ainsi le turnover

  1. Avoir un impact sur la productivité : un processus de désengagement structuré assure une transition fluide, minimisant les perturbations et permettant à l'équipe de maintenir sa productivité. Cela équivaut à passer le témoin efficacement dans une course de relais, où chaque membre joue un rôle clé dans la performance de l'équipe. 

L'élaboration d'une stratégie d'offboarding optimisée 

Ainsi, se doter de cet avantage concurrentiel ne se concrétise pas instantanément, mais s'obtient grâce à une démarche enrichie et dynamique, essentielle pour maîtriser cette phase délicate. 

Au-delà du traditionnel entretien de départ, une stratégie élaborée se veut un processus anticipé dès l'embauche, ouvrant la voie à des échanges francs sur les perspectives de carrière, tant internes qu'externes. Cette vision s'accorde avec la pluralité des parcours professionnels actuels. 

De son côté, McKinsey & Company intègre ses salarié.e.s au réseau des anciens dès leur premier jour, tandis que McDonald's propose des programmes de développement préparant les employé.e.s à leur avenir, que ce soit au sein ou en dehors de la firme. Ces pratiques transforment chaque séparation en une opportunité bilatérale, favorisant une transition positive et perpétuant le lien avec les ancien.ne.s collaborateur.trice.s. 

1. Peaufiner le parcours de sortie 

Un parcours de sortie soigneusement conçu équivaut à un départ serein. Selon le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, un plan de communication adéquat est essentiel pour intégrer et appliquer efficacement les nouvelles stratégies. Les étapes clés comprennent : 

  • Célébration du départ : transformer le départ en événement positif. 

  • Transmission des responsabilités : assurer une passation fluide. 

  • Valorisation du travail accompli : reconnaître les contributions. 

  • Maintien du lien : l'employé.e sortant.e demeure un.e ambassadeur.drice de l'entreprise. 

  • Communication transparente : prévenir les rumeurs en informant les équipes en amont. 

  • Organisation de l'offboarding : définir clairement les tâches et respecter les délais. 

  • Bilan de parcours : réfléchir aux accomplissements et aux leçons apprises. 

2. Fêter les adieux 

Adopter une perspective où chaque départ est une célébration renforce une culture d'entreprise positive et décomplexée. Il est temps de dépasser l'idée des départs comme des trahisons pour favoriser un meilleur climat social, réduisant angoisses et tabous. 

3. Capitaliser sur le savoir 

Encourager le partage des connaissances au quotidien minimise l'impact des départs. La documentation, les interviews et les échanges permettent de conserver l'expertise au sein de l'équipe. 

4. Saisir l'opportunité d'amélioration 

Un départ affecte le moral, mais c'est également l'occasion d'obtenir des retours constructifs. La méthode DAKI (Drop, Add, Keep, Improve ou Abandonner, Ajouter, Garder, Améliorer) aide à identifier les aspects à abandonner, ajouter, conserver, ou améliorer, enrichissant ainsi l'expérience collective. 

Ce parcours de sortie enrichi, loin d'être une fin, marque le début d'une relation durable et mutuellement bénéfique, ouvrant la porte à un échange continu, à une croissance partagée, et peut-être à un « boomerang rehire » ! 

« Boomerang rehire » : cultiver les retours gagnants ! 

Alors, pourquoi ne pas laisser une porte ouverte aux anciens collaborateurs ? Ce phénomène est bien plus qu'une simple réembauche. Il représente une opportunité pour les deux parties comme l'illustre Jean-Marie Bréhé, le vice-président des services d'ingénierie, impressionné par le nombre de salarié.e.s boomerang : « J’en retire une grande satisfaction personnelle », dit-il. « Toutefois, mes attentes sont élevées envers eux : ils connaissent la philosophie de l’organisation et ont l’habitude de nos outils et techniques. Je m’attends à une plus grande performance de leur part. » 

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Miser sur l'employé boomerang : bonne ou mauvaise idée ? 

Cette approche réaffirme la valeur d'une politique de porte ouverte, non seulement en tant que stratégie de rétention de talents à long terme mais aussi comme un investissement dans le potentiel illimité du capital humain, capable de revenir avec plus d'expériences, de compétences et d'engagement envers l'organisation qui l’a vu grandir. 

Astuces pour un adieu professionnel sans accrocs  

  • Ne pas prendre le départ comme une offense personnelle : le choix de quitter une entreprise n'est pas une critique personnelle ou un échec. Une approche professionnelle favorise un climat de respect mutuel. 

  • Ne pas couper les ponts brusquement : maintenir des liens professionnels après le départ est crucial. Les ruptures abruptes peuvent ternir la réputation d'une entreprise et entraver les futures collaborations. 

  • Ne pas réagir impulsivement : les réactions émotionnelles ou précipitées peuvent aggraver une situation déjà sensible. Le calme et le professionnalisme sont essentiels. 

  • Ne pas négliger le transfert de connaissances : une passation des responsabilités claire est vitale pour la continuité des opérations sans heurts. 

Passer au travers de cet adieu demande plus qu'une simple checklist ; c'est un art qui combine empathie, stratégie et anticipation. Ces pratiques ne se contentent pas de préserver l'intégrité professionnelle ; elles enrichissent également la culture d'entreprise en valorisant chaque individu et son parcours unique. 

Le grand saut  

Cette préparation minutieuse et respectueuse mène à un moment clé : le départ d'un ou d’une employé.e se transforme en un final spectaculaire d'une série qu'on a adoré regarder : intense et mémorable. La personne, en vedette de cette scène d'adieu, raconte son histoire, laissant sa trace. Comme un épisode marquant de « Friends », chaque moment partagé évoque familiarité et sourires, même dans la nostalgie. 

Daniel Kahneman, scientifique comportemental et lauréat du Nobel, a révélé la « règle du pic et de la fin » : nous jugeons une expérience par son apogée et sa conclusion.  

Ainsi, la manière dont une entreprise gère le départ d'un ou d’une employé.e peut marquer plus que son accueil.  

Un adieu bien orchestré forge un souvenir durable, positif. Ce n'est pas juste un au revoir, mais la mise en scène d'un final éclatant, où chaque instant devient un pic d'émotion, une fin heureuse à garder en mémoire. C'est l'art de transformer un départ en un moment de reconnaissance mutuelle, prélude à d'éventuelles retrouvailles...