Retraite : pourquoi et comment accompagner les employés en fin de carrière

23-01-2025
La retraite est une étape importante dans laquelle les organisations ont un rôle à jouer. Reflétant l’aboutissement de plusieurs dizaines d’années sur le marché du travail, ce passage vers une autre phase de la vie peut être accompagné d'une certaine part d’anxiété financière.
Rédigé par :
Karine Dutemple, Pratiques RH
Retraite

La retraite impose son lot de changements pour le personnel : diminution des revenus, augmentation du temps libre à disposition et un besoin de redécouvrir une nouvelle façon de vivre où le travail n’occupe plus une si grande place. Même lorsqu’elle est encore loin, celle-ci demande un effort de réflexion. 

De plus, en raison du contexte économique actuel, il peut être intéressant pour ces salarié.e.s âgé.e.s de prolonger leur carrière, et aux organisations de les accompagner à travers cette fin de parcours professionnel.

En tant qu’employeur, pourquoi et comment accompagner le personnel vers la retraite ?

Une meilleure planification des revenus à la retraite

Selon Karine Martin, directrice générale l’Association Midi40, « il y a une image très répandue chez les employé.e.s qu’une grande partie des revenus va à l’impôt à 65 ans, qu’ils et elles vont travailler pour le redonner au gouvernement et que ce n’est pas avantageux de rester au travail ».

Toutefois, elle rappelle qu’en parlant avec des employé.e.s des nouveaux incitatifs financiers qui encouragent les travailleur.se.s âgé.e.s à rester sur le marché du travail, les employeurs peuvent généralement amener leur main-d'œuvre à voir de façon plus concrète l’avantage financier de continuer à travailler encore un peu.

« Cette dernière est souvent mal outillée et informée par rapport à toutes les possibilités qui existent à la retraite », poursuit-elle. 

Diane Gabrielle-Tremblay, professeure à l’Université TÉLUQ et spécialiste en gestion des ressources humaines, souligne qu’accompagner les employé.e.s dans la planification de la retraite peut se faire bien avant les dernières années prévues sur le marché du travail. « Il faudrait penser à offrir un accompagnement le plus tôt possible », soutient-elle.  

Elle précise que cela peut débuter dès la deuxième moitié de carrière ou au cours des 10 années qui précèdent l’âge habituel de la retraite, soit 65 ans.  

Selon l'experte, débuter ce processus tôt permet de garantir une meilleure planification financière et la possibilité, pour celles et ceux qui le souhaitent, de travailler plus ou moins longtemps, y compris au-delà de l’âge de 65 ans. Cela peut aussi permettre de faire du mentorat et d’aménager son temps de travail, ce qui est souvent recherché par les travailleurs vieillissants.  

D’ailleurs, l’Association Midi40 offre des conférences sur l’aspect fiscal de la retraite, lesquelles peuvent aider les employé.e.s à prendre connaissance d’informations cruciales sur l’impact financier d’un prolongement de leur activité professionnelle.  

Karine Martin souligne qu’un employeur offrant ce type de conférence à sa main-d'œuvre peut les aider à prendre conscience de l’impact de certaines décisions. « Les gens peuvent être très surpris de voir à quel point retarder le retrait des prestations du Régime des rentes du Québec peut être avantageux sur le plan financier », dit-elle. 

« En donnant plus d’informations à l’employé.e, cela l’aide à prendre des décisions plus éclairées pour la suite. Les gens vont pouvoir avoir un regard différent sur l’avenir et cela les amène à voir plus de possibilités pour leur fin de carrière qu’une rupture définitive et soudaine avec le monde du travail. »

- Karine Martin, directrice générale de l’Association Midi40

« Accompagner les travailleur.se.s de son entreprise dans la planification de leur retraite peut les amener à avoir un regard plus réaliste sur le revenu dont ils et elles disposeront à cette étape de leur vie ainsi que sur leurs activités et les coûts associés à ces dernières, ce qui peut les inciter à prolonger leur activité », souligne Diane-Gabrielle Tremblay. 

Encourager la main-d'œuvre à rester lorsque c’est nécessaire 

Karine Martin souligne qu'un bon accompagnement en fin de carrière peut découler sur une remise à plus tard du départ à la retraite

En effet, l’approche de la retraite amène des questionnements chez la plupart des gens. Ils et elles se posent la question : est-ce que je devrais prendre ma retraite, et quand ? « Continuer de travailler est de plus en plus répandu chez les travailleurs et travailleuses expérimenté.e.s. Parfois, un besoin financier guide la décision. Toutefois, plusieurs resteront pour continuer de contribuer au marché du travail », appuie Mme Martin. 

Diane-Gabrielle Tremblay souligne qu'accompagner ses employé.e.s dans la planification de cette étape de leur vie peut être une bonne façon de « retenir certaines personnes au sein de l’entreprise », une situation alors gagnante pour les deux parties. 

En effet, la professeure met l’emphase sur le savoir précieux de cette main-d'œuvre expérimentée, précisant que ces personnes ont quelque chose de précieux à offrir à l’entreprise au sein de laquelle ils et elles travaillent, parfois depuis longtemps. 

« Les personnes en fin de carrière possèdent des connaissances à transmettre, à la fois sur leur métier ou leur profession, des connaissances tacites, des façons de faire, des choses que les gens n’apprennent pas à l’école. »

- Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’Université TÉLUQ

La directrice générale de Midi40 précise qu’encourager les employé.e.s en fin de carrière à rester plus longtemps permet aussi de mieux gérer les ressources humaines, de stabiliser les équipes et d’éviter que tout le monde parte en même temps. 

« Quand une entreprise embauche un.e employé.e, il faut le ou la former et la personne ne restera peut-être pas plus de trois ans. Un.e employé.e en fin de carrière est déjà opérationnel.le, il.elle est déjà formé.e, donc même si la personne ne reste que deux ans de plus, ce temps est bien capitalisé », fait-elle valoir. 

Des aménagements pour accompagner la fin de carrière 

« Les entreprises doivent travailler pour retenir la main-d'œuvre qui le souhaite et essayer de satisfaire les demandes des personnes qui sont en fin de carrière », souligne Diane-Gabrielle Tremblay.  

Elle précise toutefois que le problème est qu’il n’y a souvent pas d’aménagement comme la réduction du temps de travail, ce qui maintiendrait plus de personnes en emploi

Karine Martin insiste sur le fait que les travailleur.ses dont la retraite approche veulent un peu de temps, mais qu’ils.elles ne souhaitent pas nécessairement rencontrer le vide que crée la retraite.  

« Tout le monde n’a pas les mêmes besoins en termes d’aménagement, donc il ne faut pas présumer que les employé.e.s vont tous et toutes vouloir travailler deux ou trois jours par semaine », précise-t-elle.  

Conséquemment, elle souligne l’importance de faire preuve d’ouverture face aux aménagements et de tout simplement ouvrir un dialogue avec le personnel.  

Diane-Gabrielle Tremblay indique que ces aménagements peuvent prendre la forme d’un travail à temps partiel ou d’un travail six ou dix mois par année. 

Les deux expertes mettent de l’avant l’importance de « laisser davantage les portes ouvertes ».  

« L’organisation doit être proactive, leur dire qu’il y a de la place pour eux.elles, leur demander quels sont leurs besoins ou souhaits et offrir des aménagements pour que cette dernière étape dans l’organisation soit profitable et intéressante pour tout le monde. »

- Diane-Gabrielle Tremblay

Démontrer de l’appréciation et de la reconnaissance 

« Beaucoup de personnes en fin de parcours ont l’intention de quitter leur emploi et de partir à la retraite plus tôt que prévu parce qu’il n’y a pas de reconnaissance dans leur milieu de travail », souligne Diane-Gabrielle Tremblay.

Selon elle, bon nombre de ces personnes aimeraient épauler la relève et pouvoir transmettre leurs compétences aux collègues.  

L’experte croit donc qu’un employeur qui offre à une personne en fin de carrière la possibilité de mentorer les plus jeunes ou les nouvelles recrues qui arrivent dans l’organisation est un témoignage d’appréciation et de confiance. « Cela revient à dire à la personne qu’elle a bien fait son travail puisqu’elle se fait demander d’aider les autres ». 

Pour les spécialistes interrogées, cette transmission fait pleinement partie de la planification de la retraite et permet de considérer les qualifications de sa main-d'œuvre et de les valoriser jusqu’à la fin du lien d’emploi.

Porter de l’attention à la fin d’une carrière 

En tant qu’employeur, accompagner ses employé.e.s vers la retraite implique bien plus que de souligner leur départ ou de préparer leur remplacement. Cette démarche doit plutôt s’orienter dans une perspective de valorisation de leur apport au sein de l’entreprise.  

Leur permettre de transmettre les connaissances acquises au fil de leurs nombreuses années de travail et favoriser une transition en douceur vers cette période sont certainement des façons pertinentes de leur témoigner une reconnaissance bien méritée. 

Un bon accompagnement vers la retraite peut paradoxalement être la meilleure façon d’encourager ces travailleur.ses expérimenté.e.s à la retarder encore un peu !