Team building : critère d’évaluation ou levier de consolidation des équipes ?
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Au Québec, l'innovation et le travail d'équipe ne sont pas seulement des mots à la mode, ils sont essentiels pour marquer des buts dans l'arène professionnelle. Les activités de consolidation d'équipe [ou team building en anglais] ? Oh, ce n'est pas juste une excuse pour échapper au bureau et lancer des ballons !
Ces pratiques jouent un rôle important dans le tissage de relations solides, l'amélioration des performances, et la promotion d'un climat de confiance et de sécurité psychologique parmi les collaborateur.ice.s. Un peu comme construire une équipe de hockey, c'est la clé pour sculpter des équipes soudées et motivées, prêtes à patiner vers le succès.
Intrigant, cependant, est le virage que certaines entreprises ont pris récemment. Dans une quête effrénée pour pousser la performance au maximum, elles ont commencé à intégrer la participation active à ces activités de consolidation d’équipe comme critère d'évaluation lors des revues annuelles de performance du personnel.
Dans une arène, patins aux pieds, des employé.e.s jonglent avec des chiffres lors d’un exercice de team building, tandis que la prochaine promotion repose sur leur capacité à passer une rondelle. Une situation qui paraît aussi absurde que de choisir le capitaine d'une équipe de projet en fonction de celui ou celle qui peut tenir le plus longtemps sur une jambe !
Où se situe la limite entre encourager le travail d'équipe et transformer chaque activité de groupe en une épreuve olympique ? Est-ce une évolution logique ou un slalom dangereux sur la piste de la gestion des ressources humaines ?
Quarante ans de renforcement d'équipe : une évolution continue
Le concept de team building a connu une évolution significative au cours des quatre dernières décennies. Malgré les premières théories sur la cohésion d'équipe apparues dans les années 1930, c'est en 1980 que le team building a réellement commencé à se développer.
Ce tournant historique a ses racines dans le mouvement des relations humaines en management, initié par le psychologue et sociologue visionnaire Elton Mayo. Sa célèbre étude sur le comportement des employé.e.s de la Western Electric a mis en lumière un principe fondamental : les performances des salarié.e.s s'améliorent significativement dans un environnement de groupe bienveillant.
L'implication est claire : les entreprises les plus performantes sont celles qui privilégient les relations interpersonnelles et qui promeuvent une culture de travail positive.
Le saviez-vous ?
En vertu de la Loi 90 sur la formation d'Emploi Québec, l’employeur doit investir, au cours d'une même année civile, l'équivalent d'au moins 1 % de sa masse salariale dans la formation de son personnel et, déclarer le montant investi au ministère du Revenu du Québec.
Pour saisir l'évolution de l'intérêt pour le team building, une analyse via Google Trends sur une décennie, ciblant le Canada et plus particulièrement le Québec, a été réalisée. Les résultats montrent une augmentation constante de l'intérêt pour le renforcement d’équipe, avec un indice passant de 23 en 2021 à 41 en février 2024.
Quelle est la portée de ces informations pour les employeurs, gestionnaires et professionnel.le.s des RH ?
Claire Hayek, fondatrice et PDG de MSP Teambuilding, souligne l'importance du team building pour « améliorer la productivité et renforcer la cohésion des équipes ».
Selon elle, ces activités sont utiles pour maintenir l'engagement et le bien-être des salarié.e.s tout en cultivant une culture d'entreprise robuste et adaptable.
Ceci est confirmé par un rapport de Gusto, qui indique que plus de 80% des employeurs et employé.e.s estiment qu'il est important de créer un sentiment de communauté au travail.
Ces données soulignent combien le sentiment d'appartenance peut influencer positivement l'environnement professionnel.
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Team building : pour un bureau plus uni et productif
Selon Claire Hayek, ce n'est pas juste une partie de plaisir - quoique, qui dirait non à une bonne vieille course en sac lors d'un pique-nique d'entreprise ?
« Ces activités sont un levier puissant pour améliorer significativement la communication et la collaboration, tout en boostant le moral » fait-elle valoir.
Du café à la cohésion: les pouvoirs du renforcement d'équipe
- Amélioration de la communication : La socialisation entre les membres de l'équipe renforce les modèles de communication de plus de 50 %, ce qui crée une ambiance plus agréable autour de la machine à café - traduction : une communication interne plus efficace.
- Boost de moral : Une analyse de Randstad met en lumière Andrew Tarvin, surnommé « l’ingénieur de l’humour ». Il utilise l'humour, l'improvisation et la psychologie positive pour relever les défis au travail. Il considère l’humour comme une science qui peut être appris pour améliorer la communication, stimuler la créativité et accélérer la résolution de problèmes.
En guide d’exemple, à l'occasion de la Journée mondiale du rire (7 mai), pourquoi ne pas inviter le personnel à des activités telles que le yoga du rire pour renforcer l'esprit d'équipe et réduire le stress ? - Cohésion de fer : S’engager dans des activités de consolidation d’équipe forge un sentiment d'appartenance blindé, essentiel pour garder les talents dans un marché aussi compétitif qu'une finale de hockey.
Pour une cohésion réellement bénéfique : cap sur l'inclusion
Toutefois, imposer la participation à certaines activités de cohésion d'équipe peut s'avérer contre-productif, créant une résistance plutôt qu'un véritable engagement.
Mme Hayek insiste sur l'importance de sélectionner des activités qui « valorisent l'inclusivité et respectent les préférences individuelles » afin de minimiser le désengagement.
Les tâches trop éloignées du cadre professionnel, comme construire des ponts en spaghetti ou participer à des jeux de rôle décontextualisés, même divertissantes, peuvent finalement sembler inutiles.
Sur Reddit, Clara partage ses réticences concernant les séminaires annuels, qu'elle trouve plus stressants qu'utiles : « Au lieu de me joindre à ces activités souvent absurdes, je préfère faire des balades en forêt avec des collègues qui partagent ma vision des choses. »
Claire Hayek souligne que les activités de consolidation sont bien accueillies lorsque les employé.e.s en comprennent les avantages personnels et professionnels. Pour rendre ces séances plus attrayantes, pourquoi ne pas proposer des options à la carte ?
Des idées rafraîchissantes pour une activité efficace
- Défis collaboratifs virtuels : Remplacez les énigmes classiques par des compétitions en ligne, des brainstorms dynamiques ou des relais de codage, où chaque action contribue au succès collectif.
- Projets de responsabilité sociale : Impliquer les équipes dans des initiatives écoresponsables ou encore de mentorat pour de jeunes entreprises afin de revitaliser leur engagement et leur offrir d’enrichir les relations professionnelles.
- Ateliers de gestion du stress : Des sessions pratiques pour remplacer le stress quotidien par des techniques de relaxation et de méditation, utiles dans et hors du bureau.
L'approche utilisée pour intégrer ces pratiques au sein d'une entreprise influence significativement la réaction des équipes.
En offrant des choix divers et en alignant les activités avec les objectifs professionnels, il est possible de transformer ces initiatives en expériences enrichissantes, renforçant réellement l'esprit d'équipe tout en respectant les individualités.
Pour éviter que ces moments soient perçus comme une perte de temps, Claire recommande une « communication transparente sur les objectifs et les bénéfices attendus » et une adaptation des activités aux véritables besoins de l'équipe.
Évaluer la cohésion : la bonne approche ?
Par ailleurs, l'intégration des activités de cohésion d'équipe dans l'évaluation des employé.e.s peut sembler très délicate. Pourtant, si on établit des critères clairs pas seulement « qui vient », mais « qui brille » cette pratique peut devenir un véritable levier, affirme Mme Hayek.
Les entreprises doivent préciser les attentes : être là c'est bien, mais participer, c'est mieux ! Les gestionnaires doivent aussi apprendre à reconnaître et valoriser les divers styles de travail. Par exemple, applaudir tant celui ou celle qui lance des idées géniales que la personne qui, plus discrète, est le pilier du groupe.
Dans un article paru dans Le Devoir, Marc Merulla, fondateur et directeur des programmes Team Building, souligne que la consolidation d’équipe ne devrait jamais être perçue comme une simple pause ludique, mais bien comme un outil stratégique visant à renforcer la cohésion et à améliorer les performances collectives.
Cependant, Jean-François Bertholet, consultant en ressources humaines et chargé de cours à HEC Montréal, exprime une vision plus sceptique. Selon lui, ces activités sont souvent inefficaces. « Les employé.e.s se retrouvent dans un environnement artificiel où l'on se limite à évaluer la performance individuelle. Cela ne peut donc en aucun cas contribuer à résoudre les enjeux liés au climat de travail », estime-t-il.
Si les opinions diffèrent sur l’efficacité et les bénéfices de ces activités, un consensus semble émerger : elles ne devraient jamais devenir un critère d'évaluation des employé.e.s.
La cohésion d'équipe est un outil de développement collectif, pas une base pour juger des performances individuelles.
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Une bonne rétroaction régulière, c'est comme une boussole : ça guide l’entreprise au bon endroit. Être à l'écoute des inquiétudes, des irritations et des véritables sources de stimulation des équipes lors de ces activités rend aussi le team building plus inclusif, vecteur de cohésion et aligné avec les objectifs de l’organisation.
Passant de la coopération à la compétition, le travail d'équipe au bureau pourrait nécessiter un bon coach et des règles bien établies pour éviter les fautes de jeu.
La morale ? Quand le bureau se mue en terrain de sport, gardons les règles claires pour ne pas finir en hors-jeu !