La politesse en milieu de travail : une nécessité ?
Le simple « bonjour » du matin dépasse de loin le statut de rituel banal ; il incarne l'âme d'une culture d'entreprise où règnent respect et reconnaissance mutuelle.
Penser à une approche où, plutôt que de nourrir ces échanges chaleureux, une préférence se manifeste pour un silence calculé, une indifférence réfléchie dès le seuil franchi. Pourquoi un tel comportement ? Dans un esprit mi-sérieux, mi-joueur, il faut considérer comment l'omission de ces marques d'attention peut altérer l'ambiance de travail.
Il est possible de presque percevoir l'étonnement chez ceux et celles qui façonnent au quotidien des espaces de travail harmonieux, à la réception de cette idée peu orthodoxe. Devenir des fauteurs de troubles ? Que nenni, le café du matin a bien été consommé, et le sens de la logique est toujours en place. Aucune envie de bouleverser l'ordre établi.
Et si la clé pour saisir la valeur précieuse d'un « bonjour » résidait justement dans la contemplation de son absence ? Appréhender le rôle essentiel de ces gestes de courtoisie en prenant conscience des effets de leur omission. C'est en scrutant les lacunes dans le maillage des interactions quotidiennes que l'on peut réellement apprécier leur impact sur la culture d'entreprise et le mieux-être au sein de l'équipe.
L’absence de politesse au travail : impacts et enjeux
Les répercussions sont significatives. Et si, dans un monde où les collègues ressembleraient plus à des statues de glace qu'à des partenaires de “brainstorming”, un silence glacial remplaçait les salutations matinales...
Quand le silence remplace les bonjours
Un tel scénario n'est pas juste une fiction mais une réalité pour certains, où l'absence de politesse crée un climat plus froid que l'hiver québécois. La recherche de Hafeez et al., (2019) rappelle que cet environnement glacial peut geler la motivation et l'engagement des employé.e.s, transformant des équipes autrefois soudées en simples cohabitant.e.s d'un espace de travail partagé.
Les conflits remplacent la collaboration
Lors de son entrevue avec Pratiques RH, Danielle Roberge, formatrice agréée, conférencière et consultante en étiquette protocole et en service client, souligne que « le déficit de politesse peut transformer des désaccords mineurs en véritables guerres de tranchées, sapant la productivité et injectant du stress et de l'hostilité dans l'air » aussi sûrement que si on avait ouvert une fenêtre en plein blizzard. La Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l'Université Laval (CGSST, 2014; Brun & Dugas, 2002) appuie l'importance cruciale des marques quotidiennes de politesse dans le maintien d’une bonne cohésion d'équipe, rappelant que chaque « merci » et « s'il te plaît » est une brique de plus dans l'édifice de la collaboration.
Le stress mental se transforme en une réalité quotidienne
De son côté, Esther Pelchat, consultante en étiquette des affaires et protocole, formatrice et conférencière, rappelle que négliger les bonnes manières, c'est comme ignorer un feu rouge sur la route de la santé mentale. La politesse n'est pas juste une cerise sur le gâteau des interactions professionnelles mais un des treize piliers soutenant la santé et la sécurité psychologique au travail. Oublier ces principes, c'est ouvrir la porte à un monde où le stress et l'anxiété sont au menu de chaque journée.
La discourtoisie entache la marque employeur
Et que dire de l'impact sur l'image de marque ? Comme le disait Warren Buffett, «Il faut 20 ans pour construire une réputation et cinq minutes pour la ruiner.» Laisser la discourtoisie se frayer un chemin entre les mailles du filet professionnel, c'est comme inviter un troll à commenter chaque publication sur les réseaux sociaux de votre entreprise. Les interactions empreintes de rudesse ne restent pas confinées entre les murs de l'entreprise; elles se propagent et ternissent la réputation avec une efficacité que même la meilleure des campagnes publicitaires aurait du mal à contrecarrer.
Alors, comment faire pour que les dirigeant.e.s et les équipes des ressources humaines intègrent ces principes fondamentaux au sein de leur organisation ?
Le rôle modèle des dirigeants et des RH
Danielle Roberge renforce l'importance pour les directeurs et directrices, les gestionnaires et les professionnel.le.s des RH d'endosser eux-mêmes les comportements qu'ils souhaitent promouvoir. Ce n'est pas seulement une question de dire mais de faire.
« Dans la quête de la politesse et du respect au travail, tout commence par le haut de la pyramide »
Danielle Roberge
La mise en place de publicités internes ou la rédaction d'infolettres dédiées peuvent également jouer un rôle crucial en mettant en avant les bons comportements et en reconnaissant les initiatives positives du personnel.
Esther Pelchat, renchérit : « Donner l'exemple est primordial. Les dirigeant.e.s qui montrent du respect et de la considération envers leurs employé.e.s posent les premières pierres d'une culture d'entreprise saine. »
Stratégies concrètes pour encourager la politesse
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Formation et sensibilisation : offrir des formations sur le professionnalisme et les compétences relationnelles peut ouvrir les yeux sur l'importance et les bénéfices d'un comportement courtois au travail. Ces sessions éducatives peuvent transformer les perspectives et encourager des changements comportementaux durables.
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Reconnaissance et feedback positif : comme le soulignent nos expertes, reconnaître les efforts et les bonnes actions des employé.e.s est un moteur puissant de motivation. Cela crée un cercle vertueux où chaque geste poli et respectueux est valorisé, encouragé, et reproduit.
Les interdits de l'étiquette professionnelle
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Ignorer ses collègues et omettre les formules de politesse de base comme « Merci » ou « S'il vous plaît ».
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Interrompre ou parler par-dessus les gens.
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Envahir les espaces communs sans considération pour les autres.
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Laisser derrière soi une cuisine d'entreprise en désordre ou un espace de travail chaotique.
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Former des cliques exclusives, regarder son téléphone pendant les conversations, imposer sa musique ou ses appels personnels aux autres.
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Négliger sa tenue vestimentaire ou envahir l'espace olfactif commun avec un parfum fort.
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Leadership par l'exemple: les dirigeant.e.s doivent être les premiers à pratiquer ce qu'ils prêchent. Un comportement exemplaire au sommet de l'organisation inspire et guide toute l'équipe vers une culture de respect mutuel.
La politesse en milieu professionnel : entre authenticité et stratégie sociale
Mme Roberge, soulève un point névralgique : la politesse varie souvent selon le contexte professionnel et les niveaux hiérarchiques. Elle observe que, malheureusement, cette variation peut parfois refléter une classification des gens selon leur statut sociale. Pire encore, Danielle note que certains ne déploient leur courtoisie qu'en présence de leurs supérieur.e.s. « On pourrait interpréter cela comme une forme de manipulation ou d’hypocrisie, » dit-elle. Une prise de conscience qui peut permettre de réfléchir sur l'importance de la sincérité dans nos interactions en milieu de travail.
Esther Pelchat, quant à elle, offre un contre-exemple rafraîchissant. Bien que reconnaissant la tendance à la variation de la politesse selon l'interlocuteur, elle suggère qu'au Québec où la hiérarchie tend à être plus horizontale, ce genre de comportement est moins fréquent.
« Je crois qu’on est poli.e ou l’on ne l’est pas. Surtout au Québec où la hiérarchie est plutôt horizontale »
Esther Pelchat
Elle souligne que dans certains milieux, un ton formel est de mise avec les supérieur.e.s, tandis qu'une approche plus décontractée prévaut avec les collègues. Cette dualité, selon Mme Pelchat, ne doit pas être perçue comme de l'incohérence mais comme une adaptation au contexte professionnel.
Courtoisie au travail au Québec : influence sur la culture d'entreprise
L’exploration des pratiques de politesse en milieu professionnel nous conduit au Québec, où les nuances culturelles tissent un riche tableau d'interactions.
Fusion du respect et de la convivialité
Danielle Roberge nous transporte au cœur de cette dynamique : « Au Québec, le tutoiement transcende une simple marque de familiarité pour devenir un vecteur d'authenticité et de proximité, enrichissant ainsi le milieu professionnel. » Cette approche démontre une fusion unique entre respect et convivialité, un équilibre délicat qui caractérise les interactions au sein de la Belle Province.
Contrastes culturels : un appel à la flexibilité
Mme Roberge met en lumière une particularité fascinante : « Ce qui est perçu comme une marque d'appréciation dans une culture peut être vu différemment ailleurs. Au Québec et au Japon, les attitudes envers des gestes aussi naturels que de roter à table offrent un exemple frappant de ces divergences. » Cette anecdote souligne l'importance cruciale de l'adaptabilité et de la compréhension dans un contexte professionnel de plus en plus globalisé.
L’importance de l'espace personnel
Mme Pelchat aborde un autre aspect du savoir-vivre au travail : « Respecter la bulle personnelle est primordial au Québec. Cela témoigne d'un respect mutuel et contribue à une atmosphère de travail agréable. » Elle ajoute, « Introduire des rituels de salutation chaleureux peut renforcer la cohésion et améliorer le démarrage de la journée. »
Valoriser l'espace personnel et instaurer des rituels de salutation chaleureux transcendent la routine pour devenir le fondement d'une culture d'entreprise où règnent harmonie et respect. Loin d'être anodins, ces gestes de courtoisie tissent subtilement le tissu de nos interactions, reflétant nos valeurs et illustrant l'importance d'une communication empreinte de bienveillance. Ces actions, bien plus que de simples marques de professionnalisme, cultivent un environnement où chaque individu se sent respecté et inclus, marquant un investissement durable dans la qualité de vie au travail et le tissage de liens forts entre collègues. Il est essentiel de reconnaître que l'équité, la diversité et l'inclusion (EDI) commencent par là aussi !
L'impact de ces démarches, aussi varié soit-il, est incontestable : elles sculptent un cadre de travail où le respect mutuel et l'attention au mieux-être façonnent une entreprise dynamique et soudée. C'est dans cet équilibre que réside le secret d'une réussite partagée, transformant notre environnement professionnel en un espace non seulement plus agréable mais véritablement inspirant.