Santé mentale : stratégies pour soutenir les gestionnaires et leurs équipes

07-01-2025
Quels sont les signaux à surveiller en matière de santé mentale chez les gestionnaires, mais aussi auprès de leurs troupes ?
Rédigé par :
Annie Bourque, Pratiques RH
stress au travail

Le maintien du bien-être psychologique et la prévention du stress organisationnel représentent un défi constant, observe Jessy Riel, fondatrice d’Ax Conseil, une firme qui aide les employeurs et gestionnaires à améliorer la qualité de vie au travail.  

À la fois coach et formatrice, l’experte propose des outils concernant les enjeux de gestion.

« On met énormément l’accent sur le rôle de soutien des gestionnaires qui fait souvent toute la différence. Cependant, il faut faire attention à ce que ces personnes ne s’épuisent pas à leur tour. Je leur dis souvent : vous n’êtes pas psychologue, ni psychothérapeute, mais des accompagnateur.ice.s de vos équipes. »  

Lors des périodes intenses de production menant au stress ou, pire, à une forme d’épuisement, voici des éléments et pistes de solution à prendre en considération.  

1. Oser admettre sa vulnérabilité

Durant ses formations, Jessy Riel explique l’importance de faire preuve de transparence. Trop souvent, les PDG et décisionnaires jouent aux superhéros.

« Il faut se permettre de nommer les choses et d’admettre : oui, c’est vrai, je suis fatigué.e. Pour cela, il faut faire preuve d’humilité, de vulnérabilité et de courage », avance-t-elle.

Si une personne en poste d’autorité admet son épuisement par exemple, cela change la perception des membres de son équipe à son égard. Il se crée alors généralement un climat de bienveillance et surtout de sécurité psychologique.

L’employé.e s’adapte généralement sans difficulté en comprenant la situation de l’autre et lui témoignera sans doute du soutien, fait valoir l’experte.

Un outil à découvrir

Entretemps, Mme Riel suggère de recourir au Continuum de santé mentale,  un outil qui révèle des indices sur l’état de santé, de détresse ou d’incapacité d’une personne.

D’un coup d’œil, il est possible de prendre conscience des différents signaux d’alarme, dont la tristesse, le manque de concentration, un sommeil agité ou encore une consommation accrue d’alcool.

Dans son bureau, Jessy Riel accueille de jeunes entrepreneur.e.s aux prises avec des difficultés financières ou de rétention du personnel qui effectuent justement cet exercice. La spécialiste leur rappelle que leur santé mentale doit prévaloir sur ces problèmes, qui, de toute façon, ne vont pas disparaître du jour au lendemain.

« Si vous ne faites rien maintenant, vous risquez de vous buter à un mur. »

- Jessy Riel

Solution : Après avoir osé observer son état, il faut reconnaitre son véritable besoin, explique-t-elle. « Est-ce du repos, du soutien extérieur ou de prendre une distance par rapport à ce que je ressens ? »

En finir avec les masques, l’orgueil et les préjugés 

Mme Riel remarque que trop de gens au travail gardent un masque.

« Dans des entreprises, je vois que tout est construit sur des rapports artificiels. Lorsque les masques tombent, j’observe que cela « pète au fret » et les gens ont l’impression d’être ainsi à découvert. »

Heureusement, des chef.fes d’entreprise, comme Nicolas Duvernois, osent de plus en plus témoigner publiquement de leur choix de poser enfin un genou à terre.  

Solution : Prévoir les possibles départs. 

De là, l’importance pour les employeurs d’envisager le départ et les absences de joueurs clés, et de former une relève au préalable.  

2. Observer les changements d’humeur et de comportement  

Dans la course à la performance au quotidien, les gestionnaires doivent se préoccuper de leur propre santé mentale, mais aussi de celle des autres. Cela se traduit par l’observation des changements de comportement et d’humeur autant chez soi que les autres.    

« On observe qu’une personne n’est pas dans son assiette, note Jessy Riel. Puis, elle a tendance à s’isoler. Cette période est-elle passagère ou dure-t-elle sur plusieurs jours ou semaines ? »

Si cet état de mal-être perdure, il faut impérativement suggérer à l’employé.e de consulter un.e professionnel.le et lui mentionner les programmes à sa disposition.

La psychologue et conférencière Geneviève Beaulieu-Pelletier remarque que la pandémie a généré davantage de pression sur les entreprises et leur personnel. « Je note, entre autres, beaucoup de lassitude, de l’irritabilité ainsi qu’une perte de motivation qui s’expriment différemment pour chacun.e », remarque-t-elle.

Solution : Afin d’éviter que la fatigue engendre l’irritabilité, la psychologue conseille d’éviter la surcharge d’activités sociales durant la fin de semaine. Puis, elle suggère de doser son énergie au travail durant les autres jours. Une bonne connaissance de soi et de son rythme permet d’ajuster sa performance chaque jour.

Coûts liés à la santé mentale en milieu de travail

  • 50 milliards chaque année dans l’économie canadienne.
  • 16% de la masse salariale pour les entreprises québécoises.
  • 30% de demandes d’invalidité de longue durée sont en lien avec la santé mentale.

Source : Arborescence.quebec

3. Lorsque les relations sont tendues 

Geneviève Beaulieu-Pelletier, l’autrice de Trucs de psy: Guide pratique pour s'aider soi-même remarque une augmentation de réactions plus promptes dans les périodes de difficultés psychologiques.

Cette plus grande instabilité émotionnelle en milieu de travail s’illustre notamment par des démonstrations d’opposition et des conflits ouverts avec les autres. « Au niveau relationnel, les gens vont avoir la mèche plus courte et cela affecte les relations au travail », soulève-t-elle.

Parfois, le ou la superviseur.e ne voit pas la détresse intérieure d’un.e salarié.e. Difficile d’observer alors que la personne en question a des problèmes d’insomnie ou qu’elle est en train de s’isoler en ne participant plus, par exemple, à certaines activités de l’entreprise.

Solution : Oser en parler.

Il faut témoigner de ses observations. « Je vois qu’il se passe quelque chose. Est-ce que tout va bien ? Il suffit parfois de simplement ouvrir une porte », suggère Geneviève Beaulieu-Pelletier aux gestionnaires.

Souvent une bonne relation entre superviseur.e et collaborateur.ice suscitera une ambiance positive et sera aussi gage d’efficacité et d’ouverture. À l’inverse, les relations tendues provoquent un taux d’absentéisme élevé et un faible engagement.

Formation en santé psychologique et organisationnelle

Les organisations employant entre 3 à 99 personnes, situées sur l’île de Montréal, peuvent adhérer gratuitement à la formation Mon entreprise, notre bien-être.
 

D’autres ressources :

4. Miser sur une meilleure organisation du temps pour trouver l’équilibre

Dans son bureau, la formatrice et coach Jessy Riel observe que les gestionnaires sont complètement à bout de souffle.  

D’emblée, elle propose l’approche de la spécialiste du stress Sonia Lupien expliquée dans son récent livre.  

Il s’agit de travailler de manière optimale sans aucune interruption. Cela signifie d’éloigner toutes les distractions liées à l’hyperconnectivité dont les courriels, les notifications, les textos.  

Parfois, pour regagner un peu de contrôle sur le travail, il suffit de mettre un frein aux fréquentes interruptions numériques ou encore aux visites inopinées des membres de l’équipe dans son bureau.  

« Il faut se permettre de fermer notre porte afin de récupérer le travail. En éloignant les grugeurs de temps et d’énergie, cela peut faire toute la différence sur le sentiment d’épuisement ou de fatigue. »

- Jessy Riel

Solution : En travaillant de manière plus concentrée, il reste du temps pour prendre soin de soi. Par exemple, la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier inscrit dans son agenda un moment pour aller marcher 30 minutes entre deux rencontres. La psychologue bloque ce moment pour se ressourcer sinon, fort probablement qu’elle n’irait pas à l’extérieur pour profiter des bienfaits de cette promenade sur sa journée de travail.  

Le saviez-vous ?

En octobre 2025, tous les employeurs au Québec auront l’obligation d’identifier et d’inclure les risques psychosociaux dans leur plan d’action et programme de prévention.
 

Qu’est-ce qu’un risque psychosocial ?

« Ce sont des éléments liés à l’environnement de travail ou de pratiques de gestion qui peuvent influencer sur notre santé mentale et physique, explique Jessy Riel. Il s’agit aussi de facteurs de protection comme la reconnaissance, le soutien. Est-ce que je suis reconnu.e dans mon travail ? Suis-je soutenu.e au quotidien? Ma charge de travail est-elle équilibrée ? »

En savoir plus : Risques psychosociaux liés au travail

5. Reconnaitre la perte de motivation et de sens au travail

La noirceur et le temps froid en hiver provoquent souvent une perte d’énergie et donc de motivation au travail. Les vacances d’été semblent bien loin. Soupir ! 

Lorsque ce contexte pèse sur la santé mentale, Geneviève Beaulieu-Pelletier suggère de se questionner sur sa motivation intrinsèque et le sens de son travail.  

  • Pourquoi est-ce que je fais ce métier ?
  • Est-ce que j’aime toujours cela ?
  • Quels sont les bienfaits de mon travail ?

Plusieurs vont répondre que le salaire permet de subvenir à leurs besoins. D’autres travaillent par désir d’avancement dans leur carrière. Ces questions vont peut-être entraîner une réflexion sur d’autres éléments, dont l’autonomie (trop ou pas assez), les tâches fastidieuses qui pourraient être déléguées ou modifiées, etc. Comment le travail peut-il demeurer une source de satisfaction? 

Concrètement, l’employé.e. doit compter sur une marge de manœuvre dans son travail, c’est-à-dire une latitude décisionnelle, renchérit la fondatrice d’Ax Conseil.  

« Nous avons tous et toutes besoin de se sentir compétent.e.s, soutenu.e.s, autonomes. C’est fondamental de reconnaitre l’humain dans son milieu de travail si on souhaite qu’il ou elle s’épanouisse », ajoute Jessy Riel.  

Alterner le plaisir avec l’obligation

La psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier recommande de s'intéresser à sa propre attitude face aux tâches. « Je m’efforce de commencer le matin par une tâche qui me plait et d’alterner avec une autre que j’aime moins. De cette façon, on combine le plaisir avec les responsabilités du travail », conseille l’experte en santé mentale.

Solution : À la fin de la journée ou de la semaine, elle recommande aussi d’apprécier le travail accompli et d’éviter de dire : « je n’ai pas eu le temps de faire telle chose. »  

La motivation et le bien-être au travail, selon les expertes interrogées, c’est le plaisir de collaborer avec des collègues tout en ayant un sentiment d’autonomie, de progression et même d’accomplissement.

Enfin, en cette période où de nombreuses banques alimentaires manquent cruellement de denrées, plusieurs gestionnaires et employé.e.s retrouvent une satisfaction au boulot en s’investissant en équipe dans un centre pour personnes démunies. Cet engagement sociétal prisé par de plus en plus d’employeurs contribue ainsi à mobiliser les troupes pour une bonne cause et à ramer dans la même direction.