Développer le potentiel des nouveaux gestionnaires : défis et stratégies
Devenir gestionnaire est une étape importante au cours d’un cheminement professionnel, quel que soit le secteur d’activité. Comment, en tant qu’employeur, accompagner efficacement les membres du personnel qui devront désormais assumer la gestion du personnel, honorer de nouvelles responsabilités et mobiliser à un niveau supérieur leurs compétences interpersonnelles ?
Sensibiliser ces nouveaux et nouvelles gestionnaires aux défis à surmonter est indispensable pour les aider à faire de cette transition un succès.
Redéfinir la relation avec les anciens collègues
Devenir gestionnaire, ce n’est pas seulement assumer de nouvelles tâches dans le cadre d’un emploi. En acceptant d’autres fonctions, un.e gestionnaire verra immédiatement s’installer une nouvelle dynamique relationnelle avec le personnel, souvent composé de ses ancien.ne.s collègues.
En côtoyant les membres d’une équipe pendant plusieurs années, des liens se sont tissés et une complicité s’est même parfois installée. Puis, une promotion arrive.
Annie Boilard, formatrice et conférencière avec plus de 15 ans d’expérience dans le secteur des relations humaines, soutient qu’une trop grande proximité peut être interprétée comme du favoritisme par les autres collègues, mettant alors en jeu la nouvelle crédibilité du.de la gestionnaire.
« L'enjeu, comme gestionnaire, c’est d’être équitable avec tout le monde. Il ne faut pas avoir de favoris », dit-elle.
« Il faut être équitable, et cela change toute la posture au niveau de l'amitié, témoigne Éric Binette, ancien directeur d’usine devenu gestionnaire à l’âge de 26 ans. Il faut faire attention à être proche de tout le monde ». Il évoque qu’une distance peut donc s’installer avec les ancien.ne.s collègues.
Annie Boilard cerne donc l’importance d'accompagner les gestionnaires dans la mise en place de leur nouveau lien hiérarchique avec le reste des équipes.
En effet, l’experte pense qu’il s’agit d’une réalité à laquelle les nouveaux.elles gestionnaires sont presque systématiquement confronté.e.s et qui peut les mettre à l’épreuve.
L’art de communiquer : une compétence qui s’apprend
Hormis la proximité entretenue à l’égard des membres de l’équipe, la façon de communiquer est elle aussi différente.
Annie Boilard est sans équivoque sur la nécessité d’outiller les gestionnaires en ce sens. « Il y a une bonne façon de parler au monde, puis une façon de laisser les autres nous parler également pour établir un leadership », mentionne-t-elle.
Éric Binette est bien d’accord sur ce point et rappelle l’importance des compétences comportementales (soft skills), incluant la communication, et dont il a lui-même pris connaissance lors de son expérience professionnelle à titre de directeur d’usine.
« Aujourd’hui, on parle beaucoup de communication, car c’est nécessaire en tant que gestionnaire de savoir comment dialoguer avec son équipe. »
- Éric Binette
La meilleure façon d’apprendre à un.e gestionnaire à bien communiquer, c’est par la pratique, souligne Jenny Ouellette, présidente et cofondatrice de BonBoss. Celle-ci peut prendre la forme de simulations qui permettent à la personne de s’exercer à faire face à certains types de situations qu’elle rencontrera une fois en poste.
« Ce type d’exercice permet d’apprendre comment communiquer des objectifs qui sont clairs et porteurs de motivation, explique-t-elle. Cette compétence est indispensable, car si un objectif n’est pas bien fixé, elle ne sera peut-être pas capable de l’atteindre et donc, d’attribuer du sens à son travail ».
Afin d’amener les nouveaux et nouvelles gestionnaires à verbaliser efficacement les attentes avec aux personnes sous leur supervision, il est indispensable de cibler quel est l’enjeu de la communication, « puis d’aller ensuite dans une formation qui va être axée là-dessus », souligne-t-elle.
Elle poursuit en rappelant que bon nombre de gestionnaires nouvellement en poste vont tomber dans un piège, soit celui de jouer au psychologue.
« Pour les pousser à développer leurs aptitudes en communication, il faut que la direction les aide à savoir où se situent la limite de leur rôle et celle de leur posture d’écoute ».
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Communiquer les mauvaises nouvelles
Selon Jenny Ouellette, annoncer de mauvaises nouvelles fait partie des tâches des gestionnaires et auxquels ils.elles doivent être préparé.e.s. Elle conseille de les encourager à assurer une rétroaction en continu afin d’éviter que les mauvaises nouvelles ne soient une surprise aux yeux des employé.e.s.
« Il faut miser sur les faits afin de préserver l’intégrité de la personne et ne pas gérer à partir d’émotions », relève la spécialiste.
De plus, elle souligne qu’il faut avoir une approche humaine, de la bienveillance et être en mesure de travailler en partenariat avec l’employé.e pour trouver des solutions lorsque des problèmes se manifestent.
Éric Binette tire profit de son expérience professionnelle pour dire qu’il est primordial d’aller chercher de la crédibilité pour que les responsabilités en matière de communication interpersonnelle soient assurées et que le syndrome d’imposture s’estompe, notamment en période houleuse.
Comment y arriver ? Notamment en démontrant sa capacité à trouver des solutions aux problèmes rencontrés et à communiquer efficacement avec les autres, soulève-t-il.
Il poursuit en rappelant qu’il faut accepter d’être remis en question et mis à l’épreuve.
« Mais plus on avance, plus on fait des gains de respect », insiste-t-il.
Accepter d’être à nouveau en apprentissage
L’experte en ressources humaines et formatrice Annie Boilard précise qu’en devenant gestionnaire, il est essentiel d’accepter de revoir ses attentes en matière de performance.
Elle précise que cette fonction les confronte à de nouvelles tâches et responsabilités au sein de l’entreprise, pour lesquelles le succès n’est pas garanti.
« Il est difficile de leur expliquer qu’ils et elles ont été recruté.e.s, reconnu.e.s, valorisé.e.s et promu.e.s pour leurs compétences techniques, mais que la suite de l’histoire, elle ne dépend plus de ces habiletés-là. Les gestionnaires devront mettre de côté ce qui a fait leur succès jusqu’à présent et cesser de tabler là-dessus »
- Annie Boilard, formatrice et conférencière en RH
Jenny Ouellette abonde dans le même sens. « Devenir gestionnaire c'est différent, ce n’est pas juste une promotion, c'est complètement un autre emploi ».
Des formations ciblées et adaptées aux besoins de l’entreprise
Annie Boilard est d’avis qu’il faut épauler les gestionnaires, notamment à l’aide de formations à l'interne, sous forme de mentorat ou encore d'accompagnement.
« Les formations offertes aux nouveaux et nouvelles gestionnaires doivent être liées aux compétences valorisées en gestion dans l’entreprise », ajoute Jenny Ouellette. Cela est vrai que ce soit dans le secteur privé ou public, dans une start-up ou une grande entreprise. »
« L’entreprise doit se pencher sur cette question : c’est quoi un bon gestionnaire pour nous, dans notre organisation ? »
- Jenny Ouellette, Adm.A, présidente et cofondatrice de BonBoss
Selon elle, l’entreprise devrait être en mesure de cibler 5 compétences clés, puis les formations directement liées à celles-ci. Parmi ses coups de cœur, figurent notamment les formations sur la gestion collaborative, sur l’écoute et la communication, mais aussi sur l’aspect stratégique de l’entreprise.
Cette dernière implique de « comprendre le modèle d’affaires, l’aspect légal de l’organisation, la convention collective (si applicable), les dossiers en cours, tout ce qui implique l’environnement organisationnel ».
Elle mentionne aussi la pertinence d’offrir une formation pour apprendre l’art de déléguer, afin que le.la gestionnaire évalue efficacement les charges de travail et ne travaille pas pour deux ou trois personnes.
En dernier lieu, elle souligne qu’une formation en gestion par les forces est particulièrement pertinente. « Cette dernière consiste à amener les gestionnaires à repérer les forces et les points d’amélioration chez les employé.e.s ».
En misant sur les qualités et talents particuliers de chaque personne, le.la gestionnaire pourra s’assurer que la performance individuelle est bonifiée, ce qui participe conséquemment à une meilleure performance collective.
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Un accompagnement actif de la part de l’employeur avant et après la prise de poste
« L’employeur doit accompagner la personne dans son choix et l’aider dans sa réflexion en lui expliquant clairement ce en quoi consiste le poste de gestionnaire au quotidien », indique Jenny Ouellette.
Elle poursuit en ajoutant qu’il doit y avoir une « adéquation entre la réalité du poste et la perception que la personne en a ».
Pour confirmer que ce choix est le bon, faire vivre au gestionnaire des mises en situation peut être une avenue intéressante. Assister un.e gestionnaire de l’équipe déjà en poste peut également venir donner un exemple concret de ce qu’implique l’emploi.
De plus, cela lui permettra de développer les compétences requises pour remplir ses nouvelles fonctions. L’accompagnement peut également se poursuivre au-delà de la prise de poste afin de consolider les apprentissages réalisés.
Une formation sur la santé et sécurité au travail
Enfin, la formatrice en ressources humaines et management à la tête de BonBoss rappelle que les gestionnaires ont également la responsabilité d’assurer le bien-être physique et psychique des employé.e.s. « Leur façon de gérer aura une incidence sur la santé mentale et les risques psychosociaux que peuvent rencontrer les employé.e.s ».
Elle recommande donc aux employeurs d’allouer de 2 à 3 heures pour les former sur ces enjeux afin de comprendre les obligations qui leur incombent à ce sujet.
« Mieux comprendre l’humain au travail, c’est faire en sorte de performer mieux et en santé », croit-elle.
Pour aller plus loin
Soutien et formation : la clé du succès
Pour permettre aux nouveaux et nouvelles gestionnaires de gagner la crédibilité et le leadership nécessaires à leurs fonctions, des formations ciblées et un accompagnement de la part de l’employeur sont de mise.
En les aidant à développer ces compétences essentielles, l’entreprise ne pourra qu’être gagnante face à la motivation renouvelée de ces équipes qui font face à de nouveaux défis et deviennent les moteurs de l’atteinte des objectifs collectifs.