Planification et efficacité : des astuces pour mieux gérer le temps de travail
Comme le dit un vieil adage qui se prête particulièrement bien au contexte professionnel, « le temps, c’est de l’argent ». En effet, le temps en entreprise est souvent synonyme de rendement, de croissance et vise l’efficacité.
Malheureusement, la mauvaise gestion des priorités est fréquente. Les équipes peuvent souvent se sentir submergées, et ne pas savoir par où commencer. Ce manque de planification des tâches provoque souvent du stress, de l'épuisement, voire de l'insatisfaction qui pousse certaines personnes vers la porte de sortie...
Comment amener les équipes à organiser efficacement leur temps de travail ? Voici plusieurs astuces et réflexions.
La priorisation pour une meilleure gestion des tâches
Afin de mener à bien leurs missions et de se sentir en contrôle de leurs tâches, les employé.e.s, épaulé.e.s par leurs gestionnaires, doivent avant tout pouvoir bien distinguer l'urgent de l'important
L'omniprésence des communications en entreprise, notamment les courriels et messages instantanés, donne l'impression que tout doit être traité immédiatement.
Christophe Mayen, formateur en gestion et management et fondateur de MC2 Formation Conseils, propose de reconsidérer la notion d'urgence, souvent galvaudée. Il encourage les gestionnaires à élaborer des critères pour définir ce qu’est une urgence afin d’éviter de tomber dans un cycle de surmenage. « Tout ne peut pas être urgent et il est essentiel de prioriser les tâches en fonction de leur réelle importance ».
En effet, l’expert soutient qu’une gestion du temps saine permet d'équilibrer à la fois le bien-être et la productivité. Plusieurs techniques de priorisation (comme la matrice Eisenhower* et les méthodes de GTD - Getting Things Done*), ainsi qu’un équilibre entre concentration et déconnexion permettent de mettre en place une routine pour un réel impact.
- La matrice Eisenhower est un outil de gestion du temps qui classe les tâches selon leur urgence et leur importance.
- La méthode GTD est un système de productivité personnel qui aide à mieux gérer les tâches et priorités. L'idée centrale est de libérer l'esprit du poids de tout assimiler et retenir, pour se concentrer pleinement sur l'exécution des tâches.
Voici les grandes lignes :
- Capturer : rassembler toutes les idées, tâches, et engagements dans un système de confiance (comme un carnet ou une application).
- Clarifier : examiner chaque élément capturé et décider de l’action à entreprendre (action immédiate, délégation, report, ou élimination).
- Organiser : classer les tâches selon leur nature (projets, prochaines actions, tâches à suivre, etc.).
- Réviser : revoir régulièrement les listes pour s’assurer que tout est à jour, notamment lors d’une révision hebdomadaire.
- Agir : passer à l’action en fonction des priorités, du contexte, du temps disponible et de l’énergie.
Source : Ionos
Pourquoi les pauses sont-elles essentielles ?
Emilie Viens, spécialiste en gestion du temps en entreprise et fondatrice de La Planificatrice, précise que les pauses doivent être régulières.
« Même si l'on peut être tenté de travailler sans interruption pour finir plus tôt, ne pas s'accorder de pauses peut entraîner une fatigue mentale accrue, souligne-t-elle. Notre capacité de concentration et notre niveau de productivité diminuent après environ 52 minutes de travail continu. »
- Emilie Viens
Une étude de l’Université de Moncton révèle quant à elle qu’en moyenne, un individu peut se concentrer pendant 20 à 40 minutes avant de sentir une fatigue mentale.
Il s’agit alors de sensibiliser les troupes à prévoir avec la même rigueur des plages horaires de travail et des moments de déconnexion, à la machine à café par exemple.
Afin d’éviter de sombrer dans la procrastination, de rester proactif.ve sans surcharger les neurones, la méthode Pomodoro permet d’optimiser le temps de travail. Cette technique simple consiste à alterner des périodes de travail concentré de 25 minutes avec de courtes pauses de 5 minutes.
Source : Asana
« La vraie pause est celle qui consiste à absolument ne rien faire, renchérit Christophe Mayen. Sans aller sur Internet ni les réseaux sociaux, sans prendre un appel ou encore répondre à un message sur notre cellulaire. Il faut offrir à notre cerveau la possibilité de s'aérer l'esprit, parce qu'il en a besoin pour être fonctionnel, puis performant. »
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Le multitâche au travail : réelle qualité ou frein à l'efficacité ?
Le spécialiste Christophe Mayen est formel, il ne croit pas au multitâche. Si les méthodes de travail évoluent constamment, le cerveau humain lui n’a pas radicalement changé son fonctionnement.
« Notre cerveau ne peut faire qu’une chose à la fois ! Commencer 15 tâches en même temps n'apporte que de la fragmentation de l'attention et une tension cérébrale dont découle beaucoup de fatigue à la fin des journées de travail », explique-t-il
Jongler entre différentes tâches et distractions peut réduire la productivité de 40 à 60 % (selon une étude de Meyer et Kieras). Plutôt que de gagner du temps, le multitâche peut donc en faire perdre. Les erreurs augmentent, la qualité du travail diminue, et il est souvent nécessaire de reprendre certaines parties du travail par la suite.
« Je propose souvent aux gestionnaires de bloquer des plages de temps protégées ou encore d’imposer des règles pour que leurs équipes puissent se déconnecter de tous les outils (courriels, messagerie instantanée, réunions) et travailler en profondeur »
- Christophe Mayen
De plus, bien que les réseaux sociaux ne soient pas les seuls responsables d'une mauvaise concentration, plusieurs études scientifiques démontrent une corrélation entre leur émergence et la diminution drastique de notre durée d'attention soutenue, qui est passée de plus de 2 minutes à moins de 50 secondes en quelques années.
Émilie Viens souligne que les croyances concernant le multitâche sont tenaces. « Beaucoup de personnes confondent encore le fait d'être occupée avec le fait d'être productive et efficace. »
Des astuces pour contrer l’effet nocif du multitâche :
- Compartimenter grâce au « Time-blocking » : allouer des créneaux horaires spécifiques pour chaque projet et s’engager à les respecter. De plus, il peut être pertinent de se déconnecter des plateformes de discussion instantanée afin de respecter des heures dédiées à de la rédaction ou de la recherche stratégique.
- Adopter la tendance du mono-tâche : diviser le travail en tâches, puis se concentrer sur une seule tâche à la fois pour une meilleure qualité de travail. La méthode Pomodoro, évoquée ci-dessus, est un bon exemple.
Gérer plusieurs projets simultanément : stratégies et outils pour réussir
Si le multitâche est en réalité un piège pour le cerveau, les équipes de travail doivent généralement mener plusieurs projets de front. Selon les expert.e.s interrogé.e.s, cela est tout à fait possible, à condition de les organiser de manière stratégique et de définir des priorités claires.
À cet égard, Christophe Mayen propose d’adopter des méthodologies telles que Scrum et Kanban qui peuvent améliorer la gestion des projets. Ces approches favorisent la flexibilité et la collaboration au sein des équipes.
- La méthode Scrum est aussi appelée méthodologie de gestion de projet agile. Elle aide les équipes à structurer et à gérer leur travail selon un ensemble de valeurs, de principes et de pratiques.
- Kanban est une méthode de gestion de projet visuelle qui permet de suivre les tâches en temps réel, de gérer les priorités et d'améliorer la collaboration. Son objectif est d'aider les équipes à répartir le travail en fonction des disponibilités de chacun.e.
Parmi les outils les plus utilisés, Trello et Asana se distinguent par leur flexibilité et leur ergonomie. Ces plateformes permettent de structurer les tâches sous forme de tableaux ou de listes, simplifiant ainsi la visibilité des projets en cours. Des fonctionnalités comme l’attribution de tâches, les dates limites ou les notifications automatiques facilitent la gestion collective.
Prévenir l'épuisement professionnel grâce à une meilleure gestion du temps
Les périodes de creux et les pics d’activité font partie du rythme naturel d’une entreprise. S’adapter aux variations d’activité et les prendre en considération permet d’offrir des moments de répit aux équipes, mais également de lutter activement contre un présentéisme anxiogène pour la main-d'œuvre et contre-productif pour l’organisation.
Comme le souligne Christophe Mayen, « il est essentiel de valoriser ces périodes de rush où toute l’équipe se mobilise, puis de proposer des moments d'accalmie par la suite ».
Certaines entreprises optent par exemple pour des horaires d’été, avec des plages de travail plus allégées ou libérées (les vendredis après-midi par exemple). C’est du temps libre pour les équipes lors de la période estivale, généralement plus calme.
Selon le Centre canadien d’Hygiène et de sécurité au travail, une charge de travail excessive et mal gérée peut devenir le facteur principal d’un stress chronique et d’un épuisement professionnel.
Une étude Gallup soutient également qu’une bonne organisation du temps de travail mise en place par l’employeur, avec moins d’interruptions et des attentes claires et définies, réduit considérablement le stress du personnel.
Cécile Lazartigues-Chartier, experte en communication interculturelle, souligne l’importance de créer des moments de détente et de loisirs, en proposant par exemple des clubs sociaux pendant l’heure du dîner pour permettre au personnel d'équilibrer leur horaire structuré avec des moments de spontanéité et de cohésion. « Il ne s’agit en aucun cas de perte de temps puisque cela favorise la créativité et le bien-être des équipes », insiste-t-elle.
Christophe Mayen abonde en ce sens en évoquant le simple fait d’aller marcher au moment de la pause midi.
« Les personnes qui prennent le temps d’aller dehors quelques minutes, pour changer de cadre, loin des lumières artificielles, se permettent une pause mentale indispensable. Et bien souvent, leurs meilleures idées surviennent dans ces moments-là »
- Christophe Mayen
Les croyances culturelles et leur impact sur la gestion du temps
La vision du temps est directement liée à nos croyances individuelles, souvent inconscientes, soulève Cécile Lazartigues-Chartier.
En effet, la perception du temps varie entre les cultures, et cette différence peut représenter un défi au travail, tout en ne faisant pas de généralités ni de raccourcis.
Selon elle, si au Québec, et dans les sociétés dites occidentales, « le temps est souvent perçu de manière linéaire, avec une planification plus stricte de chaque moment, dans la culture latino-américaine, notamment, on aime généralement la spontanéité et l’improvisation. »
L'experte donne aussi l’exemple des cultures indienne ou bouddhiste, fortement influencées par la croyance en la réincarnation, où le temps est perçu de manière cyclique. « Cette vision du temps signifie que, si quelque chose n'est pas fait maintenant, cela peut être fait demain, dans trois mois, ou même dans une vie future. »
Il est donc nécessaire de s’assurer que certaines dates de tombée ou échéances importantes soient bien comprises de la même manière par le personnel. C’est l’un des cas où une mauvaise gestion de l’interculturalité peut faire des dégâts.
Nathalie Daffos, spécialisée accompagnatrice RH et coach de carrière, spécialisée dans le soutien aux employeurs sur la question de la diversité et de l'interculturalité chez Objectif Emploi prône la « communication récurrente » et incite les gestionnaires à pousser la validation plus loin en demandant : « qu’as-tu compris et quand as-tu prévu de le faire ? ».
De plus, lorsqu’une entreprise choisit d’intégrer des profils atypiques (des personnes neurodivergentes, par exemple), elle doit savoir se montrer souple dans les fonctionnements organisationnels, outiller et former ses gestionnaires. « Chaque individu a des besoins et des réalités différentes, fait valoir Émilie Viens. »
Il convient donc d'instaurer une culture d’entreprise adaptative, soucieuse à la fois des individualités, mais aussi de la mise en place d’une approche collective efficiente.