La chaleur en milieu de travail : un risque à ne pas négliger

14-11-2023
Les scientifiques sont clairs : la planète se réchauffe à un rythme sans précédent. Les changements climatiques affectent tous les milieux et toutes les régions du monde.

Augmentation des événements météorologiques extrêmes, inondations, sécheresses, problèmes de santé; voici quelques exemples d’impacts de l’augmentation de la température planétaire.
Rédigé par :
Éric Binette
La chaleur en milieu de travail : un risque à ne pas négliger

Selon l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité au travail (IRSST), entre 1950 et 1959, Montréal subissait environ 9 journées de chaleurs intenses par année, c’est-à-dire, de 30°C et plus. D’ici 2050, ces journées d’extrême chaleur s’élèveront à 42 par année : une augmentation de 33 jours de vagues de chaleur en 100 ans pour la métropole.

Ceci vient inévitablement avec des conséquences dans les milieux de travail, autant au niveau de la santé des travailleur.se.s que des coûts à débourser pour les employeurs. Les données de la CNESST démontrent qu’entre 2012 et 2016 seulement, les entreprises ont dû débourser plus d’un milliard de dollars pour les accidents reliés aux environnements de travail trop chauds. Les coups de chaleur sont les principaux problèmes de santé qui surviennent avec l’augmentation de la température. Chaque degré qui d’augmentation entraîne automatiquement plus de risques d’insolation. Il est donc primordial pour les organisations de trouver des solutions afin de minimiser les conséquences reliées à la chaleur. 

Démystifier le coup de chaleur 

Tout d’abord, il est important de bien comprendre les signes et les symptômes d’un coup de chaleur ainsi que les différences entre celui-ci et l’épuisement dû à la chaleur.  

L’épuisement dû à la chaleur est la première étape menant au coup de chaleur. La ou le travailleur.se peut ressentir de la fatigue, une sensation de malaise, de la transpiration, des nausées et des vomissements. L’épuisement dû à la chaleur peut également mener à de la confusion, voire à une perte de conscience. 

Quant à lui, le coup de chaleur se caractérise par une grande fatigue, des vertiges, des nausées, des étourdissements, des frissons, une mauvaise coordination, une incohérence des propos, de l’agressivité, des maux de tête, des troubles de la vision et des douleurs musculaires. La peau sera chaude, rouge et sans transpiration. Le rythme cardiaque de la ou du travailleur.se augmentera tout comme son rythme respiratoire. Finalement, la température corporelle de la personne atteindra et/ou dépassera les 40°C. 

Que se passe-t-il dans le corps lors du travail effectué à la chaleur intense? 

En fait, la chaleur intense entraîne un stress thermique sur le corps. En réponse à cela, le corps tentera de faire baisser sa température centrale en produisant de la transpiration afin de protéger les organes vitaux. Il y aura alors moins de sang qui se rendra aux muscles et au cerveau et, donc, une plus grande fatigue s’installera. De ce fait, les autres signes et symptômes mentionnés ci-haut apparaitront. 

Au travail, par exemple, la fatigue oculaire est un impact majeur de la chaleur sur la réalisation des tâches des travailleur.se.s. La température et le soleil font forcer davantage les yeux et ceux-ci se fatigueront plus rapidement. De plus, les travailleur.se.s peuvent avoir de la difficulté à agripper le matériel, notamment à cause de la transpiration, mais aussi à cause de la fatigue qui empêche de serrer fortement un objet. À ce titre, il est conseillé de porter des gants antidérapants, d’essuyer régulièrement les mains et les outils et d’utiliser des sangles de levage lorsque possible. 

Contenu supplémentaire
  • À ce sujet, il est possible de visiter le site du Gouvernement du Canada sur le Milieu de travail à température élevée.
  • Il est également possible de communiquer avec le Bureau de district du Programme du travail au 1-800-641-4049 pour toute question.

Le coup de chaleur dans les milieux de travail  

Plusieurs secteurs de travail extérieur sont directement touchés par la chaleur : construction, aménagement forestier, horticulture, agriculture, etc. Il ne faut toutefois pas minimiser l’impact de la chaleur dans les milieux intérieurs également comme les usines. 

Lors de travaux à l’extérieur, la CNESST recommande aux travailleur.se.s de se protéger le plus possible du soleil et de : 

  1. Porter des vêtements légers de couleur pâle qui permettent d’évacuer la chaleur; 

  1. Porter une casquette ou un chapeau avec un rebord; 

  1. Faire des tâches avec plusieurs périodes de repos; 

  1. S’hydrater adéquatement, c’est-à-dire, en grande quantité et régulièrement; 

  1. Être en mesure de reconnaître les signes et les symptômes du coup de chaleur et d’aviser sa ou son superviseur.se dès que les symptômes apparaissent. 

La responsabilité de l’employeur 

Face à ces défis, les employeurs doivent mettre en place des mesures préventives contre la chaleur. Ils doivent aussi fournir des conditions sécuritaires et des mesures claires. 

Premièrement, l’employeur doit évaluer le risque à l’aide de la température, du taux d’humidité et du niveau d’ensoleillement. Deuxièmement, l’employeur doit appliquer des mesures de prévention. Plus précisément, il est possible d’établir un plan d’action avant les journées chaudes, comme de prévoir un habillement adéquat et de diminuer le rythme des tâches à effectuer puis, de bien informer les travailleur.se.s des dangers, des risques et des symptômes du travail à la chaleur. Lors des journées chaudes, l’employeur se doit de rappeler les mesures préventives aux équipes de travail, d’évaluer le risque plusieurs fois au cours de la journée et de fournir de l’eau en quantité suffisante. 

De même, il est important de prendre en considération l’acclimatation à la chaleur. La CNESST considère qu’il faut un minimum de cinq jours à un.e salarié.e pour s’acclimater à un milieu de travail. Par conséquent, si l’employeur a des travailleur.se.s non acclimaté.e.s au sein de son entreprise, il se doit de les surveiller davantage, d’ajuster les tâches au besoin ou de reporter certaines tâches et, finalement, d’interrompre le travail d’une personne présentant des symptômes d’épuisement dû à la chaleur ou de coup de chaleur. Dans ce dernier cas, il est primordial que l’employeur contacte le 911.Il existe d’autres mesures préventives applicables, comme :  

  1. Faire une rotation des tâches; 

  1. Aménager des zones de repos dans des espaces plus frais; 

  1. Utiliser des parasols ou des tentes; 

  1. Prioriser le travail d’équipe, voire empêcher les équipes de travailler seules; 

  1. Fournir de l’aide mécanique ou tout autre type d’aide; 

  1. Fournir un ventilateur et un système de ventilation adéquat; 

  1. Accorder des pauses toutes les heures (si la zone de repos est fraîche, les pauses peuvent être écourtées, mais si elle est chaude, les pauses doivent être rallongées). 

Également, au niveau légal, l’article 121 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail stipule : « Dans tout établissement qui emploie 50 travailleurs ou plus et où des travailleurs sont soumis à des conditions thermiques telles que l’indice de contrainte thermique atteint ou dépasse la courbe de travail continu […] un tel indice doit être mesuré deux fois par année, dont une fois pendant l’été, à chaque poste de travail où il est atteint ou dépassé. Les résultats des mesures effectuées conformément au premier alinéa doivent être consignés par l’employeur dans un registre que celui-ci doit conserver pendant au moins 5 ans ».  

Aussi, l’article 123 précise : « Dans tout établissement qui emploie 50 travailleurs ou plus et où des travailleurs sont soumis à des conditions thermiques telles que l’indice de contrainte thermique atteint ou dépasse la courbe de travail continu […], une surveillance médicale des travailleurs ainsi exposés doit être assurée par l’employeur et celui-ci doit mettre à leur disposition de l’eau dont la température est comprise entre 10°C et 15°C, ainsi qu’une douche par 15 travailleurs exposés ». 

Guide de planification des travaux en prévision des vagues de chaleur

Aussi, l’IRSST propose deux utilitaires Web pour aider les employeurs à calculer les alternances nécessaires entre le travail et le repos, combinées aux conditions environnementales, à la charge de travail et à la tenue vestimentaire (indice WBGT, Wet Bulb Globe Temperature). 

L’impact des médicaments sur la capacité du corps à se protéger de la chaleur 

Enfin, il est crucial pour les employeurs et les travailleur.se.s de considérer les effets de la prise de médicaments sur la défense naturelle du corps contre la chaleur intense. En ce sens, la responsabilité des employeurs est de diffuser les informations en lien avec les médicaments et les coups de chaleur (types de médicaments et effets secondaires possibles). Puis, la responsabilité des personnes est de déclarer à l’employeur la prise de médication qui pourrait contrevenir avec le fait de travailler à la chaleur. 

Voici une liste de médicaments qui : 

1. Diminuent la capacité du corps à produire de la sueur : 

  • Les bêtabloquants (cœur et pression); 
  • Les décongestionnants (rhume); 
  • Les médicaments anticholinergiques (allergies, somnifères, incontinence, antidépresseurs). 

2. Peuvent déshydrater et produire des chutes de pression :  

  • Les diurétiques
  • Les laxatifs; 
  • Certains médicaments pour le diabète; 
  • Certains antidépresseurs. 

3. Peuvent faire augmenter la température du corps :  

  • Les médicaments antipsychotiques; 
  • Les médicaments stimulants pour le trouble de l’attention. 

4. Peuvent causer de la somnolence :  

  • Les médicaments contre l’anxiété; 
  • Les médicaments contre l’insomnie; 
  • Certains médicaments contre les douleurs des nerfs; 
  • Les médicaments opioïdes pour la douleur. 

5. Peuvent devenir toxiques pour les reins face à la déshydratation :  

  • Les médicaments anti-inflammatoires; 
  • Les anticoagulants; 
  • Les médicaments pour la haute pression artérielle; 
  • Certains médicaments pour traiter le diabète; 
  • Le lithium (bipolarité). 

Pour conclure 

En bref, le réchauffement climatique est bel et bien présent : la température mondiale continuera de s’élever dans les prochaines décennies. Les canicules et les conséquences associées se doivent d’être prises au sérieux et d’être incluses dans les plans de santé et de sécurité des organisations.

La santé des travailleur.se.s est directement affectée par la chaleur, que ce soit dans les milieux de travail extérieurs ou intérieurs. L’aménagement des espaces de travail et les mesures préventives font donc partie intégrante des problématiques de santé et de sécurité des entreprises.  La sensibilisation et l’information auprès des équipes de travail sont essentielles, car les travailleur.se.s se doivent de reconnaître les risques, les signes et les symptômes du travail à la chaleur afin d’en aviser leur superviseur.se rapidement et d’éviter ainsi des conséquences importantes sur leur santé.