Comment favoriser une meilleure inclusion des communautés LGBTQ+ en entreprise ?

17-05-2023
À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et transphobie, quelles sont les meilleures pratiques afin d’assurer un milieu de travail inclusif ? Voici des suggestions et témoignages pour vous inspirer.
Rédigé par :
Author
Annie Bourque, Pratiques RH
Pratiques Rh Lutte contre l'homophobie

Aujourd’hui, on assiste à une augmentation de la représentativité positive des personnes homosexuelles, lesbiennes, transgenres, etc. sur nos écrans de télévision, de cinéma, mais aussi dans les entreprises.

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Depuis des décennies, des pas de géant ont été accomplis concernant l’équité, la diversité et l’inclusion en entreprise. « La décriminalisation de l’homosexualité au Canada remonte à 1969 et avant cela, les relations entre gens du même sexe était passible de 5 à 14 ans de prison », rappelle Olivia Baker de la fondation Émergence et chargée du programme Pro Allié qui vise l’inclusion des personnes LGBTQ+.

« C’est vrai, il y a une nette amélioration, observe-t-elle. Cependant, il reste encore des progrès à faire. »

En parler ou pas ?

Olivia Baker donne des formations dans les entreprises pour sensibiliser sur les réalités vécues par des personnes LGBTQ+. Du coup, elle surmonte les préjugés qui persistent chez les employeurs, gestionnaires et employé.e.s. « J’entends souvent l’idée que ce qui se passe dans la chambre à coucher ne nous concerne pas. On ne devrait même pas en parler », confie-t-elle en citant la réflexion maintes fois entendue.

45 %

Pourtant, 45% des Québécois vont mentionner leur partenaire de vie au moins une fois par semaine, lors d’une conversation anodine au travail. 

Mme Baker estime que les membres de la communauté LGBTQ+ embauché.e.s en entreprise ont 3 choix : 

1. Parler ouvertement de leur orientation sexuelle

2. Cacher l’information concernant l’élu.e de leur cœur

3. Mentir sur leur statut en inventant un mari ou une épouse imaginaire

Selon elle, il est difficile de se cacher ou pire, de mentir. Certains ont l’impression de mener une double vie. À la longue, cela peut devenir lourd de ne jamais pouvoir évoquer sa fin de semaine avec ses collègues de travail.

Cependant, les membres de la communauté LGBTQ+ parlent parfois ouvertement de leur orientation sexuelle. C’est le cas de Katia Aubin, vice-présidente, communications mondiales et image de marque chez Sid Lee, qui a fait ce choix, il y a une vingtaine d’années. « Sortir du garde-robe a été un défi, mais je me sentais en confiance et j’ai souvent trouvé des allié.e.s et des appuis », confie-t-elle.

Discrimination et harcèlement toujours présent en 2023

De son côté, la chargée du programme Allié à la Fondation Émergence, Olivia Baker confirme que tout se passe bien dans les milieux inclusifs. « Cependant, dans d’autres endroits, la personne risque de vivre du harcèlement, de la discrimination, des moqueries, et ce, même encore aujourd’hui », note-t-elle.

42 %

Selon un sondage mondial effectué par Deloitte auprès de 600 personnes travaillant dans 12  pays, 42% des personnes s’identifiant à la communauté LGBTQ+ ont indiqué vivre au travail des comportements non inclusifs et de la discrimination.

Derrière cette statistique, il y a un visage, Marie-Isabelle Gendron qui a commencé sa carrière au masculin comme spécialiste technique des moteurs à turbine d’hélicoptères et d’avions au sein de la multinationale Pratt & Whitney Canada. 

Au moment d’annoncer sa transition, certain.e.s collègues, des ami.e.s proches ont décidé de s’en tenir qu’à une stricte relation professionnelle. « Du jour au lendemain, j’ai perdu mon amoureux, mais aussi des collègues, des membres de ma famille qui ont coupé les liens avec moi. Cela a été dur », raconte-t-elle. Les gens peuvent faire la différence en étant des allié.e.s, pense Olivia Baker.

« Dès que vous entendez une blague sur les gays, il est important de réagir et de laisser entendre que ce comportement n’a pas sa place en 2023 », ajoute-t-elle.


À noter : Des propos inappropriés en entreprise

- Ah, mais tu n’as pas l’air Trans ou encore, tu es belle pour une Trans 

- Mon dieu, mais tu n’as pas tellement l’air lesbienne

Cette dernière réflexion, Katia Aubin l’a déjà entendue au travail, dans un emploi précédent. « Avant, je me faisais une fierté de ne pas avoir l’air lesbienne, mais ce n’est peut-être plus le cas aujourd’hui. J’ai énormément appris de mon processus, de mes propres jugements, de ma lesbophobie. »

« Aujourd’hui, ajoute-t-elle, je suis fière de qui je suis et de la communauté dont je fais partie. »

Saviez-vous que ? Lesbophobie : désigne la peur, le mépris, voire la haine à l’égard des femmes qui aiment les femmes. Ce mot n’a toujours pas fait son entrée dans Le Robert.


La pierre angulaire : l’embauche de personnes issues de la diversité

Si un employeur désire être inclusif, il est primordial d’embaucher du personnel issu de groupes sous-représentés. « La diversité, explique Katia Aubin, ce n’est pas juste une question d’ethnie, de race, mais c’est aussi question d’identité. Pour attirer des talents, il faut créer un environnement et une culture inclusive. »

Toutefois, le plus difficile, en pénurie de main-d’œuvre, selon Victor Sullivan, directeur dans la chaîne d’approvisionnement chez Deloitte, c’est d’éviter les biais inconscients de faire preuve de créativité dans le processus d’embauche. « On tente d’élargir nos bassins de recrutement afin d’être plus représentatif de l’ensemble de la population. Je remarque que plus les équipes sont diversifiées, plus elles sont performantes. »

12,5 % de la population au Québec est membre de la communauté LGBTQ+, soit lesbienne, gay, bisexuel.le, transgenre, queer. Le + signifie bispirituel.le, asexuel.le, androgyne, etc.

Précision : L’identité de genre est celle à laquelle une personne s’identifie : femme, homme, aucun des deux ou les deux à la fois.

Le biais inconscient du statu quo lié à l’embauche

De son côté, Olivia Baker observe que le principal obstacle en entreprise demeure le biais inconscient associé au statu quo qui influence le choix ou les décisions liées à l’embauche d’un.e candidat.e.

« Le biais du statu quo est responsable de l’homogénéité dans les milieux de travail. On préfère souvent travailler et embaucher des personnes qui nous ressemblent et souvent, on ne veut pas que les choses changent. » - Olivia Baker, Fondation Émergence 

Éducation et formation dans les entreprises

La solution réside dans la formation et l’éducation en entreprise, selon l’avis exprimé par les personnes interrogées pour cet article. « Nous avons reçu de l’aide et de l’accompagnement de Fierté au travail pour établir chez nous un environnement inclusif. Si un.e employé.e vit une transition, l’organisme nous aide. Cela fait partie de sa mission », explique Katia Aubin, vice-présidente, communications mondiales et image de marque chez Sid Lee.Cette formation est offerte sur une base continue.

« Cela devrait fait partie de la responsabilité des employeurs d’offrir une telle formation car le développement professionnel, c’est aussi le développement d’aptitudes sociales », croit Katia Aubin.

Une occasion d’ouvrir le dialogue

L’an dernier, pendant une journée de reconnaissance de la communauté LGBTQ+ organisée par Deloitte, une salariée a parlé devant ses collègues de sa transformation. « Ce fut une occasion d’ouvrir le dialogue et de permettre aux gens de s’exprimer, explique Victor Sullivan. « J’ai rarement vu autant de participation dans une conférence. »

Plusieurs ont osé poser des questions. Sans filtre ni censure.

– Le fils de mon meilleur ami est en train de vivre une transformation et je réalise que je ne sais pas même pas comment réagir », a dit l’un d’eux.

Cette conférence a permis d’enlever les tabous. « Plus on ouvre le dialogue, plus on permet aux gens d’être à l’aise et de s’exprimer et de dire qui ils sont », estime Victor Sullivan, directeur dans la chaine d'approvisionnement chez Deloitte, une firme spécialisée dans les services de l'audit, certification, consultation et conseils financiers. 

Les dirigeant.e.s ont mis en place un programme visant à mieux comprendre les enjeux et données afin de prendre des actions concrètes liées à l’inclusion. Du même souffle, l’entreprise suscite un sentiment d’appartenance en créant des événements rassembleurs qui regroupent des gens pouvant discuter en toute confiance de leurs différents enjeux. Tout le personnel de Deloitte est éduqué aussi sur les réalités des minorités. « Tout n’est peut-être pas parfait, mais on tient à progresser et s’assurer d’un environnement accueillant, inclusif et qui reflète la diversité », assure M. Sullivan.

Un premier pas pour surmonter les idées préconçues

À maintes reprises, Marie-Isabelle Gendron témoigne de son expérience à titre de personne transgenre, lors de la formation Pro Allié offerte par la fondation Émergence. Durant ces échanges, Marie-Isabelle observe que son témoignage permet de surmonter les stéréotypes.

« Les gens perçoivent les personnes transgenres comme démunies. Plusieurs sont étonné.e.s de voir que je suis instruite, équilibrée et ayant deux enfants. Il y a vraiment une mauvaise image qui est véhiculée à propos des personnes Trans. »

6 actions pour devenir un.e allié.e. de la communauté LGBTQ+

Plusieurs gestes et actions peuvent être réalisés rapidement.

1# Créer une salle de bain non genrée

L’entreprise Pratt & Whitney l’a fait au moment de l’annonce de la transition de Marie-Isabelle Gendron il y a une dizaine d’années.

2# Langage inclusif incluant les pronoms

Plusieurs employeurs prônent l’utilisation des pronoms dans les signatures de courriels. « Cela fait en sorte que notre entreprise reconnait l’identité du genre qui n’est pas nécessairement associée au physique », explique Victor Sullivan directeur dans la chaine d’approvisionnement chez Deloitte.

Certain.e.s dirigeant.e.s, selon les témoignages recueillis, disent en soupirant: c’est compliqué. « Un changement doit faire partie de la culture d’interaction, rétorque Katia Aubin. La complexité vient qu’on a un effort à faire. Il faut prendre l’habitude de ne pas tenir pour acquis que la personne à qui tu t’adresses est de tel genre. Moi, si j’ai un doute, je demande à la personne quel pronom utiliser. »

L’impact est tangible au niveau du recrutement. Les nouvelles générations aiment se retrouver dans un environnement où chacun.e est libre d’être qui il.elle est. « L’ajout des pronoms dans la signature courriel est aussi un indicateur d’un esprit inclusif, ajoute Katia Aubin. Cela envoie un bon message pour les employé.e.s, mais aussi aux client.e.s et partenaires externes. »

3# Être à l’écoute

En entrevue, Victor Sullivan et Katia Aubin s’expriment facilement. Les deux ont une personnalité attachante. Au cours de leur carrière respective, Katia et Victor ont été bien accueilli.e.s dans les entreprises. « Mon message, c’est d’être à l’écoute des personnes qui vivent des choses différentes de nous. On se doit de les entendre et d’être là pour répondre à leurs besoins », dit M. Sullivan.

4# Assumer pleinement son leadership en tant qu'employeur

Dans les organisations, on voit l’émergence de groupes de soutien liés à chacune des minorités en entreprise (cela comprend les femmes, personnes racisées, minorités sexuelles, communautés autochtones, en situation de handicap).

Il s’agit d’un bel atout, selon Katia Aubin, mais il faut faire plus. « C’est important d’avoir de la représentativité au sein du leadership. Les entreprises doivent embaucher des leaders issu.e.s de communautés sous-représentées. C’est la clé pour faire avancer l’organisation et avoir une voix autour de la table », estime Mme Aubin.

De son côté, Victor Sullivan qui est responsable du groupe LGBTQ+, au bureau de Montréal chez Deloitte, renchérit en disant : « Moi ce qui m’a rendu à l’aise de m’assumer comme homosexuel, c’est le fait que dans mon équipe, les patron.ne.s s’assument pleinement. Cela devient la norme et non une différence. »

Du même souffle, le personnel est invité à témoigner de leur parcours. « Plus on en parle et plus, on enlève l’incompréhension et les peurs, et nous créons ainsi le changement », ajoute-t-il.

5# Des avantages sociaux qui reflètent l’inclusion

De plus en plus d’organisations s’assurent que l’offre d’avantages sociaux soit progressiste et inclusive autant pour les couples de même sexe que les médicaments pour la prise d’hormones ou les soins pour les confirmations de genre.

6# Surmonter ses préjugés et ses idées préconçues

Même s’il y a des pas de géant effectués par les entreprises, il reste encore de nombreux préjugés voire des peurs irrationnelles, selon Olivia Baker. Cette année, le thème de la campagne de la fondation Émergence est justement « LGBTQphobies ».

« Les gens ont peur par conviction ou par manque d’éducation. Il y a parfois un effort, une réflexion à faire à propos de sujets inconfortables. Il faut juste apprivoiser nos peurs », mentionne Katia Aubin.

Respect de l’autre et de sa différence

De son côté, Marie-Isabelle Gendron constate une évolution des mentalités. Il y a quelques années, elle a accordé une entrevue à l’animateur Paul Arcand. « Quelqu’un à mon travail est venu me voir et a dit : j’ai beaucoup appris avec toi. Je te respecte. Cela m’a pris du temps à évoluer », a-t-il dit.

Au fond, selon elle, les gens ont besoin de plus d’information. « Une personne Transgenre est quelqu’un comme tout le monde qui n’est pas confortable avec son corps d’origine, à sa naissance. »

Quel est son conseil à ceux et celles qui s’apprêtent à vivre le même cheminement ? « Cela n’a pas de prix d’être enfin soi-même. Je suis heureuse en robe et talons hauts. Mais, il faut garder l’esprit ouvert et savoir que d’autres auront de la difficulté à nous accepter. »

« Toutefois, il ne faut surtout pas s’isoler. Il faut simplement trouver des gens qui nous supportent et nous aiment tel qu’on est », dit celle qui est devenue entretemps, thérapeute en relation d’aide. Aux employeurs et gestionnaires, Marie-Isabelle clarifie son message. «Chacun de nous a un cheminement intérieur à faire. Il faut respecter la personne, être bienveillant et oser lui demander si elle a besoin d’aide. C’est ainsi qu’on peut les accompagner et de devenir des allié.e,s. de la communauté LGBTQ+.»