Le diagnostic organisationnel, un outil pour assurer sa pérennité

18-09-2025
Thématiques : Stratégie et organisation du travail  -  Article informationnel
À qui s’adresse le diagnostic organisationnel ? Surtout, quels sont les bienfaits et les pièges à éviter ? Tour d’horizon.
Annie Bourque

Auteur.e

Annie Bourque, rédactrice
chez Pratiques RH

Diagnostic d'une organisation

Exode de talents, restructuration, croissance fulgurante. Face à ces différents défis, les entreprises ont recours au diagnostic organisationnel, un outil comparable à un bilan de santé annuel.

D’ailleurs, celui-ci se réalise au moment d’une nouvelle direction au sein d’une entreprise, après une fusion/acquisition ou encore lors de changements liés aux soubresauts du marché.  

Le diagnostic organisationnel : une précieuse collecte d’informations

L’exercice permet d’amorcer un positionnement aligné sur la mission, la vision et les objectifs de l’organisation, explique Isabelle Fontaine, consultante chez Espaces Stratégies.  

Enfin, l’obtention d’un portrait d’une organisation, à un moment précis, permet de déterminer les forces, les faiblesses, mais aussi les points d’amélioration.

« Il s’agit d’une collecte d’informations effectuée grâce à des sondages ou entretiens individuels ou de groupe semi-structurés. On se réfère donc à des renseignements de qualité et non à des intuitions ou des estimations approximatives », explique Céline Bareil, professeure titulaire au département de management à HEC Montréal.  

Le but est d’améliorer la performance et l’efficacité organisationnelle en proposant des pistes d’action.  

Les 4 piliers d’une organisation pérenne

Dans un article publié dans la revue Gestion en juin dernier, la psychologue et professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal, Estelle M. Morin met en lumière les 4 dimensions de l’efficacité organisationnelle.  

  • La pérennité organisationnelle fait référence à la croissance de l’entreprise.  
  • La qualité de vie au travail. Les employé.e.s sont-ils heureux.ses et engagé.e.s  ?  
  • Efficience technique. L’entreprise est-elle innovante et compétitive ?
  • Responsabilité sociale et environnementale. Cette philosophie tient à cœur la génération Z et contribue à l’impact positif de l’organisation.   

Des réponses à des maux de l’organisation

En ayant recours au diagnostic organisationnel, les dirigeant.e.s découvrent les causes liées par exemple à l’absence de l’engagement des troupes.  

« Ça va mal ! », soupire un PDG lors de sa rencontre avec une spécialiste du diagnostic organisationnel.  

Les consultantes interrogées par Pratiques RH observent une croissance exponentielle dans les organisations. De nouveaux postes sont créés, et ce, sans réflexion ni analyse des besoins. Des emplois qui ne répondent pas aux besoins de la clientèle.  

De plus, les expertes notent aussi une cadence élevée de la rotation du personnel depuis plusieurs mois.  

Les organisations se retrouvent alors en situation de recrutement et de formation qui entraîne des frais exorbitants comme l’indique un récent article de Pratiques RH.  

« Les entreprises nous interpellent en disant : il faut que cela arrête. Elles veulent prendre un pas de recul », note Sylvie Jourdain, conseillère senior chez André Filion et Associés.  

Climat de travail malsain  

En quête de productivité et de performance, des organisations assistent à l’émergence de tensions au sein des troupes.  

« En entreprise, lors de nos entretiens, on détecte parfois un conflit dans l’équipe. Souvent, les membres, dans le déni, n’y portent pas attention. Le danger, c’est de perdre éventuellement un.e. employé.e-clé », explique de son côté Isabelle Fontaine.  

Enfin, d’autres signaux peuvent être observés dans les organisations, dont l’instauration de silos au détriment de la collaboration, un chevauchement des rôles et responsabilités ou encore l’insatisfaction liée à la gestion des opérations.  

Processus et étapes du diagnostic organisationnel  

D’abord, il faut s’assurer du but de l’exercice. « Qu’est-ce que le.la dirigeant.e. veut savoir ou améliorer ? », interroge Céline Bareil.  

Puis, l’entreprise entreprend une consultation à travers des sondages et entretiens sous le sceau de la confidentialité. Des expert.e.s se rendent parfois sur place.  

« Nous prenons le pouls des gens sur le terrain autant du côté des opérations que du stratégique », illustre Isabelle Fontaine qui croit qu’un œil externe favorise l’exemption de préjugés ou présomptions.  

Ce travail peut se concevoir par un comité en partenariat avec la direction, les gestionnaires et le syndicat. La consultation peut rejoindre aussi les fournisseurs et clients.  

Puis, les responsables recueillent les renseignements et procèdent à une analyse approfondie et une interprétation des données.  

La rétroaction : primordiale dans le processus

En ayant en main le portrait de l’entreprise, il devient vital de faire un suivi aux troupes. « Le retour permet de valider les données. Les gens se retrouvent-ils dans ce rapport ? », soulève Céline Bareil.  

« Dans un diagnostic, il arrive qu’un paquet de monde soit consulté, et puis, personne n’en reparle », déplore de son côté Sylvie Jourdain en prévoyant les retombées négatives dont la frustration du personnel.  

Selon les expertes, il est donc crucial de partager les conclusions du rapport du diagnostic organisationnel avec l’ensemble de la main-d'œuvre.  

Les 5 pièges à éviter lors du diagnostic organisationnel  

Munies des meilleures intentions au monde, les dirigeant.e.s ont parfois tendance à commettre certaines erreurs.  

1. Oublier de consulter ses équipes

« Bonne nouvelle, se dit-on dans l’usine. La direction entreprend un diagnostic organisationnel. » Toutefois, la majorité a le sentiment de ne pas avoir été consultée.  

« C’est une erreur qu’on voit souvent », confie Sylvie Jourdain, psychologue organisationnelle et consultante en management stratégique.  

Pourtant, le processus de consultation suscite un sentiment de valorisation si l’organisation tient compte des idées des un.e.s et des autres.  

2. Se cacher la tête dans le sable  

Le rapport du diagnostic organisationnel recèle d’éléments négatifs qui confrontent la direction pourrait avoir tendance à dire :  « Non, cela ne sert à rien de montrer ça à nos employé.e.s. Ils vont penser que nous sommes mauvais ! »  

La professeure titulaire à HEC Montréal, Céline Bareil suggère de privilégier la franchise et l’honnêteté.  

« Les dirigeant.e.s craignent parfois d’être vulnérables, mais l’humilité est aussi une source de leadership. »

- Céline Bareil, professeure titulaire en management à HEC Montréal

Sa recommandation : « Je propose aux directions de dire : le diagnostic démontre que nous avons de l’espace afin de s’améliorer et nous allons travailler cela ensemble. »  

3. Faire semblant que tout va bien  

Lorsque l’entreprise décide d’entreprendre un diagnostic organisationnel, elle doit s’attendre à de la rigueur et de l’intégrité.  

« Il n’y a pas de cachette. Nous disons les vraies choses avec authenticité », mentionne Isabelle Fontaine en citant l’exemple d’un.e gestionnaire qui a de la difficulté à déléguer. « Nous nommons le problème et les pistes de solution. »

Derrière les discussions courageuses, il y a cet esprit, dit Céline Bareil, qui mène vers l’amélioration de la performance et de l’efficacité.

4. Attention aux dénonciations  

Les consultant.e.s entendent parfois cette phrase. « Dis-moi qui a dit cela lorsque tu as fait les entrevues l’autre jour? » Ouf !  

« L’important n’est pas de savoir qui a dit quoi, mais de savoir comment vous allez améliorer la situation », leur répond Céline Bareil.  

5. Remettre le document sur les tablettes

Le grand piège du diagnostic organisationnel, selon la professeure titulaire en management à HEC Montréal, est de remettre le rapport sur une tablette et de le laisser prendre la poussière !  

Par manque de courage managérial, certains dirigeant.e.s vont préférer s’en laver les mains et ne rien faire. Une occasion manquée, selon les spécialistes, d'améliorer les processus et de valoriser la mission de l’organisation pour le long terme.

Les retombées du diagnostic organisationnel  

En effet, les solutions contenues dans le rapport se comparent à un remède qui permet de préserver la pérennité d'une entreprise.  

« Si une entreprise veut rester en vie, il est bon de regarder dans le rétroviseur et d’anticiper ce qui s’en vient. »

- Isabelle Fontaine, consultante chez Espaces Stratégies

Plusieurs changements concrets peuvent prendre place par la suite :  

  • Création d’un nouvel organigramme clarifiant les rôles et responsabilités en lien avec la mission de l’entreprise.  
  • Instauration d’un code de conduite, et ce, en collaboration avec l’ensemble de l’organisation.  
  • Mise en place de programmes de coaching et d’accompagnement des gestionnaires suscitant une meilleure mobilisation des troupes.  
  • Mise en place d’un comité social qui ravive les liens entre salarié.e.s.  
  • Ajout d’un programme de reconnaissance, comme celui de l’Aéroport international Jean-Lesage de Québec qui entraine l’adhésion du personnel.  
  • Création d’un groupe paritaire comprenant les représentant.e.s des travailleur.euse.s et de l'employeur.  Les discussions permettent d’agir sur divers aspects des relations de travail.  

Fierté, valorisation et confiance !

Le diagnostic organisationnel met en lumière les réalisations des équipes et non le travail d’une seule personne. « Cela crée un sentiment de fierté et de valorisation, et surtout, un sens au travail », explique Céline Bareil, professeure titulaire à HEC Montréal.  

Récemment, une entreprise a lancé un concours concernant l’adoption de valeurs qui étaient plus que des mots inscrits sur un site web. Concrètement, les employ.é.e.s incarnent les valeurs de l’organisation au quotidien en créant un sentiment d’appartenance.  

De tels accomplissements expliquent la passion qu’éprouvent Sylvie Jourdain et Isabelle Fontaine pour leur travail. Deux ans ou cinq ans plus tard, après la remise de leur rapport, elles voient l’amélioration d’un climat de travail ou encore le degré d’engagement des troupes qui rejaillissent sur l’efficacité et la productivité de l’organisation.  

Le mot de la fin revient à Céline Bareil, professeure titulaire à HEC Montréal. « En demandant l’avis des gens, lors du diagnostic organisationnel, cela procure aussi une sécurité psychologique. C’est fini l’ère du leader tout puissant qui décide pour tout le monde. Aujourd’hui, il ou elle entraine les gens à travailler ensemble. »

En conséquence, le niveau de confiance augmente inévitablement entre les gestionnaires et le personnel. Et cette confiance est l’élément clé qui amène les organisations à croitre au présent et au futur !