Femmes dans les emplois non traditionnels : un chemin à tracer

Quels sont les obstacles auxquels les femmes se heurtent en optant pour un emploi considéré comme étant non traditionnel ? Comment et pourquoi les employeurs devraient-ils favoriser leur intégration et leur maintien en emploi ?
Des obstacles qui freinent l’intégration en emploi
Pour Stéphanie Hudon, conseillère en emploi non traditionnel chez Accès-Travail-Femmes, le premier obstacle auquel les femmes doivent faire face est la discrimination à l’embauche.
« Cela peut résulter de l’historique de recrutement de l’employeur. Par exemple, si une femme a été embauchée pour un poste et que cela n’a pas fonctionné, l’entreprise n’a pas voulu répéter l’expérience », explique-t-elle.
Pourtant, une mauvaise expérience avec l’embauche d’un homme n’entraîne pas un arrêt du recrutement pour ceux-ci, poursuit l’experte.
La remise en question des aptitudes physiques et des compétences fait partie des préjugés qui peuvent aussi freiner l’intégration des femmes, souligne Mme Hudon.
« Beaucoup de personnes dans le secteur de la construction vont dire que les femmes sont moins physiquement aptes à faire certaines tâches », relève Manon Plourde, conseillère en développement socio-professionnel au centre Le Pont – La force des femmes en emploi.
Pourtant, les charges maximales à soulever sont encadrées par la CNESST dans plusieurs milieux, donc les femmes sont autant capables de les lever que les hommes.
De plus, même si elles sont qualifiées pour l’emploi, plusieurs voient leurs compétences sous-utilisées, relève Mme Plourde.
Conséquemment, une femme dans un métier majoritairement masculin doit davantage faire ses preuves, souligne Stéphanie Hudon.
Ses collègues vont l’analyser plus étroitement : est-ce qu’elle effectue le travail de la même façon que ses homologues masculins et en prenant le même temps ?
« Quand une femme devient une cadre supérieure, une responsable ou une cheffe d’équipe, il va toujours y avoir un doute sur ses compétences, contrairement à un homme, ce qui explique leur sous-représentation dans ce type de poste. »
- Manon Plourde, conseillère en développement socio-professionnel au centre Le Pont – La force des femmes en emploi
L’isolement professionnel peut être un frein à l’intégration des femmes, souligne Mme Plourde. « Une femme isolée peut avoir de la difficulté à valider son ressenti par rapport au comportement de ses pairs. Est-ce le même traitement que celui réservé à ses collègues masculins qui entrent en poste ? »
Devant l’incertitude, cela peut mener à la banalisation de comportements toxiques.
Les freins à l'embauche
- La discrimination à l’embauche
- Les préjugés sur les compétences physiques et techniques
- L’isolement professionnel
- Le manque d’ouverture face à la conciliation travail-famille
- Le manque de préparation du milieu du travail
Faire évoluer la culture d’entreprise pour plus d’inclusion
Le manque d’ouverture par rapport à la conciliation famille-travail peut aussi s’avérer problématique. Parfois, l’employeur peut souhaiter écarter une femme, car il craint qu’elle tombe enceinte ou qu’elle demande des congés pour s’occuper de ses enfants.
Saviez-vous que...
Selon la Charte des droits et libertés de la personne, il est interdit de refuser d’engager quelqu’un sur la base de son genre et de sa situation familiale.
Source : 11 questions discriminatoires en entrevue : s’en sortir la tête haute
« Il peut être difficile de changer les valeurs, c’est pourquoi une culture d’entreprise peu favorable à l’inclusion des femmes peut en encourager plusieurs à quitter », met en garde Vicky Dallaire, également conseillère en emploi non traditionnel au centre Accès-Travail-Femmes.
Le manque de préparation du milieu de travail pour accueillir adéquatement les femmes est aussi une problématique observée, mentionne-t-elle.
Cela peut se traduire par l’absence de douches adaptées, de toilettes ou de vestiaires réservés aux femmes, mais aussi de l’équipement individuel de protection indisponible ou de la mauvaise grandeur, ce qui pose un enjeu sur le plan de la sécurité, note Mme Hudon.
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La mixité en entreprise : des avantages non négligeables
Les femmes ont une autre façon de réfléchir, de communiquer, mais aussi d’aborder les problèmes. Un milieu mixte permet de tirer naturellement profit de cette différence pour bénéficier d’un plus grand éventail de points de vue.
Pour Manon Plourde, cela est particulièrement utile pour réduire les angles morts quand vient le temps de prendre une décision ainsi que pour favoriser l’innovation. « À partir du moment où il y a 15 % d’hommes ou de femmes dans une entreprise, la dynamique va changer naturellement. »
L’impact sur la marque employeur et sur l’attractivité de l’entreprise ne doit pas non plus être sous-estimé.
« La mixité favorise la créativité et l’innovation grâce à la mise en commun d’approches complémentaires par rapport au travail. »
- Stéphanie Hudon, conseillère en emploi non traditionnel chez Accès-Travail-Femmes
Bien entendu, favoriser l’embauche de femmes permet d’élargir le bassin de main-d'œuvre disponible pour combler les postes manquants, souligne Mme Hudon.
Vicky Dallaire, pour sa part, relève l’impact sur la santé et la sécurité au travail. « Les femmes vont souvent opter pour des méthodes de travail plus sécuritaires, ce qui diminue les risques de blessures et d’arrêts de maladie », ajoute-t-elle.
Saviez-vous que...
Les entreprises avec des équipes de direction diversifiées peuvent générer jusqu’à 21 % de plus en revenus, sans compter une augmentation de 15 % de la compétitivité.
Source : Parité homme femme en entreprise : le guide complet pour tout comprendre sur ces enjeux
Formations et jumelage : des leviers vers le succès
Avant tout, il est nécessaire de prendre le pouls des travailleur.euse.s. De cette façon, il sera possible de mieux évaluer les besoins en matière de formation pour les employé.e.s, mais aussi pour les cadres.
Par le fait même, le milieu sera mieux préparé à l’accueil des femmes dans l’entreprise, ce qui est une étape essentielle à considérer pour assurer une bonne intégration, explique Stéphanie Hudon.
Avoir des personnes qui connaissent les enjeux sur le plancher et qui ont des outils d’intervention pour faire efficacement face aux situations problématiques peut faire toute la différence, renchérit l’experte.
« Quand de la formation est offerte aux cadres ou aux superviseur.e.s, ces personnes deviennent des alliées pour les femmes qui arrivent dans l’entreprise, car elles sont plus sensibilisées à leur réalité. »
- Stéphanie Hudon, conseillère en emploi non traditionnel chez Accès-Travail-Femmes/Emploi
Ainsi, les situations problématiques ne vont pas dégénérer, parce que des actions ciblées et efficaces vont être prises pour éviter que cela se produise.
Abordant l’exemple de l’aluminerie Alcoa à Bécancour, Manon Plourde mentionne qu’une formation destinée aux femmes lors de leur entrée en poste favorise grandement leur intégration et leur maintien en emploi. Cette initiative permet d’aborder divers sujets comme les relations interpersonnelles, la gestion des conflits et le harcèlement au travail.
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Des outils pour favoriser un dialogue sans préjugé
Une formation sur la mixité destinée au personnel et aux gestionnaires peut aider à surmonter les biais inconscients, et ainsi, contribuer à créer un terrain propice à l’intégration, soutient Mme Plourde.
« Les biais inconscients pèsent dans la balance, les gestionnaires et les chef.fes d’équipe doivent en être conscient.e.s de façon à former adéquatement leurs employé.e.s sur le plancher. »
S’il est possible pour certaines femmes de s’intégrer à leur milieu de travail sans mentorat ou jumelage, Vicky Dallaire est d’avis que cette mesure peut grandement faciliter l’intégration, ce qui est d’autant plus vrai si le jumelage est avec une autre employée.
« Il y a des choses qu’on va confier à une collègue féminine, qu’on ne dira pas nécessairement à un homme », explique-t-elle.
Manon Plourde est du même avis et précise « qu’avoir un binôme facilite les échanges et permet à la personne d’être à l’aise de poser des questions ».
Des offres d’emploi inclusives
Pour Vicky Dallaire, les offres d’emploi doivent laisser transparaître les valeurs de l’entreprise en indiquant la présence d’une politique pour contrer la discrimination.
La spécialiste recommande de miser sur des offres d’emploi inclusives sur l’ensemble des plateformes.
Des solutions pour favoriser l’intégration des femmes
- Formations destinées aux employé.e.s et gestionnaires
- Jumelage avec une autre employée
- Des offres d’emploi inclusives
- Une politique favorisant l’intégration des femmes
« Il faut mettre de l’avant l’importance accordée à la conciliation travail-famille, notamment la possibilité d’adapter les horaires », précise-t-elle. Souligner les petits plus qu’offre l’entreprise, comme les associations avec des services de garde, peut également susciter leur intérêt.
Se basant sur des données recueillies par Accès-Travail-Femmes, l’experte précise qu’ouvrir le milieu de travail aux visites peut être une bonne façon d’attirer les femmes. Cela leur donne un aperçu concret des tâches et de leur capacité à les effectuer.
Instaurer une politique interne favorisant l’intégration
La mise en place d’une politique favorisant l’intégration des femmes et son application sur le terrain sont des facteurs indispensables pour contrer les principaux obstacles, qu’ils soient liés à l’environnement de travail ou à la culture d’entreprise, relève Manon Plourde.
Cela peut notamment passer par l’adaptation de l’équipement afin de faciliter la réalisation de certaines tâches, suggère Mme Dallaire.
De l’aide aux entreprises pour favoriser l’intégration des femmes
Manon Plourde mentionne l’existence d’organismes comme le centre Le Pont – La force des femmes en emploi et Accès-Travail-Femmes qui peuvent offrir de l’assistance aux femmes souhaitant être accompagnées dans leur intégration et leur maintien en emploi.
L’experte précise que ce service est offert gratuitement pour l’employeur, car il est financé par Services Québec. D’autres types de soutien sont également offerts par ces organismes, bien qu’ils puissent encourir certains frais.
Services Québec offre du soutien financier, notamment sous la forme de subventions ou par l’intermédiaire du Service aux entreprises.
Les diagnostics organisationnels offerts aident à cibler les démarches à effectuer pour que l’entreprise atteigne son objectif, qu’il s’agisse d’attirer plus de femmes ou d’assurer leur rétention.
« Nous faisons une analyse organisationnelle afin d’élaborer un plan d’action pour l’entreprise et nous l’accompagnons dans sa mise en œuvre », explique Mme Plourde.
Consulter le répertoire destiné aux organismes en employabilité peut être une façon efficace de prendre le pouls des services disponibles, ajoute Mme Dallaire.
L'inclusion féminine : une richesse pour tous
Somme toute, l’intégration des femmes demeure un enjeu de taille sur le marché du travail, notamment dans les secteurs majoritairement masculins, et les obstacles pour y remédier sont aussi nombreux que diversifiés.
Reconnaître la valeur ajoutée de la mixité en entreprise, c’est profiter d’un milieu de travail où les différences deviennent un atout plus qu’un frein à la performance, à la créativité et à l’innovation.
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