Entretien d’embauche : la recette d’un processus efficace

16-10-2025
Thématiques : Recrutement
Pour celui ou celle qui doit le passer, l’entretien d’embauche est certainement un moment stressant ! Toutefois, la réussite de cet exercice n’incombe pas qu’à la personne qui postule pour un nouvel emploi.
Karine Dutemple

Auteur.e

Karine Dutemple, rédactrice
chez Pratiques RH

entretien d'embauche

Pour que ce moment de rencontre permette de valider la compatibilité d'un.e candidat.e avec un poste, de même qu’avec la culture d’entreprise, le respect de plusieurs bonnes pratiques doit en guider la planification et la tenue. Plusieurs spécialistes éclairent les employeurs pour réussir leurs futurs entretiens d’embauche.

Mener un entretien d’embauche avec des questions ciblées

Dino Crescenzi, président d’EspaceTalent, mentionne que la première étape à franchir est de déterminer quelles sont les compétences clés pour le poste. En vue d’une bonne planification, effectuer des recherches sur le parcours professionnel du candidat ou de la candidate est essentiel pour poser des questions ciblées et pertinentes.

Si la lecture attentive du curriculum vitae est incontournable, consulter le profil LinkedIn et le site Web de l’entreprise où la personne travaille peut fournir plusieurs informations complémentaires. « L’objectif de l’entretien est de pouvoir valider ces informations », relève l’expert.

Évaluer les compétences essentielles du poste

Pour Marie-Julie Côté, spécialiste en recrutement et consultante RH chez Grands Talents, les compétences non-négociables doivent être au cœur de la discussion.

« Il faut évaluer : qu’est-ce qui est le plus important dans ce rôle-là ? »

- Marie-Julie Côté, spécialiste en recrutement et consultante RH chez Grands Talents

Ces compétences doivent être directement liées à la description du poste, relève M. Crescenzi. Les questionnaires qui ne font aucune distinction entre les fonctions ne sont pas souhaitables, insiste-t-il.

Une fois les compétences identifiées, Mme Côté suggère d’évaluer le niveau de maîtrise souhaité. « Pour ce poste, l’innovation est importante, mais faut-il quelqu’un qui a un niveau de 9 sur 10 ? » Afin de savoir si l’individu atteint le degré de maîtrise désiré, il faut choisir une question permettant de l’évaluer, poursuit l’experte.

Si une question ne valide pas une valeur ou une motivation chez le.la candidat.e, cela ne sert à rien de la poser, souligne Mme Côté. « Si on cible une question qui ne permet pas d’évaluer quelque chose en lien avec le poste, cela peut donner une fausse impression de celui-ci. »

Certaines compétences seront nécessaires dans le futur, relève Caroline Boyce, M. Sc., CRHA, consultante, conférencière et chargée de cours à HEC Montréal. L’arrivée de l’intelligence artificielle devrait sensibiliser les employeurs à l’importance de recruter des gens qui possèdent une bonne littératie numérique, mentionne-t-elle.

Saviez-vous que...

Selon la Charte des droits et libertés de la personne, toute personne doit être traitée équitablement lors d’un entretien d’embauche. Les distinctions effectuées sur la base de motifs discriminatoires sont illégales.

Source : Exemples de questions d’entrevue conformes et interdites

Certaines questions méritent d’être remplacées, comme celle visant à demander à la personne où elle se voit dans 5 ans, suggère-t-elle. Les choses peuvent évoluer durant cette période, autant pour l’entreprise que pour l’individu concerné.

Pour une petite entreprise qui souhaite garder ses employé.e.s à long terme, chercher à connaître le plan de carrière de cette personne peut cependant faire plus de sens. Les questions discriminatoires sont évidemment à éviter, souligne l’experte.

Objectivité et attentes claires au cœur de l’entretien d’embauche

Il faut avoir un canevas d’entrevue composé sensiblement des mêmes questions afin de pouvoir comparer avec justesse les candidat.e.s, explique l’experte.

Toutefois, il faut être en mesure de « rebondir sur les questions et non pas seulement de les poser », rappelant que cet exercice demeure une discussion, poursuit Mme Côté. Pour cela, une bonne écoute est de mise, précise-t-elle.

Advenant l’identification d’un point commun avec le.la candidat.e, un biais favorable peu s’installer, souligne Caroline Boyce. Ce manque d’objectivité peut également découler de l’impression laissée par l’habillement de cette personne ou bien par sa posture.

« Il faut se ramener au canevas d’entrevue, ne pas faire de détour et évaluer chacune des compétences indiquées sur le formulaire pour chacun.e des candidat.e.s afin de les évaluer objectivement. »

Un canevas d’entrevue permet aussi de ne pas oublier de recueillir certaines informations et donne la chance à tout le monde de s’exprimer sur les mêmes sujets, relève Mme Côté.

Plus de précision pour des réponses pertinentes

Marie-Julie Côté réitère l’importance d’être précis.e dans la formulation des questions, dans l’optique de mieux diriger la personne concernant l’information qu’elle doit donner.

Au lieu de lui demander de parler d’elle, il serait préférable d’opter pour une question précisant sous quelle angle cette personne doit le faire : sur le plan personnel ou dans l’exercice d’un rôle professionnel ?

Les gens peuvent également donner des réponses brèves, s’ils pensent que c’est ce qui est attendu d’eux lors de l’entretien, explique-t-elle.

« C’est vraiment à la personne qui passe l’entretien de questionner, de creuser et d’évaluer. » Il faut parfois couper la parole pour rediriger la discussion si le.la candidat.e s’éloigne du sujet et nommer clairement ses attentes, poursuit Mme Côté.

S'entretenir au-delà des compétences techniques

Évaluer les compétences techniques d’un angle théorique n’est pas suffisant, mentionne Caroline Boyce. Il importe de déterminer comment cette personne fera usage de ses compétences une fois en poste.

« Il faut évaluer la personne sur ce qu’elle a fait dans le passé, car c’est souvent garant de ce qu’elle va faire dans le futur. »

« En posant une question théorique, on va valider les connaissances de la personne, mais ce qu’on veut vraiment savoir en entrevue, c’est comment elle va agir une fois en poste ? »

- Caroline Boyce, M. Sc., CRHA, consultante, conférencière et chargée de cours à HEC Montréal

Questionner le.la candidat.e sur ses valeurs est primordial, souligne Mme Côté, rappelant l’importance de sélectionner un individu pouvant s’intégrer à la culture d’entreprise.

Dans le cas d’une personne qui a travaillé dans une autre industrie que celle du poste pour lequel elle postule, il importe d’évaluer si ses compétences sont transférables, met de l’avant M. Crescenzi.

Ne pas sous-estimer le savoir-être

Il faut également savoir si la personnalité de cette personne pourra s’harmoniser avec celles des autres membres de l’équipe. Pour éviter les conflits relatifs à un manque de compatibilité, l’expert recommande d’impliquer toutes les parties prenantes qui travailleront avec cette personne à l’entrevue.

Le savoir-être est digne d’importance, souligne-t-elle. Si certaines compétences peuvent être développées une fois en poste, la personnalité de cette personne restera sensiblement la même. « On embauche sur le savoir-faire et on remercie sur le savoir-être. »

Il faut déterminer ce qui est important pour la personne. Demander des exemples concrets tirés du passé professionnel de la personne est une bonne façon de s’assurer de la véracité de l’information fournie, mentionne également l’experte.

L'égalité des chances au cœur de l’entretien d’embauche

Tenir la personne informée du déroulement du processus de recrutement est une bonne façon d’assurer l’égalité des chances entre les individus introvertis et extrovertis, affirme Caroline Boyce.

En permettant aux candidat.e.s d’anticiper le déroulement de l’entretien, cela contribue à réduire le stress qui s’y rattache, tout comme la possibilité d’apporter un aide-mémoire lors de celui-ci.

Conseils pour planifier et mener l'entretien d'embauche

  • Déterminer les compétences clés.
  • Utiliser un canevas d’entrevue, tout en étant apte à rebondir sur les questions.
  • Formuler des questions précises.
  • Faire baisser le niveau de stress en mentionnant clairement le déroulement de l’entretien.
  • Faire preuve de flexibilité pour le moment et la façon dont se déroulera l’entretien.
  • Faire un bilan des renseignements transmis à la fin de l’entretien.
  • Effectuer un suivi même si la candidature n’est pas retenue.

« Faire baisser le stress de cette personne permettra de mieux comprendre qui elle est réellement et permettra d’avoir une discussion plus authentique, favorisant une meilleure embauche », explique Mme Boyce.

Pour assurer l’égalité des chances des candidat.e.s, il faut aussi demander si des accommodements sont nécessaires lors de l’entretien d’embauche. Faire preuve d’une certaine flexibilité peut rendre le processus moins contraignant et plus accessible, suggère-t-elle. « Il est souhaitable d’offrir différentes plages horaires pour passer l’entretien ainsi que la possibilité de faire celui-ci à distance plutôt qu’en présentiel. »

Pour que le.la candidat.e puisse transmettre l’ensemble des informations nécessaires à l’analyse de sa candidature et éviter les oublis, Marie-Julie Côté recommande de faire un bilan à la fin de l’entretien.

Il s’agit d’un moment où la personne peut évoquer les points importants de son parcours professionnel. Pour ne pas désavantager les individus moins à l’aise avec cet exercice, la spécialiste suggère de les accompagner dans cette réflexion.

Ce moment permet de préciser certaines informations, d’en ajouter d’autres et de clore la discussion en ayant le sentiment que tout ce qui devait être dit l’a été.

Le suivi : une étape à ne pas négliger

Advenant que la candidature de la personne concernée ne soit pas retenue après l’entretien, elle doit en être informée, rappelle l’expert. Il s’agit d’une bonne façon de lui démontrer du respect. De plus, ne pas faire de suivi pourrait éventuellement nuire à la marque employeur de l’entreprise.

« Avoir un canal de communication ouvert avec le.la candidat.e tout au long du processus est essentiel. »

- Dino Crescenzi, président d’EspaceTalent

« Si la personne est venue sur place pour l’entrevue, il faut prendre la peine de l’appeler pour lui faire part du refus de sa candidature », soutient aussi Caroline Boyce.

Respect, communication et égalité des chances : un trio gagnant

La planification et le bon déroulement d’un entretien d’embauche demandent plus de réflexion qu’il n’y paraît.

Mettre en place un processus basé sur l’égalité des chances, le respect et une communication ouverte avec les candidat.e.s peut certainement augmenter la probabilité de trouver la perle rare !