Parole d’expert : « La communication est un élément important à considérer en situation de crise. »
Karine Dutemple, rédactrice
chez Pratiques RH
Comment faire preuve de leadership durant une période mouvementée, alors que l’incertitude gagne du terrain ? Mario Côté, CRHA, Distinction Fellow, fondateur de Gestion Conseil Mario Côté, nous éclaire sur le sujet.
Le leadership en période de crise ou comment faire face à la tempête
PRH : Comment le leadership doit s’adapter en période de crise ?
Mario Côté : Plusieurs modèles de leadership peuvent nous aider à traverser les crises, dont le leadership apprenant. Cela implique de faire preuve d’humilité et d'arrêter d'être l'expert. On essaie de devenir humble, puis de se dire : comment composer avec la nouvelle réalité à laquelle l’entreprise fait face ?
C'est un peu à contre-nature, parce que souvent, quand on est dans une crise, les gens vont se tourner vers le.la gestionnaire. C’est comme si on présume que cette personne sait quoi faire en tout temps et en toutes circonstances. Même en dehors d’un contexte de crise, cette personne veut naturellement montrer qu'elle sait ce qu’il faut faire.
Autrement, elle a un sentiment d'imposteur. Pour s’éloigner de cette idée, il est essentiel de travailler sur soi. Il faut accepter d'être vulnérable, puis apprendre avec l'équipe dans ce contexte-là. Cela amène une posture complètement différente. En gestion, les gestionnaires apprennent l’importance de plusieurs principes : la planification, l'organisation, la direction et le contrôle.
Ce n'est pas mauvais de les garder en tête. Cela permet de se donner une structure, de savoir dans quelle direction on veut aller, de déterminer comment atteindre cet objectif et de pouvoir réajuster le tir.
Toutefois, en situation de crise, on ne sait pas ce que l'avenir nous réserve. Donc, essayer de fonctionner comme si on avait un plan et qu’on savait où on va être dans 3 ans, ce n’est pas la stratégie à utiliser. La clé repose sur une forme de leadership où on apprend ensemble, ce qui demande de l'humilité.
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PRH : De quelle façon les pairs peuvent-ils jouer un rôle positif sur le leadership en période de crise ?
M.C. : Dans le cadre de mes interventions auprès de gestionnaires, j'utilise aussi des outils psychométriques. Ces outils-là sont souvent utilisés pour les aider à mieux se connaître.
Quel est mon profil de personnalité ? Comment j'ai tendance à réagir quand il y a de la turbulence ? Pour certaines personnes, c'est en baissant la tête, puis en fonçant qu’elles traversent les crises avec succès.
Pour d’autres individus, c’est en étant plus analytique et cartésien. Ces leaders veulent plutôt prendre le temps de bien analyser les différents angles de la situation avant de prendre une décision. Parfois, ces personnes vont ralentir la cadence alors qu'il faudrait l’accélérer.
« Il faut être bien entouré. Certains leaders le comprennent et d’autres ne prennent pas le temps de réfléchir à leur style naturel de leadership en période de crise. »
En se connaissant mieux, les gestionnaires peuvent s’entourer de personnes capables de pallier leurs lacunes. Compte tenu qu’il est impossible pour une personne d’avoir tous les traits de personnalité positifs de tous les profils, cela est nécessaire.
Advenant qu’une transaction soit en cours avec une entreprise américaine, peut-être qu’accélérer la négociation est la meilleure stratégie à utiliser pour éviter de perdre une opportunité de développement liée à la crise.
Si je suis quelqu’un qui analyse longuement la situation avant de prendre une décision, j’ai besoin parfois qu’on me rappelle l’importance de foncer.
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PRH : Quelles sont les erreurs à éviter pour assurer un bon leadership lors d’une période difficile ?
M.C. : La communication, ce n’est pas unidirectionnel. En n’étant pas assez humble pour être à l’écoute des membres de son équipe et en ne reconnaissant pas d’emblée qu’il lui est impossible de tout savoir, le.la leader se prive de la possibilité de réellement échanger de l'information.
En situation de crise, il vaut mieux se rencontrer « à la croisée des chemins ». On échange de l'information et on prend des décisions ensemble pour assurer la pérennité de l'organisation. C’est possible de le faire quand la personne est humble et qu’elle comprend qu’elle n’est pas la seule à détenir des connaissances.
« Le savoir est réparti entre les différents membres de l’équipe et c’est en le partageant qu’il sera possible de mieux passer à travers les périodes de crise. »
Il est aussi important de ne pas atténuer la crise en minimisant la situation ou de l’amplifier en contribuant au sentiment de panique. Cela ne fait qu’empirer la situation. Il est crucial de montrer notre souci des autres et de ne pas être seulement cartésien. Les gens vivent des émotions et ont des inquiétudes légitimes, il faut en tenir compte.
Être capable d’afficher sa vulnérabilité et faire preuve de sensibilité à l’égard de son équipe, tout en demeurant positif, est de mise. Entretenir l’espoir aide concrètement à traverser la crise.
Quelques conseils pour assurer un bon leadership de crise
- Faire preuve d’humilité pour favoriser l’échange d’informations et prendre les décisions collectivement.
- Éviter d’atténuer la crise ou de l’amplifier.
- Être capable d’afficher sa vulnérabilité et faire preuve de sensibilité à l’égard de l’équipe.
- Communiquer davantage.
- Savoir reconnaître quand la persistance stratégique nuit à son organisation.
- Privilégier la discussion avec les membres de l’équipe.
- Proscrire les reproches et les blâmes.
Durant une période de turbulence, il y a souvent moins de communication et il est parfois difficile de savoir ce que la haute direction pense faire par rapport au problème. Pourtant, il faudrait plutôt communiquer davantage.
Il est aussi important d’éviter la persistance stratégique, qui consiste à reproduire ce qui a donné du succès dans le passé, si ces stratégies ne permettent plus d’obtenir les résultats souhaités. On répète la même recette, alors que le contexte économique ou l'environnement de l'entreprise peuvent avoir grandement changé. En adoptant cette approche, on n'explore pas de nouvelles avenues.
C’est en privilégiant la discussion avec les membres de l’équipe que des pistes de solution différentes peuvent être explorées. Cela est d’autant plus vrai lorsque celle-ci est diversifiée, car plusieurs perspectives peuvent émaner quand des individus ayant des professions différentes donnent leur opinion. En l’absence de ces moments d’échange, de bonnes idées peuvent être tues.
Ensuite, il est important de faire preuve de souplesse en prévoyant plusieurs options ainsi que les moyens de les explorer. Par exemple, mettre sur pied un projet pilote peut être une façon efficace d’évaluer les retombées d’une stratégie.
Les blâmes et les reproches sont évidemment à proscrire. En tant que leader, il ne faut pas se déresponsabiliser et blâmer les autres pour la situation de crise. Chercher un coupable n’aidera pas la situation. Il faut regarder de l’avant et se demander : qu’est-ce qu’on fait pour se sortir de cette situation ?
PRH : Quel élément est le plus important pour rassurer son équipe en période de crise ?
M.C. : Ce qui fait toute la différence, c’est la confiance dans notre équipe de travail. Il faut entretenir la confiance envers celle-ci et entre chacun des membres qui la composent.
« Il faut se demander comment la crise peut devenir une opportunité. »
Plusieurs choses peuvent être travaillées en équipe et individuellement : l’écoute, la communication, l’ouverture, la responsabilisation, l’autonomie, l’innovation et le développement des compétences en continu.
PRH : Connaissez-vous des entreprises qui ont réussi à adapter leur leadership en période de crise ?
M.C. : Après la période de confinement durant la pandémie de COVID-19, l’ancienne présidente-directrice générale de la SAQ (Catherine Dagenais) s’est positionnée concernant le retour en présentiel.
Elle a décidé de ne pas fixer un nombre obligatoire de jours au bureau, mais plutôt de demander aux employé.e.s d’être là durant les moments importants. En agissant de la sorte, elle faisait appel à l’intelligence des gens. C’est un style de leadership qui aide à passer au travers de la crise, car on fait confiance aux gestionnaires et aux membres de leurs équipes.
On évite la rigidité, ce qui démontre une capacité à s’ajuster et à innover dans un contexte difficile. Steve Jobs est passé à travers plusieurs crises pour que son entreprise devienne celle qu'on connaît maintenant. Il disait qu’on n'engage pas des gens intelligents pour leur dire quoi faire, mais plutôt pour qu’ils nous disent quoi faire afin d’avoir les meilleurs résultats possible.
C'est cette capacité-là à lâcher prise comme leader et à avoir confiance en la capacité des autres à apporter des idées et des solutions pour passer au travers de la crise qui va jouer un rôle déterminant sur celle-ci.
Quand personne ne contribue au plan de match, cela devient le plan du patron. C'est alors plus facile pour tout le monde dans l'équipe de se mettre en mode critique et de dire que ce n’est pas une bonne approche.
En permettant à tout le monde de s’impliquer dans ce processus, cela devient un moteur de motivation, car les gens ont le sentiment de contribuer au succès de l’entreprise.
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