Engagement au travail : comment valoriser les employés (ultra) organisés ?

16-09-2025
Thématiques : Rétention et mobilisation  -  Article informationnel
Toujours une longueur d’avance, jamais un courriel oublié, des échéanciers respectés même en période de pointe…
Victoire Bejjani

Auteur.e

Victoire Bejjani, rédactrice
chez Pratiques RH

Engagement au travail : comment valoriser les employés (ultra) organisés ?

Les employé.e.s ultra organisé.e.s semblent parfois tout droit sorties d’un autre monde. Et pourtant, ces individus existent, discrets, efficaces, et souvent sous-estimés. 

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, ces profils représentent une ressource précieuse pour les entreprises. Mais comment les repérer ? Les valoriser ? Et surtout : comment éviter de les épuiser à force de trop compter sur eux ? 

Ces salariés qui structurent silencieusement leur environnement 

Ces collègues très efficaces sont faciles à repérer : toujours prêt.e.s à prendre le relais quand un processus flanche, à créer un fichier partagé là où s’accumulaient des notes éparses. À identifier les zones floues et les angles morts pour faire avancer l’équipe, etc. 

Chez elles et eux, l’organisation n’est pas qu’un réflexe : c’est une véritable compétence stratégique. Parfois même, un moteur personnel. Anticiper, clarifier, simplifier pour soi, pour l’équipe, pour que tout roule un peu mieux. 

« Les profils ultra-organisés travaillent souvent efficacement en coulisses, sans chercher la reconnaissance, souligne Nathalie Lacombe, coach et conférencière en santé et bien-être. Leur satisfaction vient du sentiment d’avoir contribué discrètement au bon fonctionnement de l'équipe. » 

Un équilibre précieux, qui leur permet généralement de mieux gérer leur stress… À condition de ne pas finir par porter seul.e.s tout le poids de l’organisation, ajoute l’experte. 

Quand l'organisation devient instinct 

Derrière cette « ultra-organisation », se cache aussi une posture particulière : pas seulement une question de rigueur ou de productivité. 

Julie Carignan, associée directrice chez Humance, l’explique : « on peut souvent repérer ce type de profil dans sa manière d'aborder les mandats. Cet.te employé.e pose de bonnes questions, valide les échéances, identifie les parties prenantes. La qualité des questions est souvent révélatrice : c’est le signe que la personne construit déjà mentalement son plan d’action. » 

Et même si certains peuvent trouver cette approche trop méthodique, Mme Carignan remet les pendules à l'heure. « C’est en réalité très positif : ces personnes planifient rigoureusement parce qu'elles veulent réussir ! Et elles livrent, toujours à temps, avec une constance remarquable. » 

L’organisation : une compétence et une mentalité 

Être organisé ne se résume pas à dresser des listes. C’est une façon de penser et d’agir, qui se manifeste à plusieurs niveaux : 

Chez les personnes très organisées, cette approche prend une dimension stratégique. Elles ne réagissent pas aux urgences, elles les préviennent. Elles ne se contentent pas d’outils, elles conçoivent des systèmes durables. 

« Il faut distinguer organisation et rigidité, rappelle Julie Carignan L’ultra-organisation peut être perçue comme de la rigidité, un frein à l’agilité. Parfois, on associe à tort ces personnes à un ralentissement, alors qu’en réalité, leurs questions et leur structuration initiales font gagner du temps par la suite. » 

Et la créativité dans tout ça ? 

Mme Carignan précise qu’organisation et créativité ne sont pas incompatibles, bien au contraire !  

 « Une personne vraiment organisée saura aussi planifier des espaces de créativité. L’organisation ne s’oppose pas à la créativité, elle peut au contraire la soutenir si elle est bien pensée. » 

Elle ajoute qu’« il faut aussi distinguer planification excessive et véritable organisation, qui est bien plus large que la simple création d’un ordre du jour. » 

Nathalie Lacombe complète cette idée en soulignant que la clé, c’est la flexibilité. « Une organisation devient problématique lorsqu’elle empêche l’adaptation nécessaire dans un monde en perpétuel mouvement. » 

Quels sont les atouts de ces personnes plus méthodiques que la moyenne ? 

Elles pensent « en systèmes » 

Plutôt que d’aborder les tâches une à une, ces personnes adoptent généralement une vision d’ensemble.  

Dans un projet de lancement, par exemple, elles prennent le temps de cartographier les étapes clés, tout en identifiant les liens entre les différentes fonctions marketing, logistiques, finance, etc. 

« On remarque une meilleure clarté, un respect des échéances, une fluidité de travail. Les risques et obstacles sont anticipés, la charge mentale des autres diminue », observe Julie Carignan. 

« Ces employé.e.s installent une confiance dans l’équipe, car on sait que les choses seront faites. »

- Julie Carignan 

Elles maîtrisent la priorisation 

Face aux multiples sollicitations, courriels, appels, messageries internes, les ultra-organisé.e.s savent faire le tri. Ce qui est urgent, ce qui est important, ce qui peut attendre : tout est analysé, adapté, réévalué en continu. 

« Savoir se concentrer pleinement sur une tâche à la fois renforce non seulement l'efficacité… Mais aussi la sérénité », fait valoir Mme Lacombe. 

Elles favorisent la collaboration 

L’organisation, ce n’est pas qu’une affaire personnelle c’est aussi un élan collectif.  

Bien souvent, les ultra-organisé.e.s mettent spontanément en place des outils partagés : tableaux de bord, modèles de documents, calendriers communs, etc. Résultat ? Moins de doublons, plus de clarté, et une coordination d’équipe nettement plus fluide. 

Mais attention à l’excès de zèle. Un talent naturel ne doit pas être utilisé tout le temps. « Il faut apprendre à contextualiser ses forces », rappelle Julie Carignan. 
Être ultra organisé dans des situations qui demandent du lâcher-prise ou de la flexibilité peut générer de la surqualité, voire nuire à l’efficacité. » 

Valoriser les ultra-organisés sans les user 

Julie Carignan prévient : « il est essentiel de formaliser leur rôle : ne pas les laisser prendre en charge l’organisation par défaut, mais en faire une fonction reconnue. » 

La spécialiste insiste sur trois leviers clés : 

  1. Valider leur implication : ces responsabilités doivent être choisies, non subies.
  2. Clarifier les attentes : leur efficacité ne doit pas faire d’eux une solution automatique à chaque désorganisation.
  3. Favoriser une répartition équitable : confier certaines tâches à d’autres évite de concentrer tout le poids de l’organisation sur une seule personne. 

« Mettre en lumière la complémentarité des talents et encourager chacun à partager ses forces, comme la créativité ou l’organisation, permet de créer un cadre inclusif. »

- Julie Carignan

Reconnaître leur apport est tout aussi crucial.  

« Il faut souligner leur contribution concrète dans la réussite d’un projet, en nommant précisément ce qu’ils.elles ont apporté. Ne pas se contenter de remercier le vendeur qui signe un contrat, mais aussi la collègue qui a structuré l’appel d’offres. » 

Quelques idées simples pour soutenir les employés très efficaces 

  1. Éviter d’en faire des super-héros et super-héroïnes du quotidien 
    Ce n’est pas parce qu’ils.elles gèrent bien qu’il faut tout leur confier ! Même les personnes ultra-organisées ont besoin de souffler.
  2. Leur offrir un espace pour s’exprimer 
    Un moment de rétroaction bien pensé peut faire des merveilles. Ces individus voient souvent des choses que personne ne remarque.
  3. Les aider à continuer d’apprendre 
    Formations, coaching, certifications, etc. Tout ce qui nourrit leur envie de structurer et d’optimiser leur donne aussi un nouveau souffle.
  4. Leur donner la parole dans l’équipe 
    Un « lunch & learn » (midi-partage), un atelier pratique… Créer l’occasion de partager leurs astuces et d’éviter que toute l’organisation repose sur leurs épaules. 

Structurer sans alourdir : 4 pratiques à adopter 

  1. Mettre en place un outil collaboratif centralisé (Asana, ClickUp, Monday)
  2. Organiser un « stand-up meeting » (une réunion debout) hebdo piloté par un.e employé.e ultra-organisé.e
  3. Créer une bibliothèque de gabarits partagés
  4. Définir une politique claire de gestion des courriels (priorisation, délais, réponses types) 

Un avantage compétitif sur le marché du travail 

Selon Statistique Canada, plus de la moitié des entreprises québécoises recensent des difficultés de recrutement, maximiser l’efficacité des ressources déjà en place est devenu crucial. Savoir détecter, soutenir et promouvoir ces personnes ultra-organisées constitue : 

  • Un facteur de différenciation : Moins de retards, meilleure satisfaction client et des équipes plus soudées.
  • Un vecteur de bien-être : Des tâches claires et bien réparties réduisent la fatigue décisionnelle et diminuent les risques d’épuisement professionnel.
  • Un catalyseur de croissance : Une équipe structurée absorbe plus facilement la croissance des projets et intègre plus efficacement de nouvelles recrues. 

Miser sur le potentiel « organisationnel » des talents 

L’organisation est une compétence essentielle à tous les niveaux de leadership. 

« En opérationnel, elle est directe. En stratégique, elle doit être relayée, souligne Julie Carignan. Trop structurer au sommet peut mener au micro-management (microgestion). Le vrai leadership, c’est savoir organiser sans étouffer. » 

Pour développer cette compétence dans les équipes, mieux vaut éviter de tout miser sur la formation technique. 

Ce qui fonctionne vraiment, c’est le développement d’habitudes, le coaching et l’accompagnement dans la durée. « L’organisation n’est pas un savoir théorique : c’est une pratique quotidienne qui demande du temps et de l’attention », précise Mme Carignan. 

« Apprendre à mieux s’organiser, c’est développer des habitudes, pas suivre un cours, ajoute Nathalie Lacombe. Cela demande du temps, de l’accompagnement… et beaucoup de bienveillance. » 

Et si la véritable force d’une organisation résidait dans ces talents discrets, capables de faire avancer les choses sans bruit ? 

Parfois, il ne s'agit pas d’en faire plus… mais simplement de mieux reconnaître celles et ceux qui font déjà très bien.