Handicaps visuels : recruter et accompagner efficacement les personnes avec une déficience visuelle

Auteur.e
Karine Dutemple, rédactrice
chez Pratiques RH

Quels sont les principaux obstacles auxquels se heurtent les personnes aveugles ou vivant avec une déficience visuelle ? Comment joindre l’action aux paroles afin d’offrir une juste chance à ces talents de mettre de l’avant leur plein potentiel au travail ?
Une meilleure compréhension pour une meilleure inclusion
Sarah Rouleau, gestionnaire des communications et de la sensibilisation chez INCA (Institut national canadien pour les aveugles), soutient que les obstacles auxquels font face les gens aveugles ou avec une déficience visuelle naissent de préjugés.
« L’iniquité prend surtout naissance dans les préjugés ou découle de l’ignorance de la façon dont ces personnes travaillent et des outils à leur disposition », affirme-t-elle.
Les employeurs ne savent pas nécessairement que ces personnes peuvent utiliser un ordinateur, un téléphone intelligent avec la revue d’écran ou l’agrandissement et profiter de plusieurs technologies adaptées, explique l’experte.
Il faut toutefois faire preuve d’ouverture par rapport à la façon dont le travail est réalisé, mentionne Steve Joseph, directeur général de la Fondation des Aveugles du Québec.
INCA offre d’ailleurs des formations et des conseils pour remédier à cette problématique.
Grâce à ceux-ci, les gestionnaires peuvent s’informer sur le recrutement, l’élaboration d’offres d’emploi accessibles, l’aménagement d’espaces de travail adaptés, l’accessibilité sur le web et l’intégration d’un.e employé.e aveugle ou atteint.e d’une déficience visuelle.
La nécessité de faire évoluer les mentalités
L’experte relève le besoin de remédier à ce manque de connaissance chez les gestionnaires, précisant que les notions d’équité et d’égalité en emploi doivent être bien comprises.
De surcroît, de nombreux avantages résultent d’une équipe diversifiée : une meilleure représentation des points de vue, de même qu’une augmentation de la rentabilité et de l’attraction de l’entreprise.
« Il faut changer les mentalités auprès de tout le personnel afin d’être plus enclins à recruter des personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle », soutient-elle.
Sensibiliser les employé.e.s est aussi une façon efficace de contrer les préjugés et le malaise qui peuvent parfois se manifester en présence de gens qui présentent ce type de handicap.
Des offres d’emploi accessibles aux personnes aveugles ou avec une déficience visuelle
Pour la spécialiste, il est essentiel de faire une distinction entre un atout et une exigence pour combler un poste vacant. « Est-ce que la personne a besoin d’un permis de conduire ou seulement de pouvoir se déplacer ? »
INCA émet d’autres recommandations, dont celle de mettre les documents destinés aux candidat.e.s et le formulaire de demande d’emploi dans un format accessible, c’est-à-dire sous forme de fichiers électroniques ou d’imprimés en gros caractères.
Saviez-vous que...
Selon une étude menée en 2018, le taux d’emploi à temps plein pour les personnes aveugles ou avec une déficience visuelle au Canada n’est que de 28 %. Les candidat.e.s disposant d’un diplôme d’études postsecondaires ne sont que 35 % à travailler.
L’accessibilité aux documents et aux bases de données est centrale pour faciliter l’embauche, mais aussi le maintien en emploi des individus aveugles ou avec une déficience visuelle, met de l’avant Mme Rouleau, qui ajoute que le manque d’accessibilité des offres d’emploi est aussi une problématique.
Pour remédier à la situation, l’experte souligne de ne pas utiliser de fichiers en format PDF image et de s’assurer que le texte de l’offre d’emploi soit sélectionnable. De cette façon, il pourra être lu par reconnaissance vocale ou bien agrandi pour en faciliter la lecture.
L'accessibilité aux informations : cruciale pour les handicaps visuels
Steve Joseph mentionne que cette dernière mesure vise aussi à garantir l’accessibilité aux informations dont la personne a besoin dans le cadre de ses fonctions.
« L’environnement bâti et numérique, incluant les documents, le site web et l’ensemble des bases de données doivent être accessibles », insiste Mme Rouleau.
« Le plus cadeau que l’on peut faire à un.e employé.e, c’est son indépendance. »
- Steve Joseph, directeur général de la Fondation des Aveugles du Québec
L’accès aux informations ne s’arrête pas à l’écrit, mais doit également inclure ce qui est visuel, poursuit-elle. « Annoncer l’entrée de quelqu’un dans la salle lors d’une réunion et prendre le temps de présenter les individus qui s’y trouvent assurent l’accessibilité de cet événement à ces employé.e.s. »
Cette verbalisation devrait également s’appliquer aux contenus affichés lors de présentations PowerPoint et aux informations affichées sur différents graphiques.
Ressource utile
L'entretien d’embauche : comment en faciliter le déroulement ?
Pour l’entretien, l’experte conseille de donner une adresse précise et d’indiquer où se trouve l’accueil à l’intérieur de l’édifice. Venir rencontrer la personne à cet endroit lors de ce premier contact peut aussi être proposé.
Offrir de guider la personne peut être une bonne façon de lui permettre de trouver ses repères et de comprendre la configuration des lieux. Afin d’établir les bases d’une bonne communication, la spécialiste suggère de ne pas se fier à la communication non verbale. « Parfois les gens vont présenter leur main, mais ne le disent pas. Il faut verbaliser ce genre d’action », précise-t-elle.
« Si le propos du candidat ou de la candidate est intéressant, faire un hochement de tête en signe d’approbation ne lui permettra pas de comprendre mon intérêt », poursuit-elle.
« Il faut mettre l’accent sur les capacités de la personne, s’intéresser à ses adaptations et comprendre comment elle va faire son travail et répondre aux exigences. »
- Sarah Rouleau, gestionnaire des communications et de la sensibilisation pour INCA
Avant la rencontre, la meilleure mesure à prendre pour garantir l’accessibilité est d’informer le.la candidat.e du déroulement du processus. Qu’il s’agisse d’un test écrit ou à passer sur l’ordinateur, il.elle pourra prévoir en conséquence et apporter son matériel, si nécessaire.
Conseils pour le recrutement et l’intégration de personnes aveugles ou avec une déficience visuelle
- Offrir des formations au personnel afin de mieux comprendre les obstacles de ces personnes au travail.
- Faire appel aux organismes favorisant l’embauche des personnes aveugles ou avec une déficience visuelle.
- Garantir l’accessibilité des offres d’emploi.
- Favoriser l’accessibilité au site web, aux bases de données et aux documents.
- Verbaliser ce que la personne ne peut pas voir lors des entrevues et réunions.
L’experte réitère que la personne concernée est la mieux placée pour s’exprimer sur les accommodements dont elle a besoin.
« Chaque perte de vision est différente, chaque personne est différente, donc les besoins le sont également », met-elle en évidence.
Cet individu peut demander que le texte d’un document soit écrit plus gros, exprimer le souhait d’apporter son ordinateur, que l’éclairage soit ajusté ou bien de recevoir des documents en format Word à l’avance.
Des ressources à utiliser pour un recrutement inclusif
Pour favoriser un recrutement inclusif, M. Joseph aborde l’importance de tirer profit des sites destinés à la mise en relation de candidat.e.s en situation d’handicap avec des employeurs souhaitant pourvoir des postes vacants.
Parmi ceux-ci, se trouve Horizon Travail, lequel offre plusieurs services aux entreprises :
- la sélection et la référence de candidat.e.s qualifié.e.s ;
- une assistance pour rendre l’environnement de travail accessible ;
- un soutien pour favoriser l'intégration et le maintien en emploi ;
- un accompagnement pour l'obtention de subventions salariales.
À ce sujet, l’expert mentionne l’existence du contrat d’intégration au travail pour l’embauche d’une personne handicapée, lequel est une aide financière accordée par le gouvernement du Québec dont peuvent bénéficier les employeurs.
« Si on veut développer le plein potentiel de ces employé.e.s, puis faire jaillir leur talent, les entreprises ont intérêt à être à l’écoute, à s’adapter aux talents devant eux et à travailler avec leurs forces. »
- Sarah Rouleau, gestionnaire des communications et de la sensibilisation pour INCA
La personne embauchée a accès au soutien d’un.e spécialiste en orientation et en mobilité de son centre de réadaptation, affirme-t-il. Cette personne peut se rendre sur place et l’assister dans l’adaptation de son environnement de travail, facilitant grandement son intégration en emploi, souligne M. Joseph.
Mme Rouleau précise que le centre de réadaptation offre la majorité des outils de travail dont la personne a besoin gratuitement, notamment les logiciels couramment utilisés pour adapter l’ordinateur aux besoins de l’individu.
Le programme Ouvrir les portes du travail, mis de l’avant par INCA, permet aussi de mettre en contact des employé.e.s ayant une déficience visuelle avec un employeur à la recherche de nouveaux talents, soutient l’experte.
Ressources utiles
Une meilleure inclusion à portée de main
L’inclusion des employé.e.s aveugles ou ayant une déficience visuelle est indissociable d’une meilleure compréhension de leur réalité, mais aussi de leur potentiel.
Lutter contre les préjugés qui empêchent leur intégration et leur maintien en emploi est certainement le premier obstacle à franchir pour que ces salarié.e.s puissent briller à leur hauteur de leur talent.
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