Intégration et recrutement de salariés autistes : une question d’ouverture

08-12-2025
Thématiques : Gestion de la diversité  -  Article informationnel
Rigueur, attention aux détails, professionnalisme et fiabilité : ce ne sont que quelques-unes des qualités qui font souvent partie des forces attribuées aux salarié.e.s autistes.
Karine Dutemple

Karine Dutemple, rédactrice
chez Pratiques RH

Concept de conseiller commercial personnes discussion

Pourtant, ces employé.e.s neurodivergent.e.s peuvent rencontrer de multiples obstacles au moment de trouver un emploi et de s’intégrer dans un nouveau milieu de travail.  

Préjugés et méconnaissance : deux freins à l’intégration

Selon Martin Prévost, directeur de la formation chez Neuro Plus, plusieurs personnes sous-estiment la capacité des autistes à se scolariser et donc, à occuper des postes spécialisés. Pourtant, plusieurs deviennent médecin, notaire ou avocat.e, souligne Lili Plourde, directrice générale de la Fédération québécoise de l’autisme. 

« S’il est vrai que certaines personnes autistes sont autodidactes, elles demeurent très compétentes malgré leur absence de diplôme », poursuit M. Prévost. La croyance selon laquelle les autistes ne peuvent exceller que dans quelques secteurs, comme ceux de l’informatique, des mathématiques ou des sciences, est largement répandue. Si plusieurs peuvent s’y plaire, cela n’est pas nécessairement vrai pour tout le monde, précise l’expert. 

Les employeurs semblent nombreux à croire que l’adaptation du milieu de travail implique des coûts élevés. Pourtant, ils sont très bas, pour ne pas dire souvent inexistants, mentionne-t-il.  

Lili Plourde abonde dans le même sens et rappelle que la réussite de l’intégration dépend plutôt de l’attitude de l’employeur. Il faut des personnes ouvertes, capables de comprendre les besoins de ces individus et de créer un cadre propice à l’inclusion, explique l’experte. 

« À partir du moment où l’employeur y croit, l’inclusion d’une personne autiste en milieu de travail est possible. »

- Lili Plourde, directrice générale de la Fédération québécoise de l’autisme

Les femmes et les autistes à besoins légers sont souvent victimes de préjugés, relève-t-elle. En raison de leurs difficultés moins apparentes, il peut être plus difficile de cerner les accommodements que nécessitent ces clientèles sur le marché du travail.  

Il faut savoir que les femmes peuvent davantage faire du masquage, ce qui rend le diagnostic plus difficile à poser, ajoute la spécialiste. 

S’informer sur l’autisme pour mieux agir

L’autisme est une condition invisible, ce qui amène une méconnaissance des adaptations disponibles, met aussi en évidence Martin Prévost. 

Voilà qui est problématique, autant pour l’employeur qui souhaite soutenir l’intégration de l’employé.e, que pour la personne autiste que ne connaît pas nécessairement tout ce qui est possible en matière d’accommodement.  

Le recours à un service spécialisé dans l’intégration d’employé.e.s neurodivergent.e.s contribue à mieux connaître les pratiques favorables à l’inclusion des personnes autistes, poursuit-il.  

« Le manque de formation et de sensibilisation fait en sorte qu’il est difficile pour les employeurs et les autres employé.e.s de comprendre l’autisme, ses manifestations et la façon d’y réagir. »

- Lili Plourde, directrice générale de la Fédération québécoise de l’autisme

De plus, de l’accompagnement est offert une fois la personne embauchée pour s’assurer que les accommodements répondent à ses besoins et offrir du soutien à l’employeur. Voilà qui permet de créer des conditions gagnantes pour favoriser le maintien en emploi, met de l’avant M. Prévost. 

Pour l’expert, il importe toutefois de ne pas faire de généralisations et de questionner la personne sur ses besoins, rappelant que tous les individus sont différents. 

« Il faut demander à la personne ce dont elle a besoin et être précis dans la demande : parmi ces trois bureaux, lequel souhaites-tu avoir ? », réitère Lili Plourde, mettant de l’avant l’absence l’ambiguïté dans cette formulation. 

Lorsque c’est possible, Mme Plourde recommande d’avoir recours à un agent d’intégration à l’emploi. Cette aide, offerte par l’intermédiaire d’un service spécialisé de main-d'œuvre, accompagne la personne afin de l’aider à s’intégrer dans son nouveau milieu de travail et à s’approprier ses tâches. 

Ressource utile :

Des accommodements pour un recrutement et un milieu de travail inclusifs

Pour favoriser l’embauche de candidat.e.s autistes, encore faut-il être ouvert.e aux accommodements lors du recrutement, fait valoir M. Prévost. « Si l’employeur est trop rigide, cette personne ne sera jamais engagée. » 

L’expert soulève le cas d’un candidat qui éprouvait une difficulté particulière avec les évaluations minutées. Pour lui éviter d’être désavantagé lors d’un test où le minuteur était mis en évidence, il fût suggéré de tout simplement le cacher avec un bout de carton.  

Il évoque également l’exemple d’une employée qui ressentait le besoin de faire de l’exercice pour maintenir une bonne santé mentale. Toutefois, les heures de travail fixées par l’employeur l’auraient obligé à s’entraîner à des moments où beaucoup de gens se trouvent à la salle de sport.  

Il fût proposé qu’elle prenne deux heures de dîner pour profiter de cette période plus calme pour s’entraîner et de finir une heure plus tard. 

«  Les personnes neurodivergentes ont des perceptions différentes et leur compréhension des situations peut différer, sans compter la possibilité d’être hypersensible. »

- Martin Prévost, directeur de la formation chez Neuro Plus

Il faut également tenir compte des sensibilités, lesquelles peuvent se traduire par une moins grande tolérance au bruit, à la lumière ou aux environnements bondés.  

Pour un.e employé.e particulièrement sensible au bruit et confronté.e à l’obligation de travailler dans un espace ouvert, être installé.e dans un coin de la salle plutôt qu’au centre peut être proposé, suggère l’expert.  

Accepter d’adapter au besoin les horaires de travail peut aussi être une pratique à valoriser, souligne M. Prévost. Cela permet aux employé.e.s de tirer profit des périodes où ils et elles ont le plus de concentration pour effectuer le travail demandé, ce qui assure par le fait même un meilleur rendement.  

Quelques conseils pour gérer l’incertitude

Lili Plourde met de l’avant l’importance de miser sur une structure clairement établie pour définir les tâches à effectuer. Cela permet de réduire l’incertitude, ce qu’il est possible de faire également en informant la personne de la marche à suivre lorsqu’un imprévu survient. 

« Une personne autiste est capable de vivre avec l’imprévu. S’il y en a un, il faut expliquer comment on le rentre dans la liste de tâches. » Si une nouvelle tâche est demandée sans être expliquée, cela peut devenir une source d’anxiété.  

Quelques conseils pour favoriser l’intégration

  • Recourir à des services spécialisés dans l’embauche et l’intégration d’employé.e.s neurodivergent.e.s.
  • S’informer sur l’autisme pour mieux comprendre les spécificités de cette condition.
  • Faire preuve d’ouverture face aux demandes d’accommodements.
  • Minimiser l’incertitude dans la mesure du possible.
  • Éviter l’ambiguïté dans la communication et tenir compte des préférences exprimées pour les interactions. 

Réduire l’incertitude demande aussi d’éviter les surprises, souligne Martin Prévost. Il mentionne l’exemple d’une personne autiste plus à l’aise de savoir à l’avance où elle pourrait s’asseoir le lendemain. Pour réduire l’anxiété liée à cette incertitude, cette place lui a été réservée.  

L’expert conseille d’informer le plus possible à l’avance les employé.e.s des changements à venir. Les personnes autistes pourront ainsi mieux se préparer au changement. La même situation s’applique si la personne se voit confier de nouvelles responsabilités, le savoir à l’avance lui permettra de mieux vivre cette transition.  

La planification des premières journées ou semaines lors d’une entrée en poste est également une excellente idée, relève l’expert. Il évoque l’exemple d’une entreprise manufacturière, laquelle avait un plan détaillé pour chaque journée.  

La nouvelle recrue pouvait donc savoir quelle tâche ou activité était prévue et à quelle heure. Le nom de la personne responsable de l’accompagner était également indiqué dans ce document.  

La communication : un enjeu à surmonter

Selon M. Prévost, la croyance selon laquelle les personnes autistes ne peuvent pas communiquer n’est pas fondée.  

 « On ne communique pas de la même façon, donc les consignes ne sont pas toujours comprises de la bonne manière, sans compter les façons d’agir qui peuvent différer », explique Mme Plourde. 

La communication est effectivement un enjeu de taille, allant même jusqu’à devenir la raison pour laquelle certain.e.s employé.e.s perdent leur emploi, souligne l’experte. 

Lorsque des informations sont transmises, elle propose de demander à la personne de reformuler en ses mots ce qui a été expliqué afin des’assurer d’une bonne compréhension. 

« Une personne autiste ne comprendra pas les signes d’impatience de ses collègues qui ne veulent plus parler d’un sujet ou mettre un terme à la discussion. » L’experte suggère donc de le dire sans détour, plutôt que d’ignorer la personne ou de faire preuve d’impolitesse.  

  1. Prévost mentionne que certaines personnes autistes sont inconfortables à l’idée de recevoir un appel sans préavis ou une visite inattendue. « Il est souhaitable de demander à la personne si elle a des préférencesen matière de communication », ajoute l’expert.

« Si les enjeux de communication sont réglés, il y a moins d’enjeux relationnels. »

- Martin Prévost, directeur de la formation chez Neuro Plus

Cela implique de demander comment la personne souhaite recevoir des compliments, si elle préfère qu’on communique avec elle au téléphone ou en se rendant directement à son bureau.  

Le spécialiste soutient que les personnes autistes peuvent parfois être plus directes, ce qui peut causer certains malentendus. Pour y remédier, il suggère d’en discuter avec la personne concernée pour clarifier le sens de ses paroles, plutôt que de prêter des intentions.  

Pour Lili Plourde, une bonne communication passe aussi par l’écoute du ressenti de l’employé.e. « Ce sont dans les petits gestes du quotidien que la relation va s’effriter, notamment lorsque l’on ne prend pas le temps d’écouter ce que la personne tente de nous dire. »  

Elle réitère l’importance de faire preuve d’ouverture lorsque l’employé.e mentionne une problématique, rappelant le devoir qui incombe à l’employeur de créer un milieu de travail positif. 

Autisme au travail : joindre l’action à la parole

Être ouvert.e à l’idée d’intégrer les salarié.e.s autistes dans le vaste monde du travail est insuffisant pour accorder à cette clientèle la place qui lui revient. Cette volonté est indissociable d’une ouverture face aux accommodements nécessaires pour que leur potentiel soit pleinement mis en valeur.