Sanitation Pashkui : première entreprise autochtone à remporter un Mercure
Des sourires heureux lors du gala des Mercuriades alors que la famille d'Éric Fontaine (au centre) et Philomène (à droite) viennent de recevoir le précieux trophée.
L’histoire de cette PME familiale de 50 employé.e.s située dans la communauté de Uashat mak Mani-Utenam à Sept-Îles*, sur la Côte-Nord, a séduit le jury de la 42e édition du prestigieux concours provincial.
La fondatrice de l’entreprise, spécialisée en entretien ménager, Philomène Fontaine et son fils Éric remportent ainsi le Mercure dans la catégorie PME engagée dans la collectivité.
Sur la scène du Palais des congrès de Montréal, Éric Fontaine, chaudement applaudi, a salué l’auditoire dans sa langue natale, l’innu et a poursuivi son allocution en français. « On est parti de si loin et on est rendu si haut », nous confie-t-il en remerciant chaleureusement les membres de son équipe.
Un contrat à la fois
Les affaires commencent en 2007 alors que Philomène Fontaine désire subvenir à ses besoins. Elle créé une entreprise de services d’entretien ménager, « Pashkui » en l’honneur du surnom de son papa, un concierge très apprécié dans sa communauté.
Mme Fontaine débute par l’entretien des salles communautaires d’Uashat et Maliotenam, une localité située à environ 16 kilomètres de Sept-Îles, explique Éric Fontaine qui travaillait à l’époque, comme chauffeur d’autobus.
Débrouillarde, elle achète son matériel d’entretien dans les magasins à 1 $. Au fil des ans, elle crée son propre produit de nettoyage qui répand une bonne odeur de sapinage. Le nettoyant s’appelle JBF51, en référence à son père, Jean-Baptiste Fontaine, décédé à l’âge de 51 ans.
Peu à peu, les contrats affluent dans les écoles, garderies, entreprises comme Pêcheries Uapan et même le restaurant Cora, fermé depuis. « Sa réputation s’est bâtie un contrat à la fois », confie Éric.
De son côté, la directrice de la Chambre de commerce de Sept-Îles Uashat mak Mani-Utenam Jessica Bélisle ajoute que Philomène désirait que les membres de sa communauté se sentent utiles. « Elle voulait leur donner un sentiment de fierté », précise-t-elle.
Dévouement
L’entreprise connait un point tournant en 2010 au moment de l’obtention d’un important contrat à Fermont sur un chantier minier. « Nous avions alors deux complexes totalisant 200 chambres à nettoyer. On s’est fait connaitre grâce à nos employé.e.s dont 90 % sont d’origine innue. C’est grâce à ces personnes qu’on obtient aujourd’hui cette reconnaissance », explique Éric.
L’excellence de leur réputation a permis de décrocher en 2018 un autre prestigieux mandat pour l’entretien des bâtiments, des dortoirs et cafétérias à la mine de fer du lac Bloom, soit Minerai de fer Québec.
L’équipe formée d’Éric Fontaine et d’une cinquantaine de travailleur.se.s d’Uashat mak Mani-Utenam relève tout un défi. D’abord, ils et elles prennent l’avion en étant à la merci des caprices de la météo. Le mercure peut chuter jusqu’à -49,5 °C et il peut tomber jusqu’à 20 pouces de neige ! L’équipe reste sur le site de la mine durant 14 jours. « Ce n’est pas toujours facile. C’est long pour nous et nos familles », confie Éric.
Heureusement, la télévision est là pour se divertir et regarder, entre autres, les matchs de hockey du Canadien.
LE SAVIEZ-VOUS ?
La Côte-Nord est la 2e plus grande région du Québec en superficie
Le taux de chômage est de 4,8 %
40 % de la population autochtone de la Côte-Nord a moins de 14 ans
Aucun cas de Covid-19
Les grandes industries du domaine minier se soucient de la sécurité et de la santé du personnel, particulièrement en temps de pandémie. D’ailleurs, des formations supplémentaires ont été offertes au personnel de Paskuit pour prévenir une éventuelle éclosion.
En réalité, la minutie, l’expertise en désinfection et le savoir-faire de l’équipe ont fait la différence. Aucun cas de Covid-19 n’a été recensé. Une fierté pour chacun des membres de l’équipe.
Fierté
Le mot fierté se dit « Ashineun » en innu. C’est le nom du prix que la mère et le fils ont gagné lors du Gala de la Chambre de commerce de Sept-Îles Uashat mak Mani-Utenam, en mai 2021. En recrutant 50 employé.e.s de la communauté, les dirigeants désirent les aider dans leur accomplissement et cheminement personnel.
« Ce qui nous a marqué, c’est leur politique zéro alcool, zéro drogue sur le site de Fermont. Une mesure appréciée des employé.e.s », mentionne Jessica Bélisle, directrice de la Chambre de commerce de Sept-Îles Uashat mak Mani-Utenam.
« L’entreprise leur offre un salaire concurrentiel, de bonnes conditions, mais surtout elle leur permet de donner un sens à leur travail, à leur vie et de les rendre fièr.e.s de leurs origines innues », spécifie-t-elle.
En entrevue, Éric Fontaine mentionne être un homme timide et témoigne de sa gratitude pour l’obtention du prix Mercure. Une agréable surprise. Depuis ce temps, l’entreprise Sanitation Pashkui reçoit de nombreuses sollicitations par courriel ou téléphone.
« De nouvelles entreprises naissent car il y a des opportunités dans la communauté. Les Autochtones les saisissent et deviennent maîtres de leur destinée. »
« Je pourrais accepter bien des offres, mais j’ai peur de tomber en flèche, illustre-t-il. Je ne veux pas être gourmand, et nous avons déjà 3 contrats d’entretien à la mine du Lac Bloom. »
Des discussions sont en cours concernant le renouvellement de ce partenariat pour les cinq prochaines années. « Je pense souvent à mon grand-père et combien, il serait fier de nous. On essaie d’aller plus loin pour mes enfants, Érica, Sam et Napessiss afin qu’on puisse poursuivre avec la relève, soit de génération en génération », dit-il.
Les projets ne manquent pas dont la fameuse commercialisation de leur produit nettoyant JBF51 et l’ouverture d’une buanderie commerciale dans la communauté de Uashat mak Mani-Utenam afin de répondre à la demande grandissante des grandes industries.
Sur la Côte-Nord, le succès de Sanitation Pashkui donne des ailes à d’autres Innu.e.s qui souhaitent marcher sur leurs traces. « C’est le début d’une nouvelle ère. Les Innu.e.s ont des idées et développent des projets qui sont à leur image. Surtout, ils voient plus grand que la communauté », mentionne Mme Bélisle, de la Chambre de commerce locale.
« De nouvelles entreprises naissent car il y a des opportunités dans la communauté. Les Autochtones les saisissent et deviennent maîtres de leur destinée », conclut-elle.