Comment améliorer l'entrée en poste d'un employé autochtone
Crédit photo : Mathieu Dupuis
Avant d’amorcer le processus d’embauche, certains dirigeants ou gestionnaires en ressources humaines estiment important d’apprendre à connaitre la culture et l’histoire autochtone.
Des organismes comme la Commission de développement des ressources humaines des Premières Nations du Québec (CDRHPNQ) proposent des ateliers de sensibilisation ainsi que des subventions pour favoriser leur embauche. «Nous accompagnons les entreprises qui cherchent à intégrer des employés des Premières Nations. On leur donne des idées, des pistes à suivre, mais on est aussi là pour les aider à mieux comprendre leur réalité et la meilleure façon d’y parvenir, c’est d’ouvrir le dialogue avec eux», indique Sylvain-Nicolas Bourgeois, conseiller en communication de l’organisme.
1. Ouverture et engagement
L’entrepreneure Mélanie Paul précise qu’il faut être conscient que les autochtones ont une culture distincte, des façons de faire et de penser différentes. Leur intégration en entreprise va de pair avec une ouverture d’esprit. « On s’assure que les gens qui travailleront avec la personne autochtone soient aussi accueillants que le dirigeant ou le gestionnaire », recommande-t-elle.
« Il faut l’engagement de la haute direction ainsi qu’une bonne dose de communication et collaboration afin que le processus d’intégration fonctionne bien », ajoute Wanda Lafontaine, représentante des partenariats en employabilité de la CDRHPNQ.
De son côté, Maryse Boily, responsable du recrutement chez Mishkau Construction suggère une rencontre virtuelle (en temps de pandémie) avec le nouvel employé et ses coéquipiers. «Sans doute, dit-elle, l’employé innu est plus à l’aise avec un marteau qu’un micro, mais je souhaiterais l’entendre parler de sa réalité, de sa culture au lieu que ce soit quelqu’un de l’extérieur qui vient faire une session de sensibilisation.»
De cette façon, cela créé aussi un sentiment de fierté et d’appartenance, croit Mme Boily qui est originaire de la communauté innue de Mashteuiatsh, près de Roberval.
2. Parrain ou marraine
Plusieurs membres des Premières Nations apprennent de façon holistique, c’est-à-dire qu’ils apprennent par la pratique, l’observation. C’est pourquoi Mme Lafontaine suggère d’assigner un parrain ou marraine ou un mentor pour accompagner l’employé. « Cela augmente grandement les chances de réussite», dit-elle.
Au Québec, on compte 31 centres qui accompagnent les employeurs quant à l’intégration des autochtones au sein du milieu du travail. « En donnant une chance aux Premières Nations de se faire valoir, il n’y a pas de déception et le succès arrive par lui-même », explique Alain Francis, agent de suivi de la CDRHPNQ.
Dans la région de Québec, il voit de belles réussites. Une Autochtone de 49 ans, par exemple, est retournée aux études afin de devenir chauffeuse de camion.
3. Respect
Comme tout le monde, les Autochtones travaillent pour améliorer leur qualité de vie. «Honnêtement, la meilleure façon de les intégrer, c’est de les traiter avec respect, sans différence avec les autres. De la minute que tu suggères qu’ils sont différents, cela créé une barrière », croit pour sa part Anoop Singh, vice-président développement stratégique et estimation chez Bird Construction.
4. Gagner la confiance
De son côté, Maryse Boily de Mishkau Construction mentionne l’importance de développer une relation durable. « Il faut gagner la confiance petit pas à petit pas, pense-t-elle. Il faut poser des questions : est-ce que je t’ai donné assez de tâches ? Quand tu les auras maitrisées, je t’en offrirai d’autres.»
La fondatrice d’AKUA Nature abonde dans le même sens. « L’accueil et l’intégration d’un Autochtone en milieu de travail passe par la création de liens qu’on appelle la «sécurisation culturelle». Le côté humain, relationnel, est très important, il faut bâtir une relation de confiance», explique Mélanie Paul.
Aujourd’hui, des membres des Premières Nations s’illustrent dans les sports, les arts, les études ou obtiennent une promotion comme Karla Mathias, technicienne de laboratoire dans une pharmacie à Malartic.
La jeune femme souhaite à son tour offrir son aide pour les intégrer en plus grand nombre sur le marché du travail. Elle déplore les statistiques concernant le taux élevé de chômage des Autochtones. « Cela m’attriste quand j’entends que certains croient que personne ne va les embaucher. On dirait qu’ils ont peur que ça ne fonctionne pas ou pire, de connaitre un échec.»
Plus jeune, elle avoue avoir ressenti ce sentiment. « Encore aujourd’hui, je ressens parfois ce manque de confiance, même si je sais que je fais un bon travail », confie-t-elle.
« L’important, dit la jeune Algonquine, c’est de nous donner une chance de nous connaitre et nous découvrir. »
En engageant un employé issu des Premières Nations au Québec, cela contribue à rehausser leur propre estime personnelle et à croire en leur potentiel.
L’entrepreneure Mélanie Paul, originaire de Mashteuiatsh, près de Roberval, au Lac-Saint-Jean, a commencé sa carrière comme intervenante sociale. « J’ai réalisé que c’est par la création d’emplois qu’on peut changer les choses. On aide une personne quand on l’emmène à faire quelque chose qui lui donne un sentiment de fierté et du coup, on brise cette roue de dépendance et de pauvreté. »
5. Culture autochtone spécifique
Chacune des 10 communautés des Premières Nations possède sa propre spécificité en termes d’histoire, de langue, de territoire, de tradition et même de gastronomie. On retient que les Autochtones se distinguent par certains traits de comportement ou de caractère.
- La discrétion est un signe de respect.
- La modestie est une vertu fort prisée. Certains non Autochtones vont perçoivent cela comme un manque d’ambition.
- Le rire ne constitue pas un manque de sérieux.
- Les valeurs familiales sont prioritaires.
- Le silence signifie une amorce de réflexion chez l'Autochtone.
Les femmes sont de plus en plus présentes sur le milieu du travail. Certaines quittent momentanément la communauté pour étudier ou occuper un emploi. « La famille, ce n’est pas juste le père, la mère, l’enfant; ce sont aussi les tantes, cousins, grands-parents. Le tissu familial est très fort », indique Wanda Lafontaine.
Les activités traditionnelles dont la chasse, la pêche et le rôle d’ainés sont importants. Au temps de la chasse, plusieurs vont prendre des vacances pour pratiquer leurs traditions.
En savoir plus
Ressources : Commission de développement des ressources humaines des Premières Nations du Québec (CDRHPNQ): l’organisme contribue à l’épanouissement personnel et professionnel des Premières Nations en les accompagnant dans leur cheminement vers l’emploi et aide les entreprises à accueillir à la main-d’œuvre autochtone dans ses 31 centres situés dans 27 communautés des Premières nations et dans 4 villes du Québec (Montréal, Québec, Val d’Or et Sept-Îles.)
Livre sur l’Insertion sociale et professionnelle des travailleurs autochtones: Écrit par Émilie Deschênes, professeure à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), l’ouvrage a été rédigé en collaboration avec la CDRHPNQ et l’Institut national des mines du Québec (INMQ).
Ce livre, lancé le 2 février dernier, offre des pistes pour réussir l’insertion sociale et professionnelle des travailleurs autochtones au sein des entreprises québécoises et suggère des outils concrets pour en évaluer la réussite.
Ce qu'il faut savoir:
29 % d’augmentation
De 2011 à 2016, la population autochtone est passée de 140 915 à 182 890 au Québec, une augmentation de près de 29 %, alors que la population totale ne progressait que de 3 %.
D’ici 2036, selon les projections de Statistique Canada, les Autochtones québécois contribueront à hauteur de 9 % à la croissance démographique. Selon Statistique Canada, les autochtones sont subdivisés en catégories : les Premières Nations, qui représentent plus de 58 % des Autochtones, les Métis, qui forment 35 % du groupe, et les Inuits, qui composent 3,9 % des peuples autochtones.