Plan de contingence et diversification : anticiper pour mieux résister

20-10-2025
Thématiques : Planification et processus  -  Article informationnel
Dans le monde des affaires, il est crucial de préparer un plan en cas de vent contraire ou pire, de tempête imprévue.
Annie Bourque

Auteur.e

Annie Bourque, rédactrice
chez Pratiques RH

Groupe de gens d’affaires réunis pour un plan d’affaires Analysez le graphique et le graphique de croissance de l’entreprise pour planifier l’expansion de l’entreprise.

À l’heure actuelle, les expert.e.s de la firme Raymond Chabot Grant Thornton déplorent cette période d’incertitude économique qui freine de nombreux projets et, par ricochet, la gestion de la main-d’œuvre. L’impact est tangible.  

« Des investissements sont mis sur la glace et des commandes destinées aux États-Unis demeurent en suspens », observe Sylvain Corbeil, associé au développement corporatif et des affaires au sein de l’entreprise montréalaise.  

Dans ce contexte, plusieurs organisations doivent jongler avec des décisions délicates : comment maintenir la mobilisation et la rétention du personnel quand les perspectives se brouillent ? Et comment planifier la relève dans un climat aussi incertain ? 

Le plan de contingence : essentiel en période critique

De là, l’importance de planifier en amont et d’être prêt. « Même si le plan est imparfait, cela permet de réagir plus rapidement plutôt que d’attendre à la dernière minute », fait valoir Vincent Cartier, associé en conseils de management chez RCGT lors d’un webinaire intitulé Naviguez dans l’ère Trump 2 : créer votre plan de résilience.  

De plus, l’expert conseille d’envisager différents scénarios. « Le plus difficile ajoute-t-il, c’est de prévoir l’imprévisible. Il faut se poser la question : qu’advient-il si notre entreprise est confrontée à telle situation ? Enfin, il est important de réfléchir aux impacts directs et indirects pour les clients, les fournisseurs et le personnel. »  

Le plan de contingence c’est quoi ?

Aussi appelé plan B ou encore plan d’urgence, il permet d’adopter des mécanismes, procédures ou actions à suivre lors d’un contexte difficile ou de perturbations.  

Pourquoi un plan d’urgence ? En réalité, il s’agit d’un cadre de référence. Du coup, le plan permet de poser les bonnes questions : « on avait prévu tel gain financier avec tel projet d’expansion. En ce moment, où en sommes-nous ? »  

Les 4 éléments d’un plan d’urgence

La préparation d’un plan de contingence se compare à un tableau de bord qui doit être clair et partagé. Ainsi, l’organisation garde un œil sur 4 indicateurs essentiels : les opérations, les finances, la conformité et l’aspect stratégique. 

1. Visualiser les opérations 

Les opérations concernent la chaine d’approvisionnement et de production. En cette période d’imposition de tarifs douaniers, les entreprises doivent repenser leurs circuits logistiques. « Il devient essentiel d’anticiper les perturbations et d’envisager des fournisseurs alternatifs », souligne Sylvain Corbeil.  

2. Gérer les risques financiers

Le plan de contingence illustre comment les organisations se préparent à faire face aux enjeux financiers : retards de paiement, fournisseurs fragilisés ou clients en difficulté. 

En affaires, il est crucial d’être payé pour les produits ou la qualité de services rendus. L’expert en finances Sylvain Corbeil recommande de recourir à l’assurance-crédit commercial qui devient une alternative intéressante en cas d’insolvabilité.  

  • Conseil 1 : avoir une bonne discussion avec sa ou son banquier afin de connaître son niveau de patience et de tolérance.  
  • Conseil 2: revoir la profitabilité des services et produits,pour identifier ceux qui le sont moins, suggère Vincent Cartier

3. Assurer la conformité réglementaire et fiscale

Il est essentiel que les PME saisissent l’impact et la réglementation concernant la fiscalité et l’application des tarifs douaniers. M. Cartier recommande d’assurer une vigie contractuelle avec les client.e.s et les fournisseur.euse.s.  

L’ouverture vers de nouveaux marchés comporte des risques; d’où l’importance de connaître l’aspect concurrentiel et demander l’avis d’avocat.e.s et fiscalistes avant de se lancer.  

4. Définir l'aspect stratégique

Cela consiste pour les entrepreneur.e.s à identifier les risques, fixer les objectifs clairs et développer des stratégies adaptées aux différents scénarios possibles. 

Les étapes essentielles d’un plan de contingence 

La plupart du temps, les gestionnaires et chef.fe.s d’entreprises désirent créer un plan d’urgence. Toutefois, plusieurs ignorent par où commencer.  

Maxine Tétreault-Robert, directrice principale, conseil en transformation des affaires chez RCGT, propose 4 étapes.  

1. Penser autrement pour franchir les embûches  

Cela peut être par exemple « d’oser réduire les dépenses discrétionnaires qu’on continue de faire même si on ne sait pas exactement à quoi elles servent. »  

La spécialiste recommande aussi de réaménager les ressources. « Est-ce que je mets mes gens et mes équipements aux bons endroits ? », mentionne-t-elle.  

« Faire le ménage de ses actifs, c’est comme trier sa garde-robe : on retire ce qui ne sert plus. »

- Sylvain Corbeil

2. Nommer un responsable du plan

L’experte conseille de désigner un comité de gouvernance (si l’organisation est de grande taille) ou, dans une plus petite structure, une personne responsable du suivi du plan.  

Cette personne doit être capable de lever le drapeau en cas de nouvelles données susceptibles d’influencer les objectifs à atteindre, et de communiquer ses inquiétudes concernant notamment l’aspect financier. 

3. Miser sur la transparence et simplicité

L’organisation doit mettre en place un tableau de bord clair, visible et accessible à l’ensemble de l’équipe.  

4. Contrôler les performances

Durant le vent de face et incidemment de l’application du plan, il faut prendre le temps de mesurer les performances et de dresser un bilan régulier.  

Les dirigeant.e.s doivent se poser les bonnes questions :   

  • Les actions mises de l’avant ont-elles été profitables ?
  • A-t-on atteint nos cibles sur le plan financier et opérationnel ? 

Grâce à ces nouvelles données, l’équipe peut faire évoluer le plan et s’assurer qu’il demeure pertinent. 
Le spécialiste Vincent Cartier revient sur l’importance de suivre une direction claire, rigoureuse et transparente.  « Un plan, dit-il, permet d’avoir un objectif et d’avancer tout en tirant des conclusions nécessaires à la prise d’une bonne décision. »   

« Ne pas planifier, c’est planifier d’échouer. »

- Sylvain Corbeil

Stratégie et diversification des marchés 

Un point important ressort des récents échanges avec les expert.e.s de RCGT : l’importance de mettre en place une stratégie capable d’évoluer selon les opérations, les finances ou l’activité de l’organisation. 

Actuellement, de nombreuses entreprises misent sur la diversification des marchés pour réduire leur dépendance et renforcer leur résilience. 

« La pire chose, c’est lorsque quelqu’un détient votre sort entre ses mains. Ce n’est jamais une bonne chose quand on est entrepreneur·e. Il faut avoir la capacité de se virer de bord et de ne pas dépendre d’une seule et unique source. »

- Sylvain Corbeil

Le saviez-vous ?

« Les trois quarts des revenus des entreprises du Québec inc. proviennent du Canada », souligne Jean-Philippe Brosseau, associé en études économiques chez RCGT.  

  • 50 % du chiffre d’affaires est réalisé au Québec ;
  • 20 % dans le reste du Canada ;
  • 20 % aux États-Unis.

Seulement 7 à 8 % des ventes des entreprises québécoises proviennent du reste du monde.

Des échanges profitables avec l’Ontario 

Chaque année, les entreprises du Québec et de l’Ontario réalisent plus de 50 milliards $ d’échanges commerciaux. À titre comparatif, les affaires conclues entre le Québec et l’État de New York s’élèvent à environ 8 milliards $

« Exporter en Australie, en Asie ou en Europe, cela ne se fait pas en claquant des doigts. Il faut saisir les opportunités afin d’explorer d’autres marchés au Québec et au Canada » conseille M. Brosseau.  

Comment réussir sa stratégie d’exportation 

Avant de se lancer à l’étranger, l’expert recommande de réaliser une étude de marché et de se poser la question : Notre organisation dispose-t-elle des capacités internes nécessaires pour exporter ? 

La prospection vers d’autres provinces ou pays entraîne inévitablement des coûts. « A-t-on la structure financière pour exporter ? Si une entreprise vise un marché à l’international, il faut aussi prévoir un plan de match clair sur le plan financier », insiste-t-il. 

L’exemple des Subversifs en Espagne 

Le 7 mars dernier, un média québécois a évoqué la percée en Espagne de la distillerie Les Subversifs, située à Sorel-Tracy et reconnue pour ses gins et spiritueux de qualité. « Cela fait plusieurs années que nous avons engagé une personne en Espagne qui travaille pour nous de 10 à 15 heures par semaine. C’est très difficile de percer le marché de la grosse distribution », relate le PDG Fernando Baltazar en entrevue avec PratiquesRH.  
Récemment, l’entreprise soreloise s’apprêtait à présenter ses produits chez Costco Espagne, mais le projet a avorté à la suite d’un changement à la direction de l’entreprise. 

De cette expérience, Fernando Baltazar retient que percer un marché étranger demande du temps et des moyens : « Nous avons investi 150000 $ pour exporter aux États-Unis, sans succès. La distribution est souvent contrôlée par de gros joueurs. » 

Son conseil ? « Il faut essayer de percer avec ses propres moyens et éviter de s’endetter. Allez-y graduellement, jusqu’à ce que les gens soient réellement intéressés par votre produit. »  

Développer des alliés et du soutien en affaires 

Partout dans le monde, les entrepreneur.e.s peuvent bénéficier du soutien des délégations du Québec et des chambres de commerce actives dans chaque région de la province et à l’international. 

La firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) compte plus de 54 000 client.e.s dans 140 pays. « On peut vous mettre en contact avec quelqu’un qui a fait les étapes en tentant de pénétrer les marchés convoités », propose Sylvain Corbeil.  

Lui-même a mis en relation un client de la firme RCGT qui exporte ses produits en Ontario avec un autre qui rêve d’y réaliser une incursion. « Les gens s’échangent leurs carnets d’adresses, mais aussi les bonnes pratiques. » D’ailleurs, Fernando Balthazar a très hâte de développer des affaires dans la province voisine.  

Des programmes d’aide pour soutenir la réussite

Les PME peuvent compter sur plusieurs programmes gouvernementaux pour appuyer leurs démarches de diversification et d’exportation : 

  • Programme Essor – Jusqu’au 31 mars 2027, les dirigeant.e.s peuvent accéder à des subventions ou prêts couvrant quatre volets : études de faisabilité, diagnostic numérique d’empreinte durable, internationalisation ou accroissement de productivité. Des prêts pouvant atteindre 10 M$ sont disponibles, notamment pour les projets d’automatisation.
  • Programme Impact commercial d’EDC – Doté d’une enveloppe de 5 milliards $ sur deux ans, ce programme fédéral aide les organisations à explorer de nouveaux marchés hors États-Unis.
  • Programme Frontière d’Investissement Québec – Jusqu’au 31 mars 2026, il soutient les entreprises manufacturières exportatrices touchées par les tarifs américains. Critère : détenir un chiffre d’affaires minimal de 3 M$

Augmenter les ventes au Canada et à l’international

Le programme Panorama d’Investissement Québec propose des prêts de 250 000 $ à 1 M $ pour financer des projets de productivité, notamment l’automatisation, réalisés au Québec. 

Depuis son lancement au printemps, 73 demandes ont été approuvées ou sont en cours d’étude. 

Cet appui financier sert aussi de fonds de roulement pour le démarchage à l’étranger et inclut un service d’accompagnement stratégique

Autres initiatives de financement

  • Initiative Grand V d’Investissement Québec : financement pour les projets d’innovation et de productivité durable.
  • Secteur du bois d’œuvre : depuis le 15 octobre, la BDC facilite l’accès à 700 M $ en prêts ou lettres de crédit.
  • La Caisse (anciennement CDPQ) offre un financement personnalisé pour les moyennes entreprises, avec un investissement minimal de 5 M $ et un accès à son réseau international.
  • Fonds locaux d’investissement (FLI) : jusqu’au 31 décembre 2025, les entreprises touchées par les tarifs douaniers peuvent demander une aide financière auprès des MRC de leur région.
  • Programme  Paresau : destiné aux organisations en difficulté financière, il aide à retrouver la stabilité grâce à des solutions concrètes.