L’innovation et un leadership par l’action : l’exemple de Versailles

Mise en contexte du procédé et de la culture de l’entreprise
Le procédé en place chez Versailles (48) est le jet abrasif (sandblast) qui est un procédé d’origine américaine ayant été importé au Québec par M. Versailles.
La culture de l’entreprise est de ne jamais craindre le changement ni l’innovation. Par exemple, lors de son arrivée, Alain Beaulieu a constaté que le marché de l’industrie lourde était en baisse à cause du pétrole. Par conséquent, la compagnie a osé un virage majeur : celui vers le marché du génie civil. L’entreprise a participé à des projets d’envergure comme la réfection des ponts Charles-De-Gaulle, Jacques-Cartier, Duplessis et Papineau-Leblanc.
Au niveau de la santé et à la sécurité, une implication plus accrue a débuté en 2011 dans l’entreprise. En 2017, l’un des principaux mandats de M. Beaulieu en tant que premier inspecteur au Québec (certifié NACE), était relié à la portion cléricale, c’est-à-dire, la qualité du travail de bureau; l’une des lacunes de l’entreprise. Aujourd’hui, Versailles (48) dispose de huit inspecteurs NACE. Puis, le grand déploiement du programme de formation a eu lieu en 2021. Les objectifs du programme sont : uniformiser le langage, uniformiser les procédures et standardiser les facettes de l’entreprise, que ce soit la portion opérationnelle, la qualité, la santé et la sécurité ainsi que l’environnement. Tous ces éléments permettent à la compagnie d’être plus efficace et plus sécuritaire.
Votre personnel expérimenté, apprenant par observation sans programme de formation détaillé, a-t-il bien accueilli le changement évoqué précédemment ?
Chez Versailles (48), la partie la plus difficile c’est la gestion du changement en lien avec le travail de bureau et l’écriture. Les travailleur.se.s ont de l’expérience pour le travail manuel et physique et appliquent pour des emplois de ce type et non pour la partie cléricale. Par ailleurs, Versailles (48) est sans papier depuis deux ans.
Le rôle de l’entreprise est d’encadrer les travailleur.se.s, incluant les superviseur.se.s, afin de s’assurer que les changements et les améliorations désirés soient appliqués. Le rôle des surperviseur.se.s de l’entreprise est de transmettre la vision de l’entreprise aux travailleur.se.s. Pour ce faire, elles et ils doivent avoir reçu elles-mêmes et eux-mêmes un bon encadrement des dirigeant.e.s. Cette mentalité chez Versailles (48) est d’autant plus importante dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre.
Une personne nouvellement embauchée et expérimentée peut-elle être considérée comme moins à risque (sans nécessité de casque vert) avant 6 mois ? Sur quels critères ?
En fait, le but premier du programme du casque vert est de distinguer la nouvelle ou le nouveau travailleur.se puisque celle-ci ou celui-ci, sans expérience, est donc plus à risque.
Toutefois, il y a une distinction à faire entre la personne nouvellement engagée sans expérience et la personne nouvellement engagée avec de l’expérience. Cette dernière connaîtra, par exemple, le jet abrasif, le fusil à peinture et le travail en espace clos. En complément, il faut questionner la personne sur sa connaissance des processus. La suite logique est de former la nouvelle personne au programme spécifique de santé et de sécurité pour qu’elle saisisse toute l’importance de la culture en santé et sécurité du travail. Pour ce faire, la ou le superviseur.e réalise : une réunion de préparation matinale (RPM) en lien avec le programme de santé et de sécurité spécifique au chantier, une analyse de la sécurité des tâches quotidiennement et un audit hebdomadaire en plus d’un bulletin mensuel en santé et sécurité. Tous ces outils sont discutés à l’ordre du jour lors des rencontres d’équipe, ce que Versailles (48) appelle les Tool Box Meetings dans le but d’améliorer continuellement la santé et sécurité au travail des travailleur.se.s et de s’assurer que les nouvelles personnes engagées soient bien suivies.
En bref, toutes les nouvelles et tous les nouveaux travailleur.se.s sont formé.e.s de la même façon, mais oui, si un.e travailleur.se a beaucoup d’expérience en santé et en sécurité et applique bien les procédures, elle ou il pourrait modifier la couleur de son casque avant six mois suite à une évaluation rigoureuse du comité de santé et sécurité.
Mise en contexte historique de Versailles (48)
L’entreprise a été fondée en 1948 par Paul Versailles qui a grandement été inspiré par son père Joseph Versailles (1881-1931). Ce dernier était propriétaire d’une multitude de terrains dans la pointe de l’île de Montréal et a fondé Montréal-Est en 1910. Il en sera d’ailleurs le maire jusqu’à son décès en 1931. La famille Versailles a donc été au cœur du développement économique de Montréal-Est. Quant à son fils, Paul, il était au départ propriétaire d’une quincaillerie de peinture commerciale et résidentielle, toujours dans Montréal-Est. Afin de répondre aux demandes des client.e.s, Paul Versailles décida de fonder sa propre entreprise Versailles (48) qui se spécialisera dans la peinture résidentielle et commerciale. Avec le temps, de nouvelles demandes industrielles sont arrivées, comme les cheminées (industries pétrolières et des pâtes et papier). Les contrats dans le secteur industriel étant plus rentables, la compagnie laissa tomber les aspects résidentiel et commercial pour se concentrer dans ce domaine. Au fil des décennies, l’entreprise accueillera comme protagonistes Jean Crousset en 1959 qui débuta comme peintre et qui acheta finalement la compagnie quelques années plus tard. Son fils Daniel Crousset en sera également propriétaire pendant 30 ans. En 2007, Alain Beaulieu se joint aussi à Versailles (48). Finalement, en 2017, Alain Beaulieu, Steve Crousset et Yannick Crousset (Steve et Yannick étant les fils de Daniel Crousset) achetèrent l’entreprise.
Pouvez-vous citer des impacts positifs du programme de formation sur l'ambiance de travail et les relations entre collègues ?
Versailles (48) a comme philosophie que la formatrice ou le formateur doit mettre en place des situations qui vont créer un environnement favorable à l’apprentissage du personnel et non l’inverse. Dans le programme actuel, les travailleur.se.s et les superviseur.se.s apprennent à bien se connaître et à mieux déceler les forces de chacun.e. En connaissant mieux son équipe, il est plus facile pour les superviseur.e.s de les placer selon leurs habiletés et leur niveau de compétence. Ainsi, les travailleur.se.s, attitré.e.s à des tâches faisant partie de leurs atouts sont plus efficaces, bonifiant de ce fait l’ambiance de travail et l’efficacité de l’entreprise.
Si c’était à refaire, feriez-vous des choses différemment au niveau de l’implantation du programme de formation?
Oui. Plus précisément, l’entreprise ferait l’implantation des différentes normes ISO.
De plus, pour bien s’assurer du transfert des connaissances, le ratio théorie et pratique doit bien cibler la pratique comme moyen principale d’apprentissage. Il est primordial de développer les habiletés techniques du personnel, mais il est tout aussi important de développer leurs habiletés à travailler avec les tâches à risque. L’humeur des travailleur.se.s et leur confiance envers l’entreprise en sont améliorées.
Avez-vous d’autres projets à court ou à moyen terme afin de continuer de faire vivre votre nouvelle approche auprès de vos travailleur.se.s?
Nous souhaitons nous concentrer sur le virage numérique des processus : formulaires ISO, audits, feuilles de temps et bien d’autres. Le défi est de rendre l’utilisation numérique facile pour tout le monde à l’aide d’un ordinateur ou bien d’une tablette dans le contexte du travail.
Aussi, nous aimerions orienter la santé et la sécurité en temps réel avec le nouvel ERP (Entreprise ressource planning) ou le PGH (Progiciel de gestion intégrée).
Tout ceci facilitera le travail des travailleur.se.s à tous les niveaux dans l’entreprise et permettra à Versailles (48) d’être à jour au niveau technologique.
Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui souhaitent adopter une gestion centrée sur l'humain et la bienveillance ?
Une entreprise qui désire amorcer un virage vers une philosophie de gestion axée sur l’humain et la bienveillance doit tout d’abord avoir un leadership fort et rassembleur. Les leaders doivent rassembler les travailleur.se.s et non les diviser. Parallèlement, elle doit s’assurer que les différents paliers de gestion comprennent bien le programme afin de mettre en valeur la culture de l’entreprise. Aussi, il est important de donner beaucoup d’autonomie au comité de SST dans le but de régler les différentes problématiques en milieu de travail Pour Alain Beaulieu, le secret en santé et en sécurité est l’écoute et l’observation.
Il faut aussi voir la SST comme quelque chose qui concerne tout le monde dans la compagnie. En ce sens, le succès réside dans l’implication de toutes et tous les travailleur.se.s. Également, il est primordial d’être en mesure de s’autoévaluer en tant qu’entreprise et de se remettre en question. Dans cet ordre d’idées, les gestionnaires doivent être constamment à la recherche de solutions aux différents défis.
Par exemple, il y a présentement une problématique au niveau du bruit. Le défi de l’entreprise est d’atténuer le bruit pour les travailleur.se.s tout en considérant leur équipement de protection approprié selon les tâches à effectuer. Lorsque le niveau de décibels est trop élevé (norme de 85 décibels), les travailleur.se.s ne sont plus en mesure de se protéger au niveau sonore. Présentement, les seuls équipements possibles sont les bouchons à insérer dans les oreilles et d’utiliser des coquilles comme double protection, mais c’est physiquement impossible avec les équipements de protection individuel comme la cagoule. Plusieurs pistes de solutions s’offrent à l’entreprise, il reste à voir laquelle ou lesquelles elle mettra en application.
Finalement, Alain Beaulieu soutient que la formation RBQ est un atout pour les entreprises.
En bref, le leadership d’une compagnie passe par ses actions concrètes.