Congé maladie : les clés d’une réintégration au travail réussie
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Le retour au travail après un congé de maladie n’est pas toujours chose facile pour un.e salarié.e. Reprendre le rythme d’une journée au bureau, répondre aux attentes en matière de performance et faire à nouveau face aux responsabilités professionnelles peuvent devenir une source d’anxiété et causer de l’appréhension.
En tant qu’employeur, qu’est-il possible de faire pour favoriser l’intégration de l’employé.e de retour au travail à la suite d'un congé de maladie ?
Préparer en amont le retour de l’employé
Dominique Jodry-Lapointe, conseillère en emploi et aux entreprises chez GIT Services-conseils en emploi, souligne l’importance d’avoir prévu les accommodements nécessaires pour favoriser une bonne réintégration de l’employé.e au sein de l’entreprise.
« S'il y a eu des demandes d’accommodements de la part de l'employé.e, idéalement, on essaie d'avoir les réponses en main avant que la personne revienne », précise-t-elle.
Annie La Pensée, conseillère en développement organisationnel chez Groupe Humanova, est également d’avis que les ajustements à cet égard doivent être prévus avant le retour de l’employé.e.
« Deux semaines avant, organiser une rencontre avec le ou la salarié.e permet de savoir s’il y a des aspects du travail qui doivent être adaptés pour favoriser la mobilité ou des besoins particuliers en matière d’ergonomie. Parfois, établir un plan personnalisé peut s’avérer nécessaire. »
- Annie La Pensée, conseillère en développement organisationnel
Si l’entreprise possède un comité de santé et sécurité au travail, il peut s’occuper de l’adaptation du poste de travail, soutient-elle. Elle précise que celui-ci peut également aider le ou la salarié.e à obtenir du soutien psychologique auprès de ressources en santé mentale, si nécessaire.
Dans le cas où un retour progressif est prévu, Dominique Jodry-Lapointe évoque qu’il est essentiel de prendre connaissance des conditions qui l’entourent.
« Quelles vont être les conditions de travail, les impacts possibles sur le travail de l’employé.e ? Est-ce qu’il y a des absences à prévoir ? » font partie des questions qui doivent être mises sur la table.
Préparer le retour d’un.e employé.e consiste également à prévoir un accueil chaleureux lors de la première journée. « L’employeur peut mettre un petit mot de bienvenue à son poste de travail et inciter les collègues à prendre de ses nouvelles », mentionne Annie La Pensée.
Si le retour survient après une absence prolongée et que l’entreprise possède un guide d’accueil ou d’intégration, l’experte suggère de l’utiliser.
Travailler en collaboration avec la personne de retour en poste
« Il est judicieux d’impliquer l’employé.e dans son plan de retour », relève Dominique Jodry-Lapointe.
En effet, la spécialiste précise qu’il est pertinent de solliciter le ou la travailleur.se avant son retour en poste pour récolter ses questions ou préoccupations, en plus de discuter des détails plus pratiques comme la date de retour.
« Les mesures d’adaptation demandées peuvent ne pas être applicables en raison de certains impératifs. Dans ce cas, il faut le dire tout de suite, puis essayer de trouver idéalement d’autres possibilités avec l’employé.e. En l’impliquant dans ce processus, il y a plus de chances que ces mesures rencontrent le succès espéré », précise-t-elle.
Miser sur la formation et le développement des compétences
Il est impératif de non seulement planifier les besoins en formation et remise à niveau, mais également d’éviter de les déléguer entièrement aux collègues, exprime Mme Jodry-Lapointe.
« Il y a peut-être de nouveaux logiciels qui sont désormais utilisés, est-ce qu’ils nécessitent une petite formation pour être bien maîtrisés ? fait valoir également Annie La Pensée. Des formations supplémentaires pour mieux s’adapter aux nouveaux outils, programmes ou départements peuvent favoriser l’intégration d’un.e employé.e. »
Accompagner l’employé dans ses nouvelles fonctions
Dominique Jodry-Lapointe mentionne qu’il faut prévoir un encadrement favorisant la réinsertion dans un nouveau poste si le travailleur ou la travailleuse ne peut pas retourner à ses anciennes fonctions.
« S’il y a un changement de rôle qui est prévu, que la personne revient et ne peut plus faire ce qu’elle faisait ou bien si elle a de nouvelles responsabilités, il faut prévoir de la formation. »
- Dominique Jodry-Lapointe, conseillère en emploi et aux entreprises
Un changement de poste n’est pas anodin. Cela ajoute à cette transition la nécessité d’assister la personne à travers l’acquisition de nouvelles compétences, la compréhension de ses nouvelles tâches, voire la prise de contact avec sa nouvelle équipe, comme s’il s’agissait d’une nouvelle recrue.
« Cela va être beaucoup plus sécurisant pour les salarié.e.s pour qui l’emploi change complètement à leur retour », insiste l’experte.
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De la rétroaction pour s’assurer d’une bonne intégration
Dominique Jodry-Lapointe met l’emphase sur le fait qu’il peut être rassurant pour l’employé.e de savoir que son.sa gestionnaire va effectuer des suivis régulièrement.
« C’est à l’employeur de prendre l’initiative de mettre en place ce type de suivi, car le ou la salarié.e pourrait être réticent.e à le faire afin de ne pas être vu.e comme un.e employé.e à problèmes ou une charge supplémentaire », indique-t-elle.
Afin que la rétroaction soit bénéfique, elle précise qu’il convient de « fixer quelques moments à l’agenda et de s’informer auprès de l’employé.e de son besoin en ce qui concerne la fréquence et le contenu de ceux-ci ».
De son côté, Annie La Pensée suggère de prévoir une rencontre après la première ou deuxième semaine, puis une à chaque mois. Selon elle, ces rencontres seront essentielles pour savoir si des changements doivent être apportés pour que l’employé.e se sente autonome dans ses fonctions.
Elle fait également valoir que la présence d’un.e mentor.e en entreprise peut grandement aider le ou la salarié.e à se réadapter, particulièrement si cette personne est partie en raison d’un épuisement professionnel. « Si le ou la gestionnaire n’a pas le temps nécessaire pour pouvoir répondre à ses questions, il est possible de désigner quelqu’un dans l’équipe pour le faire, et ainsi favoriser son intégration. »
Il est aussi possible d’opter pour un.e accompagnateur.trice provenant de l’extérieur de l’organisation. « Un.e consultant.e externe peut accompagner l’employé.e pour qu’il ou elle développe de nouvelles façons de s’intégrer. »
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Donner le temps à l’employé de reprendre le rythme
Difficile de reprendre le rythme qu’implique une journée de travail après un congé d’invalidité ! « Il faut avoir des attentes réalistes et donner le temps à la personne de se placer », dit Mme Jodry-Lapointe.
Adopter cette attitude est essentiel pour la mettre à l’aise. L'experte conseille aux gestionnaires d’être sécurisant.e.s par rapport au rendement attendu de sa part durant les premières semaines de retour au travail.
« Le but, c’est d’éviter la surcharge d’un.e employé.e qui revient dès la première journée afin de lui laisser le temps de se réadapter. Verbaliser votre compréhension face à son temps d’adaptation et tenir compte du fait que la personne aura peut-être plus de questions et de difficultés qu’avant contribueront à le ou la mettre plus à l’aise. »
- Dominique Jodry-Lapointe, conseillère en emploi et aux entreprises
Respecter la confidentialité
Il peut être tentant de donner des nouvelles de l’employé.e absent.e à son équipe. Toutefois, il est crucial de respecter la confidentialité des informations transmises par l’employé.e concernant sa santé et les raisons de son absence.
« C’est essentiel que le.la gestionnaire soit clair.e avec l’employé.e concernant ce qu’il ou elle souhaite être divulgué ou pas. Puis, quand les collègues s’informent du bien-être de la personne absente, on ne divulgue seulement que le nécessaire », souligne la conseillère en emploi et aux entreprises.
Lors de son retour, Annie La Pensée incite à faire preuve de retenue au moment de discuter en sa compagnie et « d’éviter les questions trop personnelles et de tomber dans le jugement ».
Retour progressif ou pas : la réintégration doit être adaptée à chacun
Lorsqu’un retour progressif est prévu, Dominique Jodry-Lapointe spécifie qu’il faut adapter les heures et les journées de travail afin que la personne puisse reprendre graduellement les tâches à accomplir, tout en tenant compte de la charge de travail, de sa nature et des limitations éventuelles.
En savoir plus
« Si un.e employé.e revient au travail après un épuisement professionnel, il devient encore plus important de lui accorder un retour progressif, même si celui-ci peut s’avérer parfois difficile à implanter », soutient-elle.
Elle relève que ce type de réintégration n’est pas toujours la solution adaptée pour tout le monde. « Il n’y a pas de réponse définitive sur la pertinence d’un retour progressif, en ce sens qu’il y a une variabilité individuelle à ce niveau. »
En effet, elle mentionne que certaines personnes vont déclarer ne plus être capables d’être à la maison et avoir besoin de retrouver leurs occupations professionnelles comme avant, alors qu’un retour trop rapide dans l’action peut ne pas convenir à d’autres.
Dans le cadre d’une étude menée par Ipsos pour la Sun Life en juillet 2023, 500 employeurs canadiens dont les employé.e.s ont été en congé d’invalidité ont été sondés, ainsi que 300 employé.e.s ayant vécu ce type d’absence. Voici deux conclusions intéressantes.
- 44 % des employé.e.s ont bénéficié d’un plan d’adaptation pour leur retour au travail, alors que 95 % de ce groupe ont jugé cette mesure utile.
- 50 % des employé.e.s ont bénéficié d’un retour progressif au travail, alors que 93 % de ceux-ci et celles-ci considèrent que cette mesure fut utile.
Planification soignée, réintégration assurée
S’il est vrai qu’un retour au travail apporte son lot de stress pour l’employé.e qui se rétablit depuis plusieurs mois à la maison, sa bonne planification de la part de l’employeur peut faire toute la différence, être gage de mobilisation et de rétention.
Travailler de concert avec le ou la salarié.e est certainement la clé de la réussite pour que ce retour soit un renouveau menant à de nouveaux succès !