Parole d’expert : « L'employeur ne peut pas congédier la personne ou la pénaliser autrement en raison de la prise de son congé. »
Karine Dutemple, rédactrice
chez Pratiques RH
Comment la Loi sur les normes du travail encadre-t-elle la prise d’un congé de maladie par un.e salarié.e ? Quelles sont les obligations qui incombent à l’employeur et à l’employé.e lorsque cet arrêt de travail s’impose ? Me Valérie Descôteaux, avocate chez Loranger Marcoux, nous éclaire sur ce sujet.
PRH : Quels sont les types d’absence couverts par la Loi sur les normes du travail ?
Me Valérie Descôteaux : La Loi sur les normes du travail fixe les normes minimales à respecter en matière de congé de maladie. Évidemment, rien n'empêche d’offrir davantage par contrat de travail ou convention collective.
Contrairement à d’autres lois qui définissent le terme « maladie », cela n’est pas le cas dans celle-ci. L’absence pour cause de maladie vise vraiment toute absence liée à un problème de santé physique ou mentale, une blessure ou un accident qui va empêcher la personne d'effectuer sa prestation de travail.
La maladie ou le motif de l’absence ne doit pas être lié au travail. Autrement, cela concerne la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.
Les absences pour cause de maladie sont mentionnées à l'article 79.1. À cet article, le législateur a également prévu d'autres types d'absences qui ne sont pas des maladies en soi, mais qui disposent des mêmes protections : les absences pour don d'organe ou de tissus à des fins de greffe, pour cause de violence conjugale ou de violence à caractère sexuel.
Ressource utile :
PRH : Pendant combien de temps une personne peut s'absenter du travail pour un congé de maladie ?
V.D. : La personne salariée peut s'absenter pour une période d'au plus 26 semaines sur une période de 12 mois pour cause de maladie.
Quand l’absence maladie résulte d’un acte criminel ayant causé un préjudice corporel grave, la protection se prolonge à 104 semaines. L’absence durant 26 semaines est le cas le plus souvent rencontré.
Durant cette période, la personne va bénéficier d'une protection contre des mesures de représailles. Cela signifie que l'employeur ne peut pas congédier la personne ou la pénaliser autrement en raison de la prise de son congé.
Toutefois, ce congé de 26 semaines n'est pas une protection contre toute fin d'emploi potentielle. Par exemple, si l'employeur souhaite effectuer une restructuration durant cette période pour un motif légitime et que la personne se retrouve à perdre son emploi, il est dans son droit.
S’il est vrai que l'absence est protégée pour une durée de 26 ou 104 semaines, cela ne signifie pas que l’employeur peut automatiquement mettre un terme à l’emploi suivant l’une ou l’autre de ces périodes. En effet, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, l’employeur a une obligation d'accommodement.
Ce qu’il faut garder en tête, c’est que la personne va perdre certaines protections spécifiques prévues dans la Loi sur les normes du travail si le congé se poursuit au-delà de l’absence protégée de 26 ou 104 semaines.
PRH : Qu'en est-il de la rémunération du salarié durant son absence ?
V.D. : Selon la Loi sur les normes du travail, la personne salariée qui s'absente pour maladie a droit à 2 congés payés par année si elle justifie 3 mois de service continu. D’autres types de congé sont prévus comme l'absence pour obligation familiale, l’absence pour agir à titre de proche aidant et celle pour don d'organe ou de tissus.
Si l'employeur a déjà accordé 2 journées payées pour des obligations familiales, il n’aura pas l'obligation de rémunérer les 2 premières journées de congé de maladie parce qu'il a déjà donné les 2 congés payés.
Cependant, s'il n’a octroyé qu’une journée pour obligation familiale, il va devoir accorder une journée payée pour la première journée de maladie. Pour calculer le salaire, c'est le même mode de calcul que pour les journées fériées.
Donc, le salaire doit être égal au 1/20 du salaire gagné au cours des 4 semaines complètes de paie précédant la semaine du congé. Puis, nous sommes en présence d’un.e salarié.e qui est payé.e en tout ou en partie à la commission, le salaire doit plutôt être égal au 1/60 du salaire gagné au cours des 12 semaines complètes de paie précédant la semaine du congé.
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PRH : Quelles sont les obligations à remplir pour se prémunir d'une absence pour un congé de maladie ?
V.D. : La première obligation de la personne salariée, c'est d'aviser l'employeur le plus tôt possible de l'absence et des motifs de celle-ci.
Depuis le 1er janvier 2025, à la suite de l’introduction du Projet de loi 68 visant à réduire la charge administrative des médecins, la Loi sur les normes du travail interdit expressément à l'employeur d'exiger une pièce justificative pour les 3 premières périodes d'absence de 3 jours de suite ou moins par période de 12 mois.
On débute l'année, l’employé.e s'absente 3 jours en janvier, puis 3 jours en février et 3 jours en mars. Dans ce cas-ci, l’employeur ne peut pas exiger de certificat médical parce que chaque congé était d’une durée de 3 jours ou moins. Puis, la personne était encore à l'intérieur de ses 3 premières périodes d'absence.
Si elle s’absente à nouveau, l'interdiction ne s'applique plus, car il s’agit d’une 4e période d’absence durant l’année. À ce moment-là, l'employeur va pouvoir exiger une pièce justificative si les circonstances le justifient, eu égard notamment à la durée de l'absence ou à son caractère répétitif.
Lorsque l’absence dure plus de 3 jours consécutifs, même s’il s’agit de la première occurrence durant l’année, l’interdiction ne s’applique pas et l’employeur peut donc demander une pièce justificative.
À partir du moment où l'employeur exige un certificat médical et qu'il est dans son droit de le faire, le.la salarié.e doit collaborer et remettre le certificat. Autrement, cette personne peut s'exposer à des mesures disciplinaires ou administratives.
PRH : Est-ce que l'employeur peut s'opposer à accorder le congé de maladie ?
V.D. : Dans la mesure où on est dans l'interdiction de demander une pièce justificative, c'est assez difficile. Cependant, dans certaines situations, l'employeur pourrait intervenir parce que le.la salarié.e a fait une mauvaise utilisation du congé.
Dans une situation où l’employeur peut exiger une pièce justificative, il est possible de questionner si elle est suffisante pour justifier l’absence. Dans certains cas, l'employeur pourrait être amené à contester la validité de ce congé.
C'est un peu plus complexe à ce moment-là, surtout si le médecin affirme que l’employé.e est invalide. Il faudrait que l’employeur fasse faire sa propre expertise.
PRH : Quelles sont les obligations légales que l'employeur doit assumer concernant le congé de maladie ?
V.D. : En plus de l’obligation d’offrir 2 congés payés par année et de respecter les interdictions en lien avec les pièces justificatives, l’employeur ne peut pas congédier le.la salarié.e durant son absence en raison de ce motif. De plus, il doit assurer la confidentialité des informations reçues.
Si l'employeur contribue en tout ou en partie au régime d'assurance collective ou de retraite, il doit continuer d'assumer sa part habituelle des cotisations, dans la mesure où la personne salariée continue d'assumer la sienne. L’employeur doit cotiser comme si l’employé.e était encore au bureau.
Quand le.la salarié.e va revenir de son congé, l'employeur doit réintégrer la personne dans son poste habituel avec les mêmes avantages, comme si elle était restée au travail. Cela s’applique si le poste existe toujours, considérant qu’une personne pourrait perdre son emploi pour d'autres motifs telle qu’une restructuration.
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