Paroles d’experte : « Le congé parental, c’est un droit. »

27-08-2025
Thématiques : Congés et absences Parole d’expert
Devenir parent est certainement une grande étape à franchir ! Cette transition implique des rendez-vous à prendre, mais aussi la nécessité de s’absenter du travail et de prendre divers congés.
Rédigé par :
Karine Dutemple, Pratiques RH
Congé parental

Comment la Loi sur les normes du travail encadre-t-elle les protections dont bénéficient les employé.e.s qui s’apprêtent à fonder une famille ?

Nathalie Roxbourgh, conseillère stratégique en normes du travail à la CNESST, nous éclaire sur le cadre normatif autour des congés parentaux, de maternité et de paternité au Québec.

Les congés parentaux, de maternité et de paternité

PRH : Qu’est-ce que prévoit la loi en matière de congés destinés aux nouveaux parents ?

Nathalie Roxbourgh : Il faut faire une distinction entre le Régime québécois d’assurance parentale et les normes du travail. Le premier est un régime de remplacement du revenu pour les nouveaux parents. Ce n’est pas la même chose que ce qui est prévu dans la Loi sur les normes du travail.

Cette dernière prévoit une série de congés pour la naissance d’un enfant, son adoption ou pour effectuer le suivi d’une grossesse. Cela concerne la personne qui donne naissance, mais également l’autre parent.

Ce que la Loi sur les normes du travail donne, ce sont des protections. Une femme enceinte a le droit de s’absenter autant de fois que cela est nécessaire pour des examens liés à sa grossesse et elle bénéficie d’un congé de maternité.

 

Congé de maternité

Congé de paternité ou pour la personne qui n’a pas donné naissance

Congé parental (pour naissance ou adoption)

Partageable ou non

Non

Non

Oui

Pour qui ?

Mère de l’enfant ou personne qui a porté l’enfant pour autrui

- Père ou parent qui n’a pas donné naissance 
- Personne qui adopte 
- Parents inscrits à l’acte de naissance dans le cadre d’un projet de grossesse pour autrui

Parents inscrits à l’acte de naissance de l’enfant (incluant la grossesse pour autrui)

Durée du congé

18 semaines *(2 semaines de plus sont allouées après l’accouchement si les 18 semaines sont utilisées.)

5 semaines

65 semaines pour les deux parents

Quand peut-il débuter ?

À partir de la 16e semaine avant l’accouchement

À partir de la semaine de naissance de l’enfant

Après la prise du congé de maternité, de paternité ou celui destiné à la personne qui n’a pas donné naissance

Quand doit-il se terminer ?

Au maximum 20 semaines après l’accouchement

Au maximum 78 semaines après la naissance

Au maximum 85 semaines après la naissance ou l’adoption

Le père ou la personne qui n’a pas donné naissance a droit au congé de paternité, tandis que les deux parents ont droit au congé parental. Ce sont des absences protégées par la loi, sans salaire. Certaines conditions peuvent y être rattachées, comme l’obtention d’un certificat médical pour attester de l’existence d’une grossesse.  

Il y a aussi le congé de maternité spécial prévu pour la grossesse à risque. Pour ce dernier, la femme enceinte peut s’absenter s’il y a un risque pour sa santé ou celle de son enfant selon la période indiquée sur le certificat médical. Il ne faut pas le confondre avec le retrait préventif, lequel s’applique lorsque le milieu de travail ou la nature des tâches à effectuer présente un danger.

Le congé de maternité spécial : comment s’applique-t-il ?

Exemple : Annabelle est enceinte de 7 mois. Pendant un examen de suivi, son médecin détecte un problème qui pose un risque pour la santé de l’enfant à naître. Il lui donne un certificat médical indiquant qu’elle doit se reposer pour les 4 prochaines semaines.  

En présentant ce document à son employeur, Annabelle peut se prévaloir d’un congé de maternité spécial d’un mois.  

Si le risque n’est plus présent après celui-ci, elle pourra retourner travailler. Dans le cas contraire, son congé de maternité débutera 4 semaines avant la date prévue de l’accouchement.

PRH : Comment les congés doivent-ils être accordés ?

N.R. : La personne doit tout simplement aviser son employeur. La prise du congé est un droit, l’employeur n’a pas à l’accorder et ne peut pas s’y opposer. Ce dernier a toutefois le droit d’être informé de la date de début et de fin du congé.

C’est la loi qui prévoit quand le congé peut être pris. Le congé de maternité, par exemple, est un congé de 18 semaines. Il ne peut pas commencer plus de 16 semaines avant la date prévue de l’accouchement.  

Saviez-vous que...

La Loi sur les normes du travail prévoit qu’une femme qui accouche a toujours droit à un minimum de 2 semaines de congé de maternité après son accouchement, ce qui peut prolonger son congé jusqu’à 20 semaines.

Exemple : Marie-Andrée décide de prendre son congé de maternité 16 semaines avant la date prévue de son accouchement et de revenir au travail deux semaines après celui-ci. Or, elle accouche une semaine plus tard que prévu.

Son congé sera prolongé d’une semaine pour qu’elle profite d’un minimum de deux semaines après son accouchement.

Certains ajustements peuvent être pris au moment du retour au travail d’un congé de maternité ou parental. L’un ou l’autre pourrait être devancé si une entente est convenue entre l’employeur et le.la salarié.e.  

En cas d’adoption (ou d’un projet de grossesse pour autrui), un congé de 5 jours, dont les deux premiers sont rémunérés, est prévu pour la naissance. Il s’applique également si la femme enceinte accouche avant le début de son congé de maternité.  

Advenant une adoption, ce congé débute au moment où l’enfant est confié aux parents. Dans tous les cas, il doit être pris dans les 15 jours qui suivent son arrivée. Les personnes qui sont déjà en congé de maternité, de paternité ou parental ne peuvent pas bénéficier de ce congé.

Le congé de 5 jours : à qui s’adresse-t-il ?

Le congé de cinq jours s’applique :

  • à la femme salariée qui accouche avant le début de son congé de maternité ;
  • à la femme enceinte dans le cadre d’une grossesse pour autrui ;
  • à la personne qui adopte un enfant ou l’enfant de son conjoint ou de sa conjointe ;
  • aux deux parents advenant une interruption de grossesse à partir de la 20e semaine ;
  • au parent qui n’a pas donné naissance et qui n’a pas commencé son congé de 5 semaines.

Source : Congé de 5 jours / CNESST  

PRH : Pour les couples homoparentaux, comment la loi s’applique-t-elle ?

N.R. : C’est la même chose. La personne qui a donné naissance va pouvoir se prévaloir du congé de maternité, du congé parental et de ceux liés à la grossesse. L’autre parent va pouvoir bénéficier du congé de paternité ou de celui s’appliquant à la personne qui n’a pas donné naissance.  

PRH : Comment le retour au travail est-il encadré ?

N.R. : Habituellement, la personne donne un avis à son employeur lorsqu’elle part en congé de maternité, de paternité ou parental pour établir la date de son retour. Il peut aussi y avoir des arrangements pour un retour graduel, sous condition qu’une entente soit prise entre l’employeur et le.la salarié.e.

PRH : Quels sont les droits de l’employée en cas d’avortement ou de fausse couche ?  

N.R. : Avant le début de la 20e semaine, la personne peut bénéficier d’une absence protégée de trois semaines. Après le début de la 20e, cela devient un congé de maternité pouvant aller jusqu’à 20 semaines.  

Les litiges en matière de congé de maternité et de paternité 

PRH : Quels sont les litiges rencontrés concernant les congés de maternité ou de paternité ?  

N.R. : Les normes du travail traitent les litiges entourant les pratiques interdites ou les congédiements sans cause juste et suffisante. Une personne peut porter plainte pour pratique interdite si elle estime qu’un employeur a contrevenu à ses droits.  

Les pratiques interdites sont citées à l’Article 122 de la Loi sur les normes du travail : interdiction d’appliquer des sanctions, de suspendre, de discriminer, de déplacer et de congédier une personne pour l’un des 21 motifs prévus.  

Exemples de pratiques interdites en vertu de l’Article 122

  • Congédier une femme en raison de sa grossesse ;
  • Imposer des sanctions à la suite de l’annonce d’une grossesse ;
  • L’application de sanctions à l’égard d’une femme enceinte qui doit s’absenter en raison de rendez-vous médicaux ou de problèmes causés par sa grossesse.

Deuxièmement, une personne peut aussi porter plainte pour un congédiement sans une cause juste et suffisante en vertu de l’Article 124 si elle a deux ans de service continu.  

À son retour au travail après un congé de maternité, de paternité ou parental, la personne doit retrouver son poste habituel avec les mêmes avantages, y compris son salaire. Cependant, elle ne peut pas avoir des avantages supérieurs à ceux obtenus si elle ne s’était pas absentée.  

PRH : Comment les litiges sont-ils traités ?

N.R. : Le processus débute à la suite du dépôt d’une plainte. Que celle-ci résulte d’un congédiement sans une cause juste et suffisante ou d’une pratique interdite, elles vont être traitées de la même façon aux normes du travail, c’est-à-dire que certains critères vont être évalués pour déterminer la recevabilité technique.

Pour que la plainte soit recevable, elle doit :

  • résulter de l’application de l’Article 122 ou de l’Article 124 ;
  • être déposée dans les délais (45 jours à partir de la date où la sanction a été appliquée) ;
  • concerner un employeur sous juridiction provinciale ;
  • être effectuée par un.e employé.e salarié.e au sens de la loi.

Si la plainte est recevable, la médiation est offerte gratuitement pour que les deux parties puissent trouver une solution ensemble. C’est une démarche volontaire pour tout le monde. Pour leur part, les personnes syndiquées doivent suivre la procédure de grief prévue par leur convention collective.

Si une des deux parties refuse ou si la médiation ne permet pas de s’entendre sur une solution satisfaisante, la plainte est transférée pour une audience devant le tribunal administratif du travail.  

Un avocat de la CNESST va représenter gratuitement la personne plaignante et c’est ultimement le tribunal administratif du travail (TAT) qui va décider s’il y a eu une pratique interdite ou un congédiement sans une cause juste et suffisante. De plus, le TAT va se prononcer sur les mesures de réparation.  

Il peut s’agir de cas où la personne revient dans l’entreprise après son congé de maternité et constate que son poste a été aboli. La personne pourrait déposer une plainte. L’employeur devrait alors démontrer que c’est plutôt une raison économique ou liée au bon fonctionnement de l’entreprise qui a motivé sa décision, et non pas un motif interdit par la loi ou une raison arbitraire.

Toutefois, les plaintes se rendent rarement à cette étape, car le processus de la CNESST vise justement à éviter de judiciariser les recours, notamment grâce à la médiation. À partir du moment où le dossier est transféré au TAT, il y a toute une procédure de conciliation et d’entente hors cour qui peut également se produire.  

Si la personne ne revient pas à la date prévue, l’employeur peut présumer qu’elle a démissionné. Il est donc préférable de communiquer avec l’employé.e dans ce cas, car la personne a tout de même des recours pour contester cette interprétation de la situation.

 

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