Parole d’expert : « Un employeur doit mettre fin à l’emploi d’un salarié de façon confidentielle et raisonnable. »

15-10-2025
Thématiques : Fin d'emploi
Le départ d’un.e employé.e peut se faire en raison de plusieurs circonstances : démission, congédiement, licenciement et même faillite.
Karine Dutemple

Auteur.e

Karine Dutemple, rédactrice
chez Pratiques RH

personne qui quitte emploi

Comment la Loi sur les normes du travail encadre-t-elle les pratiques qui doivent prévaloir en cas de fin d’emploi ? Me Alexandre Ardizzon, de Bessette Avocats Inc., nous éclaire sur cette question. 

Les bonnes pratiques en matière de fin d’emploi

PRH : Quelles sont les obligations de l’employeur lors d’un congédiement ou d’un licenciement ?

Me Alexandre Ardizzon : Tout d’abord, il faut savoir que la Loi sur les normes du travail ne s’applique qu’aux entreprises œuvrant dans un secteur d’activité provincial.

Dans tous les cas, l'employeur a l'obligation de remettre au salarié ou à la salariée toutes les sommes qui sont dues dont : les salaires et heures supplémentaires impayés, puis la paie de vacances prévue à l’article 74 de la Loi sur les normes du travail.

Ensuite, il doit donner l’avis de cessation d’emploi en respectant les délais prévus par l'article 82. Cela s’applique parfois lors d’un congédiement, par exemple pour incompétence et lors d’un licenciement individuel. Il faut noter que le délai du préavis peut parfois être plus long que celui prévu à l’article 82, en raison de l’article 20.91 du Code civil du Québec.

Toutefois, advenant un congédiement pour faute grave comme un vol, du harcèlement grave, une fraude, une agression ou des manquements répétés, l’employeur n’a pas à remettre d’avis de cessation d’emploi ni d’indemnité compensatoire pour pallier son absence.

Dans tous les cas, un employeur doit mettre fin à l’emploi d’une personne de façon confidentielle et raisonnable. Il ne peut pas la congédier de manière humiliante ou avoir un comportement méprisable, comme l’invectiver ou l’insulter devant ses collègues lors du congédiement. Ce type d’agissement est considéré comme une faute et peut ouvrir la voie à d’éventuelles poursuites.

Dans la mesure où un congédiement doit être effectué à l’égard d’un.e employé.e qui a au moins 2 ans de service continu, l’employeur doit procéder à une gradation des sanctions, à moins que la faute soit suffisamment grave pour justifier un congédiement immédiat.

PRH : En quoi consiste la gradation des sanctions et comment s’applique-t-elle ?

A.A. : Par exemple, un premier retard ne peut généralement pas être considéré comme un motif de congédiement. L’employeur peut émettre un avertissement verbal, puis un autre par écrit, ainsi que d’autres sanctions de plus en plus importantes telles que des suspensions. Ensuite, si la personne continue à arriver en retard, le congédiement sera justifié.

La gradation des sanctions doit d’abord être proportionnelle à l’offense commise. Donc, si vous désobéissez une première fois à votre patron sans que l’on puisse considérer cela comme de l’insubordination grave, le congédiement immédiat n’est souvent pas justifié.

Toutefois, dans bien des cas, il s’agit d’un comportement suffisamment grave pour que la répétition de cette offense n’entraîne pas de multiples sanctions avant un congédiement. Il pourrait s’agir d’une suspension d’une journée, puis d’une suspension de deux semaines et enfin, d’un congédiement.

Également, la gradation des sanctions doit aussi être proportionnelle au poste qu’occupe la personne dans l’entreprise. Plus son rang est élevé, plus l’employeur est en droit de s’attendre à un haut niveau d’exemplarité de sa part. Pour cette raison, les sanctions peuvent être appliquées de façon moins graduelle.

La jurisprudence nous rappelle qu’un seul avertissement verbal ou écrit peut donc suffire pour éventuellement congédier une.e employé.e cadre, bien qu’elle reconnaisse que la gradation des sanctions s’applique également à ces professionnel.les.

D’autres critères sont aussi à considérer pour déterminer quelle sanction doit être appliquée, comme le dossier disciplinaire de la personne salariée ou son ancienneté. La gradation des sanctions variera d’une situation à l’autre.

Dans tous les cas, l’individu doit être informé de manière claire de ce qui lui est reproché et des conséquences qui pourraient lui être imposées s’il ne modifie pas son comportement.

PRH : En cas de démission, quelles sont les obligations de l’employeur et de l’employé ?

A.A. : En cas de démission, la Loi sur les normes du travail ne prévoit pas l’obligation de remettre à l’employeur un préavis de départ. Toutefois, l’article 20.91 du Code civil du Québec demande de laisser un délai de congé raisonnable.

Si l’employeur souhaite que le.la salarié.e quitte avant la fin de son préavis, il devrait l’indemniser en fonction de divers critères à considérer dont son ancienneté.

S’il est vrai qu’aucun barème n’est explicitement établi dans la Loi pour un délai de congé raisonnable, sa durée est variable et dépend notamment du type de poste occupé par l’employé.e et de son niveau de responsabilité. On part de l’idée qu’une personne occupant un poste élevé dans l’entreprise sera souvent plus difficile à remplacer qu’un autre individu.

Le même principe s’applique si cette personne est licenciée. Étant donné qu’il lui sera plus difficile de se trouver un poste globalement similaire ailleurs, l’employé.e pourrait demander à obtenir une indemnité plus importante que celle fixée par la Loi sur les normes du travail en vertu de cet article du Code civil du Québec. Pour déterminer le préavis à donner selon cet article, une évaluation au cas par cas doit être faite en évaluant l’ensemble de la situation.

Pour établir cette norme, les critères pris en compte sont notamment le salaire, l’âge de la personne, le nombre d’années de service, l’importance du poste occupé par l’employé.e et les qualifications d’ordre technique.

Un.e employé.e qui juge son préavis insuffisant peut intenter un recours civil contre l’employeur devant la Cour du Québec ou la Cour supérieure du Québec. En raison de la complexité de cette démarche, il est conseillé d’avoir recours à un.e avocat.e pour l’effectuer.

PRH : En cas de non-respect des obligations de l’employeur lors d’une fin d’emploi, qu’arrive-t-il ?

A.A. : En cas de congédiement fait de façon humiliante ou dégradante, cela peut ouvrir la porte à des poursuites en dommages moraux, bien que les sommes accordées à cet égard soient souvent plutôt modestes.

Advenant un manquement concernant le versement de l’indemnité compensatrice ou des sommes dues en fin d’emploi, une plainte pécuniaire peut être déposée selon la Loi sur les normes du travail. Cela s’applique également en cas de licenciement individuel si le contexte économique, des raisons organisationnelles ou des changements technologiques ne peuvent justifier cette décision.

L’employé.e peut déposer une plainte auprès de la CNESST. Une enquête sera ensuite déclenchée afin de vérifier la véracité des allégations. Si ces dernières sont jugées comme étant fondées, l’employeur sera alors poursuivi devant la Cour du Québec ou la Cour supérieure du Québec afin de récupérer les sommes dues.

Enfin, d’autres plaintes peuvent également être intentées contre l’employeur selon les cas. Par exemple, il peut s’agir d’une plainte pour un congédiement fait sans cause juste et suffisante prévue à l’article 124 de la Loi sur les normes du travail si la personne salariée estime avoir été congédiée de manière illégale et qu’elle dispose de deux ans de service continu chez l’employeur.

À noter que les délais légaux pour intenter certaines plaintes sont très courts, ce pourquoi les employeurs devraient consulter un avocat pour faire analyser la situation et établir la stratégie à adopter en cas de poursuites.

PRH : Quelles sont les exceptions concernant l’avis de cessation d’emploi ?

A.A. : En plus de l’exception accordée en cas de congédiement pour faute grave, l’obligation de remettre l’avis de cessation ne s’applique pas à la personne salariée qui ne justifie pas 3 mois de service continu et à celle dont le contrat pour une durée ou une entreprise déterminée expire. Cela concerne donc notamment les entreprises dont l’activité est saisonnière lorsque la fin d’emploi est prévue.

Également, l’avis de cessation n’a pas à être remis en cas de force majeure, comme cela est le cas si l’usine explose. Il s’agit de situations exceptionnelles et les critères à remplir sont très spécifiques. Notamment, la situation doit résulter d’une force imprévisible et non imputable à l’employeur.

PRH : Quelles sont les obligations de l’employeur en cas de licenciement collectif ?

A.A. : En cas de licenciement collectif, l’indemnité compensatrice va notamment varier en fonction du nombre de salarié.e.s licencié.e.s.

Délais à respecter pour le licenciement collectif

- entre 10 et 99 : 8 semaines 

- entre 100 et 299 : 12 semaines

- 300 employé.e.s et plus : 16 semaines 

L’employeur n’a pas à remettre un avis écrit à chacune des personnes licenciées. Toutefois, il doit afficher un avis de licenciement collectif dans un endroit visible de l’entreprise et transmettre celui-ci au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

Tout comme pour l’article 82, il doit donner à son personnel licencié la possibilité de rester à l’emploi pendant la durée de ce préavis ou bien verser à celui-ci l’indemnité compensatrice.

Au même titre que pour un congédiement, un licenciement individuel et une démission, les sommes dues (salaire, paie de vacances et heures supplémentaires) doivent être versées aux salarié.e.s.

PRH : Qu’arrive-t-il si l’entreprise fait faillite ?

A.A. : Dans ce cas, l’entreprise va aller voir un syndic autorisé en insolvabilité et se mettre sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Ce faisant, tous les recours intentés contre l’employeur concernant la récupération des sommes dues en matière de salaire et d’indemnités de salaire et de vacances sont suspendus.

La CNESST peut tout de même intenter des recours, mais en cas de faillite, une proposition sera habituellement faite aux créanciers ou aux créancières et sera ensuite votée en assemblée. Celle-ci peut alors être acceptée ou bien l’entreprise peut être achetée.

Il faut savoir qu’en vertu de la Loi sur les sociétés par actions, les administrateurs et administratrices de la société peuvent être tenu.e.s solidairement responsables envers les employé.e.s jusqu’à concurrence de six mois de salaire.

Il peut s’avérer utile pour les employeurs de consulter un avocat lorsque qu’une faillite est envisageable, car certaines obligations varieront selon les cas de figure.