Démystifier les enquêtes en matière de harcèlement psychologique ou sexuel

16-09-2020
À quel moment l’employeur doit-il procéder à une enquête pour harcèlement psychologique? Quelles sont les avantages et inconvénients […]
Rédigé par :
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Deborah Furtado et Élaine Léger, FASKEN
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Pratiques RH, bonnes pratiques, prévention harcèlement, harcèlement psychologique, harcèlement sexuel, milieu de travail, enquête interne, enquête externe

À quel moment l’employeur doit-il procéder à une enquête pour harcèlement psychologique? Quelles sont les avantages et inconvénients d’une enquête interne plutôt qu’externe? Quel est le rôle d’un enquêteur ?

Prendre la décision de procéder à une enquête

Rappelons que l’employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique dans son entreprise et pour intervenir afin de le faire cesser lorsqu’une telle situation a été portée à sa connaissance

Avant d’entamer un processus d’enquête formelle, l’employeur doit analyser les informations contenues dans la plainte reçue, afin de déterminer si celle-ci est recevable à première vue. Il est suggéré de rencontrer la victime à cette étape afin de confirmer si les allégations contenues à la plainte, si elles s’avèrent être vraies, constituent bel et bien du harcèlement au sein de la loi. Un employeur ne se doit pas d’enquêter chaque rumeur, commérage ou mécontentement, sans quoi il passerait autrement son temps à mener des enquêtes. Toutefois, dans certains cas, l’employeur peut certainement décider d’entamer une enquête en l’absence d’une plainte. C’est le cas, par exemple, si l’employeur a des motifs raisonnables de croire que l’environnement de travail est hostile au point où les employés ne peuvent pas déposer de plainte notamment en raison de la crainte de représailles de la part de leurs collègues.

Avant de débuter une enquête, l’employeur devrait également s’assurer que la plainte a été déposée dans les délais légaux. Rappelons que les employés ont, depuis le 1er janvier 2019, deux ans à partir de la dernière manifestation de la conduite de harcèlement pour déposer une plainte. Une politique interne ou une convention collective peut prévoir un délai supérieur à celui de deux ans.

Lorsque la plainte est jugée recevable par l’employeur, et tout dépendant de la situation en cause, plusieurs options peuvent être envisagées par l’employeur avant d’entamer une enquête, tel qu’un processus de conciliation ou de médiation.

L’employeur dispose également d’une marge de manœuvre quant à l’étendue de l’enquête; plus une plainte a l’apparence d’être sérieuse, plus l’enquête risque d’être approfondie. À l’inverse, une plainte frivole pourrait ne pas être enquêtée, ou enquêtée de manière très sommaire.


Enquête externe ou interne?

Lorsque l’employeur décide d’entamer une enquête relativement à une situation potentielle de harcèlement au sein de son entreprise, deux choix s’offrent à lui : procéder à une enquête à l’aide d’une personne interne ou mandater un enquêteur externe.

Comment effectuer un tel choix?

Chaque plainte est unique et doit être évaluée à son mérite. Toutefois, il existe des avantages et des inconvénients de procéder à une enquête interne ou externe.

Avantages de procéder à une enquête interne :

  • généralement plus abordable que procéder à une enquête externe;
  • disponibilité à procéder rapidement;
  • la personne à l’interne connaît généralement mieux la réalité et les politiques de l’entreprise.

Inconvénients de procéder à une enquête interne :

  • possibilité de conflit d’intérêts, particulièrement lorsque l’enquêteur et le présumé harceleur victime se connaissent bien;
  • l’enquête peut paraitre non crédible;
  • l’enquête peut paraitre comme n’étant pas objective.

L’enquête externe comporte les avantages et inconvénients contraires.

Peu importe le type d’enquête choisi par l’entreprise, l’enquêteur désigné par l’employeur doit être une personne neutre, n’ayant pas d’intérêt personnel au dossier. Celle-ci doit également avoir des connaissances et une expérience adéquate pour enquêter. Une enquête sera généralement adéquate lorsque :

  • La confidentialité est maintenue;
  • Les parties (victime et prétendu harceleur) ont l’occasion de donner leur version des faits;
  • Le prétendu harceleur a l’occasion de répondre aux allégations portées contre lui;
  • L’enquête tient compte de la version de témoins, au besoin;
  • Les documents pertinents ont été pris en compte.

Rappelons également que l’enquête n’a pas à être parfaite. L’enquête doit être appropriée, raisonnable et conduite de bonne foi. Un employé est tenu de participer de bonne foi et de manière honnête à celle-ci. La fiabilité et l’honnêteté sont au cœur de la relation d’emploi; d’ordre général, un témoin, une victime ou un répondant qui est malhonnête ou agit de mauvaise foi lors d’une enquête s’expose à des mesures disciplinaires.


Le rôle de l’enquêteur

L’enquête doit établir ce qui s’est passé au moyen d’une recherche juste et impartiale des faits, en menant des entrevues avec les parties et les témoins. Il prépare également un rapport présentant une analyse pondérée des faits et tire une conclusion relative à s’il y a présence de harcèlement psychologique ou non.

Il est important de comprendre que l’enquêteur est une personne neutre qui n’a pas le mandat de prouver qu’il y a eu harcèlement psychologique, ou au contraire, contredire la présence de harcèlement psychologique. Il ne représente ni l’employeur, ni la victime, ni le prétendu harceleur.


Contenu du rapport de l’enquête

À la fin de l’enquête, l’enquêteur remet un rapport à l’employeur contenant habituellement les points suivants :

  • description de son mandat;
  • description de la méthodologie et du processus d’enquête utilisé;
  • référence précise à la politique interne de l’employeur;
  • les faits (allégations, énoncés et constatations);
  • conclusions « juridiques » liées à la politique de harcèlement psychologique, par exemple :
    • la conduite est inappropriée, mais ne constitue pas une violation de la politique;
    • la conduite est inappropriée et constitue une violation de la politique contre le harcèlement psychologique;
    • la politique n’a pas été violée, mais la plainte n’est pas frivole et malicieuse;
    • la politique n’a pas été violée et la plainte est frivole et malicieuse.