Prévention des accidents : le cadenassage, une mesure incontournable

03-09-2024
Dans les milieux de travail, principalement industriels, les sources d’énergie, comme l’énergie électrique, sont responsables de nombreux accidents de travail et mettent donc à risque la santé et la sécurité des travailleur.se.s. Pour prévenir ces situations dangereuses, le cadenassage est la méthode priorisée par la CNESST.
Rédigé par :
Eric Binette, Pratiques RH
Ouvrier vérifiant le cadenassage des machines

À l’aide d’une boîte à cadenas et d’une clé, le cadenassage permet de prévenir l’activation accidentelle de la machinerie en réduisant, notamment, la possibilité de décharges électriques et des mouvements de pièces.

Afin de bien comprendre la relation des travailleur.se.s et des machines, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a mis en ligne un Guide sur la prévention des risques mécaniques ainsi qu’un Guide du processus de l'appréciation du risque.

Qu’est-ce que le cadenassage ?

Le cadenassage, selon la CNESST, est une méthode qui vise à contrôler les énergies.

Elle est la technique priorisée dans les milieux de travail en vue d’assurer un degré de sécurité convenable avant que les employé.e.s utilisent la machinerie ou toute installation provenant d’énergie, comme l’énergie électrique, gravitationnelle, pneumatique, thermique, hydraulique et mécanique.

Plus précisément, le cadenassage comprend l’installation d’un cadenas à clé unique, c’est-à-dire qu’une seule clé peut débarrer le cadenas. Ce dernier est normalement installé sur un dispositif d’isolement d’une source d’énergie, comme une valve ou un interrupteur.

La méthode de contrôle des énergies, quant à elle, vise « à maintenir une machine hors d’état de fonctionner, tels sa remise en marche, la fermeture d’un circuit électrique, l’ouverture d’une vanne, la libération de l’énergie emmagasinée ou le mouvement d’une pièce par gravité, de façon à ce que cet état ne puisse être modifié sans l’action volontaire de toutes les personnes ayant accès à la zone dangereuse. », selon Légis Québec, Règlement sur la santé et la sécurité du travail, article 195, 2023.

Première étape : identifier et analyser les risques

En premier lieu, les employeurs doivent identifier les risques au sein de leurs installations.  

Six risques sont présents dans les milieux de travail industriels :

  1. Chimiques
  2. Biologiques
  3. Physiques
  4. Ergonomiques
  5. Psychosociaux
  6. Liés à la sécurité

Compte tenu de l’importance de ces risques, il est primordial de les identifier.

Selon la CNESST, ceci permet d’être objectif, de documenter ce qui est fait par écrit, de libérer les personnes concernées, de rendre l’information accessible, de faire une mise à jour annuelle adéquate et représentative et, bien évidemment, de s’assurer de ne rien oublier.

Après avoir identifié les risques et leurs types, l’employeur doit les analyser et établir une liste de priorité pour protéger ses travailleur.se.s.

Enfin, les employeurs, en partenariat avec leur équipe de santé et de sécurité, doivent établir une procédure de cadenassage et ses modalités.

➔ Pour en savoir plus sur l’analyse des risques

Deuxième étape : mettre en place le cadenassage

Lorsque les risques ont bien été évalués, documentés et analysés, les employeurs doivent mettre en place les procédures de cadenassage afin de bien isoler les sources d’énergie et de prévenir les accidents, il convient de se procurer un cadenas robuste et de l’installer sur un dispositif d’isolement de la source d’énergie.

Ainsi, les travaux effectués à proximité des sources d’énergie, lorsque celles-ci sont verrouillées, seront sécuritaires.

Selon la CNESST, un dispositif d’isolement est un « dispositif mécanique qui empêche physiquement la transmission ou le dégagement d’énergie, notamment les dispositifs suivants : les disjoncteurs à commande manuelle, les interrupteurs de sectionnement, les interrupteurs à commande manuelle au moyen desquels les conducteurs d’un circuit peuvent être débranchés de tous les conducteurs d’alimentation non mis à la terre, les robinets, les cales et les autres dispositifs servant à bloquer ou à isoler les sources d’énergie (les sélecteurs à bouton-poussoir et les autres dispositifs de commande semblables ne constituent pas des dispositifs d’isolement des sources d’énergie). » (Guide d’information sur les dispositifs réglementaires : Cadenassage et autres méthodes de contrôle des énergies, Annexe A, 2023).

À noter qu’il est formellement interdit d’utiliser d’autres types de dispositifs, comme les attaches à broches, les attaches de câbles, une corde ou du ruban adhésif.

Voici un exemple des éléments importants qui devraient figurer dans une Politique de cadenassage :

  • L’établissement des exigences de performance minimales pour le contrôle d’énergie dangereuse
  • Le champ d’application à tous les employé.e.s, entrepreneur.e.s et fournisseurs ainsi qu’aux visiteur.se.s
  • La planification de l’entretien courant de la maintenance des machines et du matériel, au cours duquel la mise en marche inattendue, le démarrage d’une machine ou du matériel, ou encore la libération d’énergie emmagasinée pourrait blesser le personnel

Qui est concerné par la procédure de cadenassage ?

Toute personne qui, dans le cadre de son emploi, est appelée à conduire une machine ou tout autre matériel sur lequel on effectue l’entretien courant, le réglage ou une maintenance (mécanique, électrique ou autre).

La procédure s’applique à toute source d’énergie électrique, mécanique, hydraulique, pneumatique, chimique, thermique, la gravité ou toute autre source d’énergie.

➔ Pour plus de détails sur la mise en place du cadenassage

Le rôle des employeurs

Il revient aux employeurs de s’assurer d’appliquer efficacement et adéquatement le cadenassage.

Pour ce faire, ils doivent bien s’informer des normes en vigueur et acheter le matériel adéquat (cadenas robuste, dispositif d’isolement, clé unique).

De plus, des fiches qui décrivent la méthode de cadenassage doivent être mises en place sur chaque machine concernée et à la vue de tous et toutes.

Enfin, il incombe aux employeurs d’informer, de former, de documenter et de superviser les travailleur.se.s sur les procédures de cadenassage, ainsi que de s’assurer que celles-ci sont respectées et appliquées à la lettre, en plus de documenter tout retrait d’un cadenas.

Le rôle de la main-d'œuvre

Les employé.e.s doivent respecter méticuleusement les procédures de cadenassage, prendre les mesures nécessaires pour se protéger, ne pas mettre en danger la vie de leurs collègues et participer à l’identification et à l’élimination des risques.

Pénalités prévues par la CNESST

Comme le cadenassage est obligatoire, des pénalités peuvent être appliquées pour les entreprises qui ne respectent pas les procédures.  

Toute entreprise qui ne se conforme pas à la loi, n’assure pas un suivi des procédures, ne supervise pas l’application du cadenassage et/ou qui tolère des situations à risques, peut être poursuivie et mise en infraction selon l’article 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. 

La CNESST ne tolère aucune forme de non-respect (tolérance 0) quant à la protection des travailleur.se.s. Des poursuites aux criminelles peuvent même être engagées en cas d’accident grave pour négligence envers l’entreprise fautive et ses représentant.e.s, si l’enquête conclut à des manquements au niveau de la diligence raisonnable en ce qui concerne ses devoirs de prévoyance, d’efficacité et d’autorité.

Cas d’exception

Dans certaines situations, la machinerie doit rester active pendant les opérations (mise en train), par exemple le changement d’une matrice sur une presse. Dans ce cas de figure, il est important de neutraliser les dispositifs de protection pour que le.la travailleur.se ait accès au site, tout en gardant certaines fonctions de la machine activées.

C’est ce qu’on nomme le mode de commande spécifique. Ce dernier, lorsqu’activé, rend inopérants les autres modes de commande de la machine.

On retrouve habituellement des informations sur le mode de commande spécifique dans les manuels d’instruction des fabricants, en plus des autres éléments à respecter prévus par les articles 188 du RSST et 2.20.13 du CSTC. En ce sens, il est fortement recommandé aux employeurs de lire et de garder ces manuels.

Si l’employeur souhaite utiliser une autre méthode de protection que le cadenassage pour contrôle les énergies, elle ou il doit respecter la marche à suivre suivante :

  1. Analyser les caractéristiques de la machine concernée
  2. Analyser la santé et la sécurité des travailleur.se.s lors de l’utilisation de ladite machine
  3. Estimer la fréquence et la gravité des blessures potentielles pour chaque risque
  4. Décrire les mesures de prévention qui sont applicables pour tous les risques, ainsi que l’estimation du niveau de réduction des risques, puis évaluer les risques résiduels

La norme CSAZ462-18 s'applique pour les interventions sur les installations électriques nécessitant un travail sous tension.

Pour plus d’informations sur le mode de commande spécifique, il convient de consulter les articles 188 du RSST et 2.20.13 du CSTC.

Aussi, il est à noter que pour une machine qui est alimentée par une seule et même source d’énergie (par exemple la scie à onglet), le règlement stipule qu’il est permis d’utiliser le débranchement de la fiche électrique (débranchement simple). Or, il est demandé de garder le contrôle sur la fiche électrique pendant le travail effectué.

Pour plus d’informations sur le débranchement simple : les articles 196.2 du RSST et 2.20.2.2 du CSTC.

Il existe également d’autres méthodes d’exception décrites dans les articles 198 à 200 et 207 du RSST ou encore les articles 2.20.4 à 2.20.6 et 2.2.0.14 du CSTC.

Le cadenassage : une mesure de sécurité obligatoire

Le cadenassage, en tant que mesure de santé et de sécurité obligatoire, fait l’objet d’inspection attentive de la part de la CNESST.  

Les inspecteur.ice.s analyseront les travaux effectués en zone à risque ainsi que les mesures mises en place par les employeurs dans le but de minimiser le plus possible, voire éliminer les risques pour les travailleur.se.s 

Pour plus d’informations sur les normes légales du cadenassage, référez-vous aux articles 197, et 199 à 207 du RSST, ainsi que les articles 2.20.3, 2.20.5 à 2.20.12 et 2.20.14 du CSTC

Il existe d’autres mesures de sécurité pouvant être mises en place par les employeurs, celles-ci dépendent évidemment des tâches à effectuer par les travailleur.se. Il est possible, dans certains cas, d’acheter une machine ou une autre installation électrique qui comporte déjà une sécurité intégrée ainsi que les instructions spécifiques associées.

Exemple de situation à risque et liens utiles

Les silos à grains représentent des risques importants d’ensevelissement. Lorsque les grains se promènent dans le silo, ils peuvent ensevelir un.e travailleur.se en seulement quelques secondes. Dans cette situation, il est ardu pour les premiers secours d’arriver à temps et de trouver la personne dans les grains avant son décès.

Par conséquent, il faut privilégie des équipements qui permettent le travail à l’extérieur du silo (par exemple pour retirer des grains). Lorsque le travail à l’extérieur du silo n’est pas possible, l’employeur doit installer une méthode de contrôle des énergies efficace, soit le cadenassage. Ainsi, de nombreux accidents graves pourront être évités.

Se cadenasser, c’est prendre sa sécurité en main

Les risques de santé et de sécurité pour les travailleur.se.s qui exécutent des tâches sur de la machinerie non cadenassée sont bien réels.

Il suffit d’accrocher un bouton de mise en marche lors de l’entretien de la machine, d’actionner le mauvais disjoncteur ou encore de brancher un équipement défectueux pour qu’un accident grave, voire mortel, survienne.

Le cadenassage, bien utilisé, permet d’éviter et d’éliminer ces risques majeurs. C’est le rôle des employeurs de mettre en place un cadenassage adéquat qui respecte les règlements de la CNESST et des autres organisations en santé et en sécurité du travail.