Intéressement des employés et avantages financiers : le remède contre un fort taux de roulement ?

25-08-2023
Pour retenir les meilleurs éléments d’une entreprise, l’intéressement des employé.e.s est un argument à considérer…
Rédigé par :
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Marilyn Bouchain
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Intéressement des employés

Si la conciliation famille travail ou le bien-être au travail sont dorénavant mis de l’avant lorsque l’on parle de lutte contre un fort taux de roulement du personnel, ces nouveaux atouts de la gestion des ressources humaines - bien que souvent cités par les employé.e.s - ne sauraient remplacer le puissant ressort anti-grande démission que constitue l’intéressement des employé.e.s.

Rattaché.e.s matériellement à l’entreprise et à sa bonne santé, les salarié.e.s intéressé.e.s trouvent non seulement d’une excellente raison de rester, mais aussi de donner le meilleur d’eux.elles-mêmes

À l’heure où, de l’autre côté de l’Atlantique, la France légifère sur le partage de la valeur au sein de l'entreprise et où les structures de plus de onze employé.e.s pourraient être tenues d’offrir des actions, une participation aux bénéfices ou des primes, il serait bienvenu de se pencher sur ce qui se fait au Québec en matière d’intéressement. Sous la houlette de David Fiset McGrath, directeur principal en service conseil gestion stratégique des ressources humaines chez Malette, cabinet d’experts-comptables, Pratiques RH examine les différentes options qui se présentent à l’entreprise soucieuse de pérenniser son capital humain et d’échapper à un taux de roulement dommageable.

L’intéressement des salariés : quels avantages ?

Alors que l’ombre de la grande démission plane encore sur les États-Unis et donne le frisson à l’Europe et au Canada, tandis que la pénurie de main-d’œuvre bat son plein au Québec et ailleurs, nombreuses sont les entreprises qui cherchent les moyens les plus efficaces pour retenir leur personnel.

La fidélisation par l’actionnariat

« On ne veut pas perdre les employé.e.s clés parce qu’avec eux.elles, ce sont des connaissances très importantes qui partent. Le fonctionnement de l'entreprise va en être affecté », explique David Fiset McGrath, directeur principal chez Malette tandis qu’il décrit ce qui amène les client.e.s à venir vers le cabinet d’expert.e.s-comptables. « Tout le monde connaît le contexte du marché de l'emploi actuel, la hausse des salaires qui le rend très évolutif… Comment fait-on pour s’attacher les bons éléments ? se demandent les propriétaires d’entreprises. Ils.elles en viennent à l’idée qu’introduire les employé.e.s clés à l’actionnariat est nécessaire à la pérennité de l’organisation. »

Un soutien au repreneuriat

L’actionnariat est aussi une façon de s’assurer du succès de la transition dans le cas d’une relève familiale ou d’un repreneuriat. Ainsi que le souligne David Fiset McGrath, les employé.e.s actionnaires vont être motivé.e.s et capables d’accompagner les releveur.se.s qui, lorsque ce sont les enfants du chef d’entreprise sont souvent jeunes et ont besoin de se forger une expérience. Dans le cas des repreneur.se.s, les employé.e.s actionnaires vont fournir du coaching et un soutien bienvenu.

Quelle résonnance auprès de l’employé ?

Une des raisons les plus évoquées par les acteur.trice.s de la grande démission états-unienne est le manque de reconnaissance. Si les façons d’exprimer de la gratitude aux employé.e.s sont nombreuses et variées, la plus directe reste l’accès aux bénéfices générés par le fruit de leur labeur.

Une démarche dont la résultante sera un investissement accru de la part du personnel et un sentiment d’appartenance renforcé. Loin des mesures moins concrètes qui ne sauraient contenir les mécontentements susceptibles d’éclore dans toute entreprise, l’intéressement des employé.e.s donne à ces dernier.e.s des raisons matérielles de soutenir la structure qui les emploie.

« L'objectif pour une entreprise, c'est de convaincre les gens de rester… Oui, l'équilibre travail personnel, les paquets d'avantages, etc., mais l'aspect financier est important » confirme David Fiset McGrath.

L’actionnariat salarié

Cependant, au sein même de l’actionnariat, déterminer les tenants et aboutissants peut se révéler compliqué ainsi que l’expose le directeur principal en service conseil gestion stratégique des ressources humaines : « Il va falloir définir ce qu'il faut créer dans la structure corporative : des entités ? Quelles sont les actions que l'on va rendre accessibles aux employé.e.s ? Des actions votantes ? Des actions participantes ? Et tout cela, pour ce qui concerne uniquement la fiscalité ! »

Obtenir un avis légal

Et de poursuivre en abordant l’aspect légal, à savoir la nécessité de faire rédiger par des avocat.e.s une convention entre actionnaires. « Il faut s'entendre sur qui fait quoi, comment seront prises les décisions. Comment racheter les actions lorsqu’il y a désistement? C'est à un avocat.e de fixer ces points. »

Faire appel à un expert-comptable

Vient ensuite le calcul de la valeur de l'entreprise, lequel revient à un.e expert.e-comptable spécialisé.e en évaluation d'entreprise qui va définir sur quelle base une négociation pourra se faire. Son impartialité est fondamentale car la notion de la valeur de l’entreprise est souvent subjective selon que l’on soit propriétaire ou employé.e. « Pour résumer, il y a quatre aspects - RH, fiscal, légal et comptable - qui sont à prendre en compte en matière d’actionnariat. »

Hormis les actions, d’autres solutions

Toutefois, l’actionnariat n’est pas la seule forme d’intéressement dont dispose l’employeur pour retenir les éléments efficients de son entreprise, d’où l’intérêt d’aller chercher l’information - et peut-être un accompagnement - auprès de professionnel.le.s.

Les bonus

Donner la perspective à l’employé.e que ses efforts ne seront pas absorbés dans son salaire annuel, mais valorisés par un bonus est une solution jugée pertinente par David Fiset McGrath. De même, mentionne-t-il le bonus de rétention : « C’est un peu comme passer une entente selon laquelle si après un certain laps de temps, disons 12 mois, la personne travaille toujours pour l’entreprise, un bonus de 3% de son salaire lui sera versé. Une bonne manière d’encourager le.la salarié.e à rester bien structuré.e. »

Combiner les types de bonus

Selon le spécialiste, la combinaison des bonus à court et long terme est de plus en plus fréquente alors que traditionnellement, les bonus à court terme sont liés aux performances de l’individu tandis que le long terme dépend de la performance globale de l'organisation : « Pour l’employé.e, les raisons de ne pas quitter son emploi sont doubles : à son salaire annuel vient s’additionner la possibilité d'aller chercher un bonus à court terme chaque année en fonction de sa performance auquel viendra s’ajoute, dans 3 ans, 5 ans ou 10 ans, un bonus à long terme selon la croissance de l'entreprise. »

L’augmentation au mérite

À distinguer du bonus à court terme, l’augmentation au mérite consiste à accorder une augmentation annuelle aux employé.e.s ayant atteint les objectifs préalablement fixés.

De nouvelles perspectives

« On va identifier quels secteurs ou quels individus vont en bénéficier. On peut aussi penser à un système à la française où l’augmentation au mérite est intégrée à la politique salariale d’une entreprise …» indique le DP du cabinet Mallette avant de préciser : « Je dirais que les nouvelles générations vont être de plus en plus intéressées par cette proposition : prenons un individu de 25 ans. Il.elle qui a l'impression d'offrir une contribution ou une performance meilleure que celle de son.sa collègue plus âgé.e. Pourtant, à cause de son expérience moins longue et de son ancienneté, il.elle touche un salaire plus bas… Pour lui.elle, l’augmentation au mérite est justifiée ! 

De la cohérence avant tout

Néanmoins, selon l’expert, l'augmentation au mérite nécessite une attention toute particulière quant à la cohérence des objectifs fixés à l’échelle de l’entreprise. « On peut avoir des gestionnaires qui fixent des objectifs hyper faciles à atteindre pour leurs équipes, et d’autres qui se montrent très exigeant.e.s. On se retrouve alors avec des employé.e.s performant.e.s, mais qui n’atteignent pas leurs objectifs versus des employé.e.s qui le sont peut-être moins, mais qui obtiennent quand même leur augmentation… Ce qui fait que, finalement, ce qu'on avait imaginé comme une stratégie de rétention devient la cause du découragement de certain.e.s et la raison pour laquelle ils.elles partent ».

S’appuyer sur les ressources humaines

Un travail de régulation et d’harmonisation s’impose donc. Il peut se faire au niveau des ressources humaines ou, si l’organisation ne dispose pas desdites ressources, en se basant sur les objectifs corporatifs tel que le démontre David Fiset McGrath: « Il faut s’interroger : quels sont les objectifs pour l'entreprise ? Vise-t-on l’augmentation des ventes ? La préservation de la rentabilité ? Rejoindre de nouveaux marchés ? Et là se demander : comment arrimer les objectifs à atteindre de nos employé.e.s aux objectifs stratégiques de l’entreprise ? »

Rieur, il poursuit : « J’ai l’air de prêcher pour ma paroisse, mais solliciter l’intervention d’une firme capable d'être 100% objective, d’aider les dirigeant.e.s à rester dans la cohérence en définissant les buts ciblés, ça peut être une bonne solution ! »

Les avantages à la carte

D’après l’expert, depuis ces dernières années, les avantages à la carte ont le vent en poupe :

« Par exemple, l’entreprise débloque une somme annuelle de 5000$ d'avantages sociaux pour chaque salarié.e. Celui.celle-ci va pouvoir choisir le nombre de semaines de vacances qu’il.elle veut, le nombre de congés flexibles, la prise en charge d’un abonnement sportif, l’accès à un traiteur qui livre des lunchs sur l'heure du dîner etc. »

Et d’étayer son exemple : « Quelqu’un qui aimerait travailler 37 h au lieu de 40 h par semaine va être en mesure d’utiliser une partie de son 5000$ dans l'ajustement du temps de travail. Son salaire restera le même car les 5000 pièces viendront compenser la diminution des heures travaillées. »

Contenu supplémentaire

Du point de vue fiscal

Une somme versée à un.e dépositaire ou à un.e fiduciaire d'un régime de prestations aux employé.e.s, d'un régime d'intéressement ou d'une fiducie pour employé.e.s n'est pas soumise à la retenue d'impôt ni aux cotisations au Régime québécois d'assurance parentale (RQAP), mais elle l’est :

• aux cotisations au Régime de rentes du Québec (RRQ);

• à la cotisation au Fonds des services de santé (FSS);

• à la cotisation relative aux normes du travail.

Les aléas de l’intéressement

Comme toute prise de décision, l’engagement vers l’intéressement des employé.e.s peut rencontrer des écueils. À ce propos, David Fiset McGrath prend l’exemple du repreneuriat pour souligner l’importance d’une solide réflexion en amont : « Les acheteur.se.s vont hériter d’une structure dotée d’actionnaires. Il faut donc se questionner : « Allons-nous lier les bonnes personnes à notre entreprise? ». Car oui, les actions peuvent toujours être rachetées, mais dans quelles conditions ? ».

Synthétique, Il insiste sur la nécessité d’un processus légal irréprochable laissant place à une certaine flexibilité afin qu’employé.e.s clés, vendeur.se et repreneur.se tirent avantage de la situation.

Une gestion des attentes qui demande de la transparence

Du côté de l’actionnariat salarié, il revient sur l’intérêt de « bien se faire conseiller sur les types d'actions à mettre en jeu puis de cerner les attentes de chacun. Du point de vue du.de la chef.fe d’entreprise, qu’est-ce que ça implique au niveau de la prise de décision et de la gestion des dividendes ? Quelles vont être, à ce sujet, les attentes des employé.e.s devenu.e.s actionnaires? »

En effet, dorénavant décisionnaires, ces dernier.e.s sont susceptibles de demander des comptes sur les investissements effectués ou sur une stratégie de gel de la valeur de l'entreprise puisque c'est la valorisation de l'entreprise qui va permettre éventuellement aux employé.e.s clés de racheter des parts…

De quoi conclure que, quel que soit le cas de figure qu’aura choisi l’entreprise pour fidéliser son personnel - actionnariat, bonus à court ou long terme, augmentation au mérite ou avantages à la carte -, discernement, transparence et communication restent les variables indispensables à la justesse de l’équation !