Télétravail et mieux-être au travail

11-03-2021
La COVID-19 a des répercussions considérables sur différentes sphères de nos sociétés. L’irruption rapide de la pandémie a contraint différents états à mettre en place des mesures restrictives sans précédent pour limiter la propagation du virus.
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Jean Frantz Ricardeau Registre, M, Sc.
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télétravail et mieux-être

 

 

La COVID-19 a des répercussions considérables sur différentes sphères de nos sociétés. L’irruption rapide de la pandémie a contraint différents états à mettre en place des mesures restrictives sans précédent pour limiter la propagation du virus. Ces différentes mesures ont des impacts importants sur les individus et les entreprises. 

En effet, la pandémie bouleverse le monde du travail et contraint les acteurs à faire preuve de flexibilité et de contingence. Les organisations se retrouvent ainsi dans l’obligation d’adapter leurs structures aux contraintes de ce nouvel environnement tumultueux afin de survivre.  Un nouveau monde du travail est en train de se profiler avec la possibilité de réinventer l’utilisation de la technologie dans l’organisation du travail et dans l’offre de produits et services. Les organisations ont dû innover en termes de pratiques organisationnelles afin de s’adapter à cette nouvelle normalité. 

Vers une nouvelle organisation du travail

Le télétravail s’est imposé comme la pratique organisationnelle phare de cette période de crise. Les milieux de travail ont dû trouver les moyens de se conformer à des réglementations et des exigences gouvernementales strictes, tout en maintenant certaines activités pour survivre. Pour limiter la propagation du virus, un grand nombre de travailleurs ont dû se résoudre à fournir leur prestation de travail à distance de manière volontaire ou contraint par les employeurs. Selon l’Institut de la statistique du Québec, au Québec, plus d’un tiers (37%) des entreprises étaient en mesure d’offrir du travail à domicile à leurs employés. 

Le travail à distance s’est déjà illustré comme un moyen efficace d’assurer la continuité d’activité organisationnelle en contexte de crise majeure, notamment lors de catastrophes naturelles. Toutefois, le télétravail imposé lors de la présente crise a été mis en place en urgence pour faire face à la situation exceptionnelle de lutte contre la COVID-19. Il se différencie du télétravail régulier parce qu’il est quasi-obligatoire, à temps plein et à domicile (Saba et Cachat-Rosset, 2020). Pour les entreprises, un changement de paradigme s’impose, considérant que le déploiement du télétravail implique des infrastructures spécifiques, mais surtout une autre manière de concevoir la relation de travail. Les méthodes traditionnelles de gestion du personnel basées sur la supervision et le contrôle du travail ne sont pas toujours compatibles avec cette forme d’organisation du travail. Il devient difficile de mesurer la performance au travail en nombre d’heures passées au bureau ou de contrôler le travail des employés via le pointage et les horaires de travail bien défini. 

Néanmoins, cette pratique organisationnelle apporte des avantages intéressants pour les entreprises. Elle favorise notamment le respect des normes sanitaires, la réduction de l’absentéisme, l’amélioration de la productivité et la qualité de travail ainsi que la réduction des coûts (Tremblay et.al, 2007).

Des enjeux de santé mentale?

Si cette forme d’organisation du travail apporte également certains bienfaits pour les employés durant la pandémie tels que l’autonomie, le soutien de leurs collègues et de leurs supérieurs, elle peut être aussi source d’inconvénients. En effet, les conditions dans lesquelles s’exerce le télétravail sont susceptibles, dans certaines situations, d’exposer les salariés à des risques psychosociaux. Avec la pandémie, le travail à distance leur a été imposé de façon soudaine, sans préparation ni anticipation. Le confinement à domicile a soustrait toute possibilité de se rendre sur le lieu de travail. Du jour au lendemain, les travailleurs ont dû se créer un espace de travail à la maison sans avoir nécessairement les outils appropriés. Aucune flexibilité d’aménagement n’a été possible pendant les premières semaines du confinement. 

Du fait de la pandémie, les télétravailleurs se retrouvent éloignés de leurs collègues et de la vie sociale généralement associée au travail. Par conséquent, les interactions sociales et les discussions sur le travail sont beaucoup plus rares. Cela peut induire un sentiment de solitude et d’isolement. En outre, les difficultés de concilier le travail et la vie personnelle, la surcharge de travail et l’allongement des heures de travail peuvent occasionner des problèmes de santé mentale chez les employés qui travaillent à domicile (Tavares, 2017). D’ailleurs, une étude de l’Université Laval suggère que près de 50% des travailleurs québécois éprouvent de la détresse psychologique durant la pandémie (Biron, 2020). Ceci dit, il serait donc pertinent pour les entreprises de trouver le point d’équilibre entre, d’une part, les besoins de l’organisation de maintenir un niveau d’effectif approprié pour éviter les ruptures de service ou d’activité́, et, d’autre part, les préoccupations personnelles des employés. Que peuvent-elles donc faire pour atteindre cet équilibre? 

Pour favoriser le mieux-être des employés, il importe pour les employeurs d’agir sur les conditions de travail afin de permettre aux télétravailleurs de se procurer les ressources dont ils ont besoin pour composer avec les exigences du travail et le stress que la pandémie peut leur causer.

Renforcer l’autonomie des employés

On entend trop souvent que l’autonomie n'est possible que pour certains emplois et pour certaines personnes. En réalité, ce n'est pas le cas. Tout le monde peut avoir plus d’autorité décisionnelle dans son travail et une plus grande latitude pour le contrôler (Mckinsey, 2018). Des recherches ont établi une association positive entre la latitude décisionnelle et le bien-être psychologique. Il serait donc intéressant que les employeurs accordent plus d’autonomie décisionnelle aux employés dans l’organisation de leurs tâches, le rythme pour l’effectuer et les procédures pour l’accomplir. Les organisations doivent permettre aux employés de s’auto-réaliser et de faire une plus grande utilisation de leurs habilités afin que le télétravail puisse leur procurer de la satisfaction. 

Par ailleurs, pour les personnes qui pratiquent le travail à domicile, l’espace de travail se déstructure et peut amener une certaine confusion entre le lieu de travail, l’univers familial et les loisirs. Il serait donc intéressant que les employeurs soient plus flexibles au niveau des horaires de travail quand cela est possible. Les employés pourraient ainsi alterner les périodes durant lesquelles ils sont productifs avec d’autres activités pouvant favoriser leur bien-être durant les périodes creuses (activités physiques, activités familiales, etc.). L’autonomie peut donc être un facteur de protection permettant aux travailleurs d’avoir plus de ressources pour atténuer les risques psychosociaux. 

Favoriser le développement du soutien social

Le soutien social est important pour les employés, car il renforce les aspects positifs de soi quand on fait face à des situations stressantes. Le télétravail entraîne un isolement professionnel et social qui change la nature et la profondeur des interactions sociales que les travailleurs ont entre eux et avec leurs superviseurs. Cela peut avoir un impact négatif sur la performance au travail et la santé mentale, notamment pour ceux qui font du travail à domicile sur une longue période (Collins et.al, 2016). Les organisations doivent s’assurer que ces employés aient tout le soutien dont ils ont besoin afin de limiter ces conséquences indésirables.

Les gestionnaires peuvent notamment encourager les employés à tisser des liens entre eux et à rester en contact via des communications informelles.  En effet, le soutien social des collègues peut avoir des effets positifs sur l’expérience professionnelle des individus. Il peut atténuer les tensions psychologiques et favoriser le bien-être (Halbesleben, 2006). Il est important aussi que les responsables hiérarchiques prennent contact régulièrement avec les employés afin de leur permettre d’exprimer leurs préoccupations, en particulier les personnes qui semblent plus silencieuses, et discuter des mesures qui pourraient les aider. En outre, les superviseurs doivent être disponibles à fournir de l’aide aux télétravailleurs afin d’éclaircir les tâches, réduire l’ambiguïté et le conflit de rôles et adapter la charge de travail. Pour promouvoir l’engagement organisationnel, les gestionnaires peuvent offrir du renforcement positif et de la reconnaissance du travail accompli et des capacités d’adaptation (INSPQ, 2020).

Pour finir, la courbe de progression de la pandémie nous laisse croire qu’un retour à la normale n’est pas pour demain. Le télétravail devrait donc se répandre un peu plus dans les entreprises. De ce fait, la disponibilité des ressources est plus que jamais importante pour aider les employés à bien faire leur travail. Les organisations devraient développer des pratiques de gestion favorisant l’autonomie et le soutien social afin d’atténuer les risques psychosociaux que la pandémie peut occasionner pour les employés. Cela ne pourrait qu’être avantageux pour les organisations, car des ressources humaines productives sont avant tout des ressources humaines en santé.


Références

Biron, C. (2020). Présenteisme, santé psychologique et performance au travail durant la pandémie.
Collins, A. M., Hislop, D., & Cartwright, S. (2016). Social support in the workplace between teleworkers, office‐based colleagues and supervisors. New Technology, Work and Employment, 31(2), 161-175
Halbesleben, J. R. (2006). Sources of social support and burnout: a meta-analytic test of the conservation of resources model. Journal of applied Psychology, 91(5), 1134.
INSPQ (2020). Le télétravail en contexte de pandémie : mesures de prévention de la COVID-19 en milieu de travail
ISQ (2020). Répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les entreprises du Québec en août 2020
Mckinsey (2018). The overlooked essentials of employees’ well-beings 
Saba, T., & Cachat-Rosset, G. (2020). COVID-19 et télétravail: un remède universel ou une solution ponctuelle Québec et comparaison internationale.
Tavares, A. I. (2017). Telework and health effects review. International Journal of Healthcare, 3(2), 30.
Tremblay, D. G., Chevrier, C., & Di Loreto, M. (2007). Self-employment: A Better Reconciliation of Personal and Professional Life... Or More Crossover in Social Times?. Télé-université, UQAM.
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