Savoir gérer les relations intergénérationnelles au travail 

19-01-2024
Faire des différentes générations présentes en entreprise un atout ? Parfaitement !
Rédigé par :
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Marilyn Bouchain
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Communication intergénérationnelle en entreprise

Évolution des mentalités, besoin de rétention de la main-d’œuvre : de plus en plus d’entreprises cherchent à instaurer un climat de travail sain au cœur des équipes ou des services. Au rang des nouvelles notions qui font leur chemin dans le monde des RH telles que l’EDI (Équité, diversité, inclusion), la CFT (conciliation famille travail) ou la proposition de valeur employé, la gestion des relations intergénérationnelles en entreprise a toutes les raisons de faire une percée remarquée.

De l’abandon progressif de la valorisation de l'ancienneté comme vecteur d'évolution de carrière à l’apparition de jeunes diplômé.e.s hyperspécialisé.e.s sur le marché de l’emploi en passant par le rappel des travailleur.se.s expérimenté.e.s, la cohabitation intergénérationnelle en milieu de travail, si elle a toujours existé, s’articule de nouvelle façon. Pour quelles raisons ? Dans quel contexte ? Quels sont les outils dont peut se prémunir l’entreprise afin d’appréhender au mieux cette facette de la gestion des ressources humaines ? Grâce à la lecture du phénomène de Nathalie Daffos, accompagnatrice RH et coach de carrière pour Objectif Emploi et le témoignage de Marie-Hélène Durivage Maher, Directrice Innovations et solutions technologiques chez Financière Des Professionnels, Pratiques RH lève le voile sur une problématique qui a de beaux jours devant elle.

Séniors ou juniors : se défaire des clichés

« Ce que nous recommandons avant tout aux entreprises, c'est de démystifier les stéréotypes : les sénior.e.s ne savent pas se servir d'internet, les jeunes ne savent pas communiquer et manquent de concentration… ». Nathalie Daffos sait de quoi elle parle : spécialiste dans l’accompagnement RH des entreprises, elle intervient auprès de ces dernières sur le sujet méconnu des relations intergénérationnelles.

Comme pour confirmer les sentences entendues, le schéma qui a le plus de chance de s’imposer à l’esprit lorsque ce type de relations professionnelles est évoqué, est celui d’une dichotomie entre un.e salarié.e de plus de 45 ans, doté.e d’une expérience professionnelle conséquente, occupant un poste d’encadrement et un.e jeune, diplômé.e ou non, intégrant le marché du travail. Mais ce faisant, les différentes dimensions de la question s’en trouvent occultées …

La relation intergénérationnelle à poste égal

Soit par choix personnel, soit parce que le type d’emploi ne le permet pas, il arrive qu’employé.e.s sénior.e.s expérimenté.e.s et employé.e.s. plus jeunes moins expérimenté.e.s travaillent ensemble dans une équipe constituée de postes à égalité de tâches et de compétences. La cause des conflits n’est pas alors à imputer au rapport hiérarchique.

La relation intergénérationnelle à expérience équivalente

Reconversions, immigration, quelle que soit la raison, il est possible que des employé.e.s sénior.e.s se retrouvent au même niveau d’expérience que des collègues beaucoup plus jeunes. À l’image des relations intergénérationnelles à poste égal, la position hiérarchique dans l’entreprise n’est pas en jeu.

La relation intergénérationnelle verticale inversée

 Alors que la logique de progression en entreprise voulait jadis que l’accès aux postes d’encadrement ou de décision se fasse à l’expérience, l’appétence des entreprises pour les jeunes diplômé.e.s a renversé la tendance. Un.e salarié.e sénior.e peut dorénavant se voir dirigé.e par un.e jeune diplômé.e formé.e aux dernières techniques dont a besoin l’entreprise. Quant aux nouvelles tendances managériales, elles sont aussi vectrices de bouleversement des rapports professionnels classiques, notamment le management transversal… Un changement difficile à intégrer pour certain.e.s.

Affiner la perception managériale

Parce que les différents cas de figure des relations intergénérationnelles ont été identifiés, il devient plus aisé pour le.la gestionnaire de les repérer dans son propre environnement. Reste à chercher quelles mesures mettre en place pour, non seulement désamorcer d’éventuelles tensions, mais aussi pour optimiser les forces en présence.

La gestion intergénérationnelle

La gestion intergénérationnelle semble à cet égard constituer une approche adaptée, car elle se base, en premier lieu, sur l’analyse des différentes tranches d’âge d’une équipe ou d’un service : elle détermine les spécificités générationnelles de chacune, les forces et les besoins. Une tâche moins simple qu’il n’y parait, car l’analyse doit se faire exempte de tout biais cognitif (présupposées qualités et difficultés de chaque génération, âgisme latent, etc.).

Dans un deuxième temps, ce type de gestion va permettre d’élaborer des stratégies afin de créer des synergies favorisant l’efficacité, la créativité et la productivité. Il est à distinguer du management des générations qui lui, se concentre sur l’insertion des plus jeunes et le maintien en emploi des travailleur.se.s expérimenté.e.s. L’objectif du management intergénérationnel est de cerner les apports mutuels que peuvent se faire les différentes générations afin d’atteindre un but commun.

Contenu supplémentaire

Générations XYZ

On considère que jusqu'à 4 générations peuvent se côtoyer en entreprise :

  • Les baby-boomers (nés entre 1946 et 1964)
  • La génération X (née entre 1965 et 1980)
  • La génération Y (née entre 1980 et 1996)
  • La génération Z (née après 1997), stagiaires, en alternance, jeunes diplômé.e.s
     

Miser sur la diversité générationnelle

Parmi les stratégies auxquelles le.la gestionnaires peut avoir recours, la mise en place d’une mixité générationnelle dans les équipes semble s’avérer une solution concluante comme le confirme N. Daffos : « Des écoles de commerce ont prouvé par des études que la coopération intergénérationnelle favorise l'innovation et la créativité en entreprise. »

Des exemples de combinaison réussie se rencontrent souvent dans le domaine des nouvelles technologies (TI) où l’expérience des sénior.e.s s’allie aux compétences des junior.e.s au moment de créer une équipe sur un projet donné. Une réalité qu’expérimente au quotidien Marie-Hélène Durivage Maher, Directrice Innovations et solutions technologiques : « Le but, c'est se développer ensemble, dans l’entre-aide. Le.la jeune qui vient d’arriver, va vouloir essayer toute une panoplie de technologies, car il.elle a soif d'apprendre tandis que le sénior, avec le recul, va proposer un cadre pour tester ces nouveaux dispositifs. Une équipe homogène aux alentours de la vingtaine fera peut-être les erreurs qu'un.e sénior.e a déjà faites par le passé… Parfois, ça induit un regard complètement différent sur la façon d'amener ou de tester les choses de la part des nouvelles générations. On finit par parvenir à un mix des deux en discutant, à se dire « : OK, je te fais confiance, essayons ta technique, mais voici les enjeux. » 

Enthousiaste, Marie-Hélène Durivage Maher, précise que l’équilibre peut aussi se faire entre une vision stratégique basée sur de l’expérimentation et l’introduction de nouveaux outils avant de donner l’exemple d’une démarche commerciale pressentie au sujet de laquelle on se pose la question « Est-ce que ça peut marcher pour ces clients ? ». La première étape de réponse de la part du.de la sénior.e va pouvoir être : « Peut-être mais il faudrait les sonder pour ne pas perdre du temps et de l’argent avec une campagne. ». Suivie par la surenchère du.de la junior.e : « On va le faire en ligne, de façon intuitive et accessible grâce à tel ou tel outil. ». Parfait exemple de travail coopératif orienté résultats !

Valoriser chaque membre de l’équipe

Nathalie Daffos , quant à elle, insiste sur le fait que « Le rôle des gestionnaires et des services RH, c'est vraiment de susciter les échanges, d'organiser des activités de cohésion d'équipe, une culture d'entreprise basée sur la communication puis l'échange. »

Car, loin de se cantonner à l’élaboration d’une équipe équilibrée performante, la tâche des encadrant.e.s, va consister en un accompagnement fin qui saura valoriser les soft skills ou les compétences transversales pour contrer les égos et la concurrence anti-cohésion : les membres sont encouragé.e.s à reconnaitre les forces de chacun.e, à solliciter l’échange des savoirs, etc. Un travail d’autant plus important lorsqu’il est question d’aider à faire accepter à un.e salarié.e expérimenté.e l’autorité et les compétences d’un.e collègue plus jeune …

Le mentorat

Autre stratégie sur laquelle va pouvoir s’appuyer l’encadrement : le mentorat. Dans ce cas, la relation d’apprenant.e à appreneur.se est assumée et acceptée comme une sorte de contrat entre les deux parties. Un binôme est créé afin que le nouvel élément, grâce à l’accompagnement de son.sa mentor.e, puisse atteindre le point fort de son opérationnalité plus rapidement. Une expérience que valide M-H Durivage Maher, en tant que gestionnaire et à titre personnel : « Je me souviens de quand j'étais plus jeune, que j’ai commencé à travailler. J’ai apprécié de rencontrer quelqu'un qui avait déjà fait le parcours, qui était déjà passé par là… Ça amène à ne pas stresser sur des affaires qui, à notre échelle, sont presque anxiogènes… ou à s’aligner sur des choses que soi-même, on ne pense pas nécessaires mais qui, au final, le sont.»

Le mentorat inversé

Le reverse mentoring (ou mentorat inversé) est un procédé par lequel les membres les plus jeunes d'une entreprise vont initier les plus âgés à l'usage des nouvelles technologies, ce qui va impulser une transmission à double sens. Démocratisée dans les années 70, la formule semble faire ses preuves à chacune de ses applications ainsi que l’a expérimenté aux États-Unis l’entreprise General Electric dès 1999 en demandant à une centaine de profils juniors d’initier leurs pairs plus âgés aux joies du web émergeant. Résultat ?  Une augmentation de 4 000 % de la valeur la société !

Outre le gain en termes de montée en compétences des sénior.e.s, la manœuvre impacte positivement l’expérience employé.e des plus jeunes en leur confiant des responsabilités et une position valorisante qui leur permet de se démarquer et de mettre à profit leurs savoirs. Une belle façon de fidéliser la relève des talents.

Des générations raccord : un gain pour l’entreprise

Qu’elles soient donc deux, trois ou quatre à se côtoyer au sein de l’organisation, la façon dont les générations vont interagir sur leur lieu de travail, se considérer les un.e.s les autres et s’ouvrir à des compétences ou modes de pensée différents des leurs est en mesure d’ influencer la dynamique relationnelle des équipes ou services mais aussi d’ouvrir sur de nouvelles formes de management plus collaboratives, de revivifier les pratiques professionnelles en évitant la calcification, de provoquer des réactions en chaîne de créativité et d’innovation par effet d’émulation.

Les relations intergénérationnelles en entreprise : à faire entrer dans le logiciel RH en perpétuelle évolution du 21e siècle !