Repreneuriat ou comment une stagiaire est devenue propriétaire d'une PME

01-05-2023
Une belle histoire de relève inspirante.
Rédigé par :
Author
Annie Bourque, Pratiques RH
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Repreneuriat

Offrir un stage à un.e étudiant.e peut s'avèrer un placement judicieux pour les dirigeant.e.s d'entreprise en manque de relève.

Car, d’ici 2025, environ 34 000 entrepreneur.e.s. québécois.e.s comptent céder leur entreprise, selon les données de l’Institut de recherche sur les PME de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).  

Parmi ce nombre, on compte Linda Beaudin qui a décidé de vendre en 2020 son cabinet d’esthétique à Elvia Martinez, une ancienne stagiaire, devenue son employée et par la suite, propriétaire.  

L’entrepreneure de 63 ans nous explique l’importance de bien planifier le processus de transfert qui dans son cas, dure depuis trois ans. En prenant le temps de partager sa vision, ses valeurs et son savoir-faire à sa protégée, Mme Beaudin assure ainsi la pérennité de l’entreprise.  

Trouver la perle rare en matière de relève  

Œuvrant dans le domaine de l’esthétique depuis 42 ans, l’entrepreneure de Cowansville a pris l’habitude d’accueillir sous son aile une quinzaine de jeunes stagiaires. Une mission, selon elle. « Quand je suis sortie de l’école, confie Linda Beaudin, j’ai eu de la difficulté à trouver un emploi : on me demandait partout de l’expérience. »  

Recommandée par sa professeure d’esthétique, Elvia Martinez commence en novembre 2019, un stage au salon Au coeur du bien-être, situé en face du Lac Davignon à Cowansville. Un endroit ensoleillé, paisible et chaleureux. Immédiatement, la stagiaire a adoré l’ambiance et les client.es, nous confie-t-elle.  

De son côté, l’entrepreneure d’expérience observe que sa stagiaire a les aptitudes afin de reprendre les rênes de son commerce. La jeune femme possède aussi un talent comme esthéticienne, mais aussi comme gestionnaire. « Elvia a le désir de bien faire les choses et elle est perfectionniste. Je me suis reconnue en elle », confie Linda Beaudin.   

Processus de transmission de ses connaissances  

Après la réussite de son stage, Elvia Martinez s’engage à suivre des formations en électrolyse, laser et massothérapie. Une condition essentielle pour assurer le succès du salon. « Pour survivre dans notre domaine, il faut aussi plusieurs cordes à son arc », commente Mme Beaudin.   

Pendant trois ans, cette dernière va transmettre ses connaissances et agir comme mentore. Sa protégée prend la peine de suivre ses conseils tant pour le savoir-être que le savoir-faire.

« Elvia a les mêmes valeurs que moi, ajoute Linda Beaudin. Elle croit en l’entreprise et elle est loyale et déterminée. »  

Parcours marqué par un puissant désir de réussite 

Elvia Martinez a toujours compté sur l’appui de Mme Beaudin qui admire sa remarquable ténacité. Originaire de Colombie, Elvia est arrivée au Québec, en octobre 2008. La maman de deux enfants, alors âgés d’un an et 3 ans réalise le plus grand défi de son existence : apprendre le français.   

Pendant des années, elle se consacre à l’apprentissage de la langue tout en poursuivant une formation afin de devenir cuisinière. Puis, durant cinq ans, elle travaille dans un centre pour aînés. Entretemps, elle donne naissance à un 3e enfant, un garçon, aujourd’hui, âgé de 12 ans. Finalement, elle décide d’orienter sa carrière en optant pour une formation en esthétique à l’École de Saint-Hyacinthe.  

Quelle leçon retient-elle de son parcours ? « Il ne faut jamais se décourager, dit Elvia Martinez. Au début, je restais au salon, de 8 h à 17 h, même si je n’avais aucun client. Quand on commence, il faut se fixer un but et être concentré sur l’objectif. »  

Ressources disponibles pour faciliter la vente de votre entreprise  

Aide financière pour l’acquisition de l’entreprise  

Le 7 octobre 2021, il y a un an et demi, Mme Martinez a finalement procédé à l’acquisition du commerce de Mme Beaudin. « La BDC m’a grandement encouragée à devenir entrepreneure et m’a aidée », mentionne-t-elle.  

De plus, les judicieux conseils de sa mentore lui ont permis d’apprivoiser peu à peu chaque client.e. Dans un domaine intime comme l’esthétisme ou la massothérapie, la jeune femme a appris à développer un lien de confiance avec chacun.e, et ce, tout en offrant des soins personnalisés. Un défi qui a été surmonté au fil des rencontres.  

Un nouveau départ pour deux femmes d’exception  

En juin 2023, après plus d’un an et demi de transition, Mme Beaudin dira adieu à Elvia et à sa fidèle clientèle. « Je fais le deuil de gens que j’aime. Je suis contente d’être restée afin de faciliter le transfert de mon entreprise qui est aussi en quelque sorte mon bébé.»  

Mme Beaudin conseille aux entrepreneur.e.s qui veulent céder leur entreprise de réfléchir à leur potentiel. « Il faut prendre le temps aussi de trouver notre flamme ailleurs que dans notre entreprise et de voir ce qui nous stimule. » 

Les projets ne manquent pas en matière de voyages et de loisirs pour la dynamique Linda Beaudin. De son côté, Elvia Martinez veut continuer à se perfectionner afin d’assurer toujours le meilleur service à ses client.e.s. « Je suis fière de mon parcours », confie-t-elle humblement.  


À retenir :  -On ne doit jamais avoir peur de l'échec ni de l'inconnu


Clé du succès : identifier la personne pour votre succession   

Préparer la relève au sein de son entreprise est primordial, selon la psychologue organisationnelle Josée Blondin

«Il en va de la survie de notre Québec Inc*., confie-t-elle, d’un ton passionné. Il faut s’y prendre d’avance. »  

Enfin, les spécialistes interrogés pour ce reportage estiment que la clé du succès réside dans l’identification de celui ou celle qui nous succédera en affaires. Selon un sondage réalisé auprès des chefs de PME, 54 % d’entre eux, estiment que le plus grand obstacle consiste en la recherche d’un acheteur.euse ou successeur.e adéquat.e.   

« On pense trop à l’aspect financier, légal et fiscal. On oublie le volet humain et surtout sa capacité à identifier la relève chez les employé.e.s, la famille, à l’externe ou un mélange des trois », indique Mme Blondin qui est aussi conférencière, formatrice et spécialiste en transfert d’entreprise.  

La créatrice d’un atelier sur le concept de l’Alzheimer organisationnelMC qui vise à optimiser le transfert des connaissances vers la relève suggère aux dirigeant.e.s d’entreprise de parler avec les membres du personnel lors de l’évaluation annuelle.   

  • Demandez à vos gens : quelles sont tes aspirations ?  
  • Comment vois-tu ton cheminement dans l’entreprise ?  

Après avoir identifié la personne susceptible de prendre la relève, il est possible d’entrevoir un plan d’action qui comprend l’accompagnement avec un mentor ou un coach.  Ce processus se réalise en collaboration avec des experts spécialisé.e.s dans l’aspect humain, mais aussi sur le  plan financier, légal et fiscal.  

Rôle du mentor ou d’un coach dans le transfert d’entreprise  

  • Augmente la confiance du repreneur.e.   
  • Clarifie sa vision et ses objectifs. 
  • L’aide à mieux planifier et gérer ses priorités.  
  • Permet de mieux gérer son stress.  
  • Améliore ses compétences en leadership et ressources humaines.  

De plus, Mme Blondin déplore que plusieurs dirigeants de PME n’osent pas révéler qu’ils sont en train de transférer leur joyau à quelqu’un de fiable. Un tabou à surmonter, selon elle. « Les gens voient bien qu’on vieillit et évidemment, on ne va pas travailler jusqu’à 102 ans, ironise-t-elle. En ayant une relève établie, cela rassure la clientèle  et les fournisseurs. »  

Du même souffle, Mme Blondin ajoute l’importance d’une bonne préparation pour la personne qui s’apprête à céder son entreprise. Le succès, selon elle, réside dans cette transition.  

« Cette étape est cruciale, dit Josée Blondin qui est aussi l’auteure du livre de l’Après Inc, car, ce manque de préparation en amont fera en sorte qu’on risque de ne pas voir de relève potentielle autour de nous. Certains craignent de céder leur place et d’autres ont l’impression de perdre leur identité et plusieurs ignorent ce qu’ils feront par la suite. »

Contenu supplémentaire

Saviez-vous que ?  

76 %  

des propriétaires  PME au Canada comptent passer le flambeau d’ici 10 ans. 

La moitié des chef.fe.s d’entreprise au Canada ont 55 ans et plus.  

46 % d’entre eux songent à vendre leur entreprise, mais ne disposent d’aucun plan

Préserver son héritage économique  

La spécialiste s’inquiète de l’empressement de PDG de vendre leur joyau à des entreprises étrangères.  

Mme Blondin observe que plusieurs entrepreneur.e.s « à boutte » ressentent une forme « d’écoeurantite aigue ». Croyant avoir trouver la personne de confiance pour prendre la relève, plusieurs partent six mois en Floride pour se ressourcer.  

Ce n’est pas la bonne façon, note la spécialiste en transfert d’entreprise : la personne qui reprend l’entreprise a besoin d’être accompagnée. Cela prend un plan de transition étalé sur plusieurs années (idéalement de 5 à 10 ans) avec un transfert de connaissances.  

À lire pour en savoir plus: 

Bel exemple de repreneuriat 

Les clés d’un bon transfert 

3 qualités nécessaires pour reprendre les rênes d’une entreprise  

La personne qui reprend les rênes d’une compagnie doit posséder 3 qualités essentielles, selon Rina Marchand, co-auteure de l’Indice entrepreneurial québécois dont le thème cette année portera sur le repreneuriat et sera publié le 18 mai prochain. 

1. Empathie et écoute  

En faisant l’acquisition d’une entreprise, la personne doit démontrer de l’empathie et de l’écoute envers le fondateur.trice. « Il y a tout un vécu derrière celui ou celle qui s’apprête à vendre son commerce », dit la directrice principale, Contenus et innovation au Réseau Mentorat. Cette écoute doit aussi se manifester envers la clientèle, les fournisseurs, des partenaires qui entretiennent des liens de confiance privilégiés avec le.la dirigeant.e. d’entreprise. 

2. Clarifier la vision 

Mme Marchand affirme que le repreneur.e d’une entreprise doit clarifier sa vision. La personne doit se poser ces questions :  

  • Quel est mon but ? 
  •  Ai-je le personnel nécessaire pour faire grandir l’entreprise ? 
  • Quelle vision veut-on insuffler à l’entreprise ? 

En répondant à ces interrogations, l’aspirant.e. entrepreneur.e sera en mesure de déceler la direction à prendre. « Quand on conduit une voiture, si on regarde trop en avant, on ne voit pas nécessairement les virages à prendre, illustre-t-elle. Il faut porter notre vision un peu plus loin afin de bien se positionner et entrevoir la croissance de l’entreprise.»  

3. Faire preuve de leadership  

À sa première acquisition d’entreprise, la personne doit prouver son talent de leader autant à l’ancien.ne propriétaire qu’aux employé.e.s et à sa clientèle.  

« Cela prend de l’audace, de l’écoute et de la vision résume Mme Marchand. Les mentors du Réseau Mentorat peuvent accompagner les entrepreneurs dans cette démarche. » 

Le danger, en transfert d’entreprise, c’est de laisser trop ou pas assez de corde à sa relève. De là, l’importance d’un bon accompagnement.

« La réussite d’une bonne relève, confie la spécialiste en transfert d’entreprise Josée Blondin, c’est lorsque la personne est capable de développer ses propres réflexes stratégiques, financiers et faire preuve de leadership tout en mettant sa propre couleur dans l’entreprise. »  

À votre tour, vous songez à céder votre entreprise pour prendre une retraite bien méritée ? Voici des ressources pour vous aider à réaliser cette transition, à votre rythme, comme l’a fait précédemment Linda Beaudin à qui on souhaite une très bonne retraite.  

*Nota bene : Le Québec Inc est une expression souvent utilisée pour définir ces nouvelles entreprises qui jouent un rôle important dans l’économie. Spontanément, on pense aux fleurons comme Saputo, Vidéotron, Jean Coutu, etc.