Projet de loi-59 : les impacts à prévoir

06-10-2021
Le 30 septembre 2021 passera désormais à l’histoire comme étant le jour ou le régime de santé et sécurité du travail québécois a été, finalement, modernisé. À cette date, en effet, l’Assemblée nationale du Québec a adopté ce volumineux et controversé projet de loi qui a fait couler beaucoup d’encre au cours de la dernière année.
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l'équipe de Pratiques RH
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Pratiques RH, SST et mieux-être, santé et sécurité, PL59

Le projet de loi a été adopté sans l’appui des trois partis d’opposition, témoignant ainsi des divergences d’opinions entre patrons et syndicats qui auront caractérisé les échanges tout au long de la Commission parlementaire. Commission qui aura d’ailleurs nécessité 37 séances et 186 heures de débats, de questions et d’échanges pour venir à bout de revoir plus de trois cents articles touchant les deux lois-cadres du régime. La loi sur la santé et sécurité du travail (LSST), et la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).

Mais quels sont les principaux changements qui seront apportés au régime de santé et sécurité? Quels seront les impacts à prévoir pour les employeurs québécois au cours de prochaines années? Quelles sont les nouveautés introduites?

L’équipe de pratique RH vous propose de brosser un portrait de la situation afin de vous aider à vous y retrouver.

Volet indemnisation (LATMP) 

Plusieurs modifications ont été apportées au régime d’indemnisation (LATMP). Les principaux thèmes touchés sont la réadaptation, l’assignation temporaire ainsi que l’admissibilité des maladies professionnelles.

Le chapitre sur la réadaptation est modifié considérablement. En effet, en vue notamment de se conformer aux exigences de l’arrêt Caron de 20181, les employeurs auront désormais l’obligation d’appliquer les principes d’accommodement raisonnable envers l’employé porteur de limitations fonctionnelles permanentes conséquences d’une lésion professionnelle.

Les anciennes dispositions de la loi comportaient des limites de temps précisant la durée de l’obligation d’un employeur en matière de réintégration. Une année pour les établissements de moins de 20 travailleurs, et deux années pour les établissements de plus de 20 travailleurs.

Dorénavant, les employeurs seront tenus de faire une analyse complète de l’organisation et du poste de travail, sans égard au temps, et de démontrer à la satisfaction de la commission qu’il existe une contrainte excessive afin de justifier l’impossibilité de réintégrer un employé, le cas échéant. Nous ajouterons aussi que les amendements originaux ont été modifiés afin de ramener l’employeur comme partie prenante au premier plan et au cœur de l’analyse de la démarche de réadaptation.

En matière d’assignation temporaire, les modifications apportées stipulent que les employeurs devront toujours obtenir le consentement du professionnel de la santé qui a charge en utilisant un formulaire spécialement conçu à cet effet. Il est intéressant de souligner que si le professionnel de la santé refuse l’assignation temporaire soumise par l’employeur, il aura dorénavant l’obligation d’indiquer les limitations fonctionnelles.  

La création d’un comité d’expert scientifique indépendant en matière d’admissibilité des maladies professionnelles verra le jour prochainement. L’actuelle annexe qui figure à la loi (LATMP), sera remplacée par un règlement ou figureront une série de diagnostics associés à des conditions particulières, lesquels fourniront une présomption favorable au travailleur qui soumettrait une réclamation.

À titre d’exemple, il fut ajouté pendant les travaux de la commission certains diagnostics qui figurent désormais à l’annexe. Les stress post-traumatiques, la maladie de Parkinson et la maladie de Lyme font désormais partie de la liste.

Le comité d’expert scientifique aura pour mandat d’analyser ponctuellement de nouvelles maladies qui pourraient être associées à des conditions particulières reliées au travail afin de soumettre des recommandations au conseil d’administration de la CNESST.

Il nous apparait aussi pertinent de mentionner au passage la question des partages d’imputation. En effet, les amendements originaux du projet de loi ont fait vivement réagir le monde patronal étant donné la portée très restrictive qu’elles proposaient. Cependant, aux termes de plusieurs représentations et échanges, le ministre a accepté de retirer les amendements, laissant la place au statu quo actuel jugé beaucoup plus équitable pour les employeurs.

Volet prévention (LSST) 

Le volet de la prévention emmènera aussi quant à lui son lot de nouveautés et de changements en profondeur du régime de santé et sécurité du travail québécois.

Les mécanismes de prévention, jusque-là réservée aux secteurs prioritaires des groupes 1 et 2, et dans certains cas du groupe 3, seront désormais appliqués à l’ensemble des établissements québécois de plus de 20 travailleurs, et ce, peu importe le secteur d’activité.2

Ainsi, la grande majorité des entreprises auront à élaborer un plan d’action conformément aux dispositions de l’article 59 de la loi, à constituer un comité de santé et sécurité du travail et à nommer un représentant à la santé et sécurité issue d’une association accréditée ou nommée par les travailleurs.

Ceci constitue un virage majeur, car cette nouveauté aura un impact direct sur des dizaines de milliers d’entreprises.

Pour leur part, les établissements de moins de 20 travailleurs ne sont pas en reste. Ils auront l’obligation d’élaborer un plan d’action en prévention, qui devra répondre essentiellement aux mêmes exigences que celui prévu pour les établissements de plus 20 employés. Seules les obligations relatives au programme de santé sont soustraites des obligations.  

Une autre nouveauté fondamentale dans le nouveau régime est sans aucun doute l’introduction de la notion d’intégrité psychique en complément à l’intégrité physique. À l’origine, cette notion devait inciter les employeurs à prendre des mesures pour prévenir les problèmes de violences et de harcèlement en milieu de travail.

Cependant, l’introduction de cette nouvelle notion a pris une tout autre tournure. Le ministre a clairement mentionné en commission parlementaire que dorénavant, les employeurs devront tenir compte des risques psychosociaux (RPS) dans le contenu de leur programme de prévention. Des RPS tels ceux qui sont mentionnés par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ); la charge de travail, l’autonomie décisionnelle, la reconnaissance, le soutien social du supérieur et des collègues et le harcèlement psychologique.

Les délais 

La mise en application de l’ensemble des changements à notre régime de santé et sécurité du travail se fera graduellement au fil des prochaines années. Une série de dispositions relatives à des mesures intérimaires a été adoptée afin de fixer un calendrier dans le temps, qui débutera au moment de la sanction de la loi. Cette sanction n’était pas encore réalisée au moment d’écrire ses lignes.

L’équipe de pratique RH vous reviendra d’ici quelques semaines avec l’ensemble des mesures et leurs dates prévues de mise en vigueur.


Références

1. https://www.droit-inc.com/article21892-Arret-Caron-quelles-consequences-juridiques
2. https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/prevention-securite/organiser-prevention/faire-un-programme-prevention/groupes-prioritaires