Mesures de réadaptation et assignation temporaire, les changements importants
1. L’assignation temporaire et l’introduction d’un nouveau formulaire obligatoire
À quel besoin l’introduction d’un nouveau formulaire répond-il?
Le législateur a surtout voulu répondre à un besoin d’uniformité et de clarification.
Avant le 6 octobre 2022, l’utilisation du formulaire prévu par la CNESST était optionnelle. Des formulaires maison, ou encore celui proposé par la CNESST étaient utilisés pour l’assignation temporaire en vue d’obtenir l’opinion du médecin traitant. Le médecin traitant n’ayant pas l’obligation d’indiquer les limitations fonctionnelles physiques et psychiques de l’employé sur le formulaire, il demeurait alors difficile pour un employeur d’en comprendre le refus et ainsi, s’ajuster.
Historiquement, le manque d’information concernant les limitations fonctionnelles temporaires présentait un réel problème dans la gestion de l’assignation temporaire au quotidien. Avec l’ajout des limitations fonctionnelles et d’autres indications précises sur le formulaire, l’employeur sera désormais mieux outillé pour comprendre et s’ajuster dans son offre d’assignation temporaire.
En conséquence, le nouveau formulaire viendra uniformiser et clarifier la gestion et la communication entre l’employeur, l’employé.e, le.la professionnel.le de la santé traitant ainsi que toutes les ressources impliquées dans la gestion du processus d’assignation temporaire.
À compter du 6 octobre 2022, l’utilisation d’un formulaire unique est désormais obligatoire afin d’obtenir l’autorisation d’une assignation temporaire par le.la professionnel.le de la santé traitant.
Les principaux changements
Le.la professionnel.le de la santé doit obligatoirement identifier et indiquer sur le formulaire les limitations fonctionnelles temporaires qui affectent le travailleur et donner son avis sur la ou les propositions d’assignation temporaire de l’employeur.
Également, lorsqu’un employeur assigne un.e travailleur.euse à un emploi comportant un nombre d’heures inférieur à celui de son emploi pré-lésionnel habituel, l’employeur dispose de deux options pour le versement du salaire. Il doit indiquer son choix dans le formulaire obligatoire :
- Soit il verse 100 % du salaire et des avantages que le travailleur recevait avant sa lésion. S’il choisit cette option, l’employeur peut ensuite demander un remboursement à la CNESST correspondant au salaire net versé pour les heures payées, mais non travaillées, jusqu’à concurrence du montant de l’indemnité de remplacement du revenu auquel la travailleuse ou le travailleur aurait droit sans cette assignation (dans les 90 jours de la fin d’une période de paie)
- Soit il verse le salaire pour les heures effectivement travaillées et la CNESST verse au travailleur un montant correspondant à l’indemnité de remplacement du revenu pour combler la différence entre le montant de l’indemnité de remplacement du revenu auquel il aurait droit, sans cette assignation, et le salaire net qui lui est versé par l’employeur pour ce travail
Quels sont les principaux avantages?
Le nouveau formulaire favorise une meilleure communication entre l’employeur, le.la travailleur.euse et le.la professionnel.le de la santé traitant.e. Également, le fait d’obliger le.la professionnel.le de la santé à indiquer les limitations fonctionnelles dans le formulaire permet de mieux orienter l’employeur dans son processus d’assignation temporaire.
Le recours à un formulaire unique permet également de réduire le nombre de formulaires qui doivent être remplis pour obtenir l’assignation temporaire, car l’employeur dispose dès le départ de l’information concernant les limitations fonctionnelles de l’employé.e et donc, d’évaluer plus rapidement l’assignation adéquate à proposer.
Y a-t-il des angles morts à surveiller?
L’ensemble de ces nouvelles mesures vont-elles contribuer à accélérer le processus d’assignation temporaire? À clarifier, certes, mais à les accélérer, ça reste à voir.
Un certain volume de refus du professionnel de la santé traitant de remplir le formulaire parce que ce dernier pourrait être perçu comme un fardeau administratif supplémentaire est à prévoir. Cela aurait pour effet de retarder le processus d’assignation temporaire.
Et finalement, l’obligation de faire parvenir à la commission le formulaire systématiquement, même en cas de refus, est davantage une formalité administrative supplémentaire pour les employeurs.
Maintenant, les principaux changements en matière de réadaptation à surveiller qui sont, également effectifs à compter du 6 octobre 2022.
L’obligation d’accommodement raisonnable et le droit au retour au travail
La CNESST dispose maintenant d’un plus grand pouvoir qu’avant dans la détermination d’un emploi convenable, et ce, indépendamment du fait que le délai pour qu’un travailleur puisse exercer son droit au retour au travail soit expiré, car cette notion n’existe tout simplement plus.
La disponibilité d’un emploi convenable chez l’employeur est, certes, déterminée en collaboration avec l’employeur et le.la travailleur.euse. Mais pour ce faire, la CNESST a maintenant le pouvoir d’exiger des renseignements et des documents comme la description détaillée du poste, des possibilités et exigences physiques et psychologiques des emplois disponibles ailleurs chez l’employeur, ainsi que les possibilités d’adaptation de ces emplois.
Un point essentiel :
- La CNESST détermine, en collaboration avec l’employeur et le.la travailleur.euse, si un accommodement raisonnable est requis pour permettre au travailleur d’exercer un emploi chez l’employeur
- La commission peut, par exemple, aménager les tâches d’un.e travailleur.euse, son horaire de travail, ainsi que l’organisation de son travail
L’employeur peut, toutefois, toujours faire la démonstration de l’existence d’une contrainte excessive en lien avec les démarches de retour au travail. Tout ceci découle directement de l’héritage de l’arrêt Caron de la Cour suprême du Canada rendue en 2018, qui a déterminé que l’obligation d’accommodement raisonnable s’applique désormais au processus de réadaptation et à la détermination d’un emploi convenable suivant une lésion professionnelle. Pour rappel, une contrainte excessive est généralement associée à des questions d’ordre organisationnel, matériel, financier ou sécuritaire.
Afin de raisonnablement démontrer l’existence d’une telle contrainte, l’employeur doit notamment prouver que la réintégration du travailleur ou de la travailleuse aura un impact sur le bon fonctionnement de l’entreprise ou de l’organisation du travail, ou encore sur les droits et la santé et sécurité en général.
Dernier point à surveiller. Il est désormais possible pour la CNESST, dans le cas où un employeur refuse sans motif valable de collaborer au processus de réadaptation ou de réintégrer l’un.e de ses employé.e.s suivant l’avis de cette dernière, d’imposer une sanction financière administrative qui pourrait s’élever jusqu’à concurrence de la valeur d’une année d’indemnité de revenu du travailleur concerné.
En conséquence, il faut retenir qu’à compter du 6 octobre 2022, l’approche en matière de réadaptation et de droit de retour au travail est complètement transformée pour les employeurs.
Les principes d’accommodement raisonnable s’appliquent, désormais, en matière de réadaptation à la suite d’une lésion professionnelle. La commission a désormais le dernier mot afin de déterminer s’il s’agit d’un emploi convenable ou non. Les limites de durée de droit de retour au retour au travail qui figuraient auparavant à la loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles (LATMP), en fonction de la taille de l’établissement, n’existent plus.
Et pour terminer, le refus de collaboration et de réintégration dans le cas d’un avis favorable de la commission entraînera une sanction financière pour l’employeur.