Privilégier l’usage du français dans l’industrie du jeu vidéo, c’est possible
C’est la création de capsules linguistiques ludiques à l’adresse de ses employé.e.s qui vaut à l’entreprise de développement et création de jeux vidéo Triple Boris de remporter le prix des Mercuriades de L’Excellence en français 2022 décerné par la FCCQ.
Créée en 2014 par Simon Dansereau, la PME québécoise a vite fait de monter les échelons du succès : de quatre, elle passe à quarante employé.e.s en pleine pandémie grâce à une remarquable souplesse stratégique. Une capacité d’adaptation que l’on retrouve au travers du plan de développement des compétences mis en place. Comment aider son personnel à enrichir son savoir-faire ?
L’amélioration de la qualité du français au travail est une des voies que Triple Boris a choisi d’explorer…
Le français fait partie de l’ADN de l’entreprise
Pour Simon Dansereau, président et fondateur de l'entreprise, le français en entreprise va de soi. Bien qu’évoluant dans un secteur d’activité où traditionnellement l’anglais fait figure de langue véhiculaire, sa volonté de dépasser les nécessités pragmatiques du marché est inébranlable.
Site internet affiché par défaut en français, communications internes et publications sur les médias sociaux rédigées en français mais aussi création systématique des jeux sur appareils mobiles en version bilingue confèrent à l’entreprise une personnalité unique dans une industrie où le Québec se place au 5ème rang de la production mondiale.
Contrer l’usage de l’anglais chez les jeunes employé.e.s
Identifiée comme un atout indéniable, l’orientation linguistique de Triple Boris est intégrée dans la planification stratégique de l’organisation. « Nous avions remarqué que nous avions des gens qui, soit ne connaissaient pas les règles de grammaire et d’orthographe, soit n’avaient pas conscience de l’importance que pouvait prendre la qualité du français en milieu de travail. Quelle que soit la raison, la façon dont nous nous y sommes pris a réglé le problème ! »
Contrairement à nombre d’entreprises québécoises, l’enjeu n’était pas la mise en place d’une francisation de base. « Étant un petit studio, notre équipe n’est pas très cosmopolite. Nos employé.e.s issu.e.s de l’immigration sont pour la plupart des français.e.s qui écrivent très bien. Notre problème est plus d’ordre générationnel : des jeunes qui utilisent le langage texto mais aussi qui, bien qu’étant francophones, adoptent l’anglais comme langue de communication. Comme s’il y avait une volonté de se détacher de la culture québécoise alors qu’au contraire, je pense qu’il faut la mettre de l’avant, la célébrer. Toutefois, même si à mon sens le québécois est une langue à part entière, un pluriel reste un pluriel et mérite un s…»
Outre les enjeux de communication, Simon Dansereau évoque un élément peu abordé lorsqu’il s’agit de la qualité du français en milieu professionnel : « C’est aussi une question de confiance que je peux avoir, moi en tant qu’employeur, dans le professionnalisme des membres de mon équipe. Quand je vais voir un neurochirurgien, je m’attends à ce qu’il soit capable d’écrire une prescription sans fautes d’orthographe ou de syntaxe. C’est la même chose dans le cas d’un développeur, ses aptitudes en français doivent être à la hauteur de son profil technique. »
Maîtrise du français à améliorer : pas que pour les immigrant.e.s
Selon la Fondation pour l’alphabétisation, 19 % des québécois.e.s sont analphabètes et 34,3 % éprouvent de grandes difficultés de lecture. Seulement 31 % des analphabètes de niveau 1 sont des personnes immigrantes.
Les cours de francisation ne sont pas l’unique solution
Bien que différentes aides financières et logistiques existent en vue de soutenir les entreprises dans une démarche de francisation, Triple Boris a préféré auto-générer sa solution : « Je voulais quelque chose de ludique, d’accessible à tous et à toutes. Je ne voulais pas de cours didactiques qui auraient demandé des efforts supplémentaires. Nous avons donc choisi de nous appuyer sur des exemples tirés de notre quotidien d’équipe pour étayer nos leçons de grammaire. Par exemple, une information qui aurait circulé sur nos réseaux de communication interne telle que "Simon est allé en Allemagne rencontrer de nouveaux clients" nous aurait permis de faire le point sur la terminaison d’un participe passé versus celle d’un verbe du premier groupe…
En ce qui concerne le volet esthétique, nous avions les ressources nécessaires au sein même de l’entreprise, nous avons donc mis à contribution nos propres illustrateurs et illustratrices. Résultat, les capsules linguistiques reprenaient les codes esthétiques des jeux vidéo, ce qui les rendaient plus attrayantes et conviviales. Une manière aussi de mettre notre culture d’entreprise en vedette. »
La qualité du français professionnel, c’est (quand même) du sérieux !
Noblesse oblige, la PME créatrice de jeux vidéo a donc choisi d’apprendre en s’amusant : « Nous avons opté pour des capsules lues en 5 minutes, offrant des "trucs" pour déjouer les fautes et récapitulant le tout via un questionnaire d’auto-évaluation. »
Présentée comme un jeu en deux étapes, la campagne de sensibilisation Franco Simulation a remporté un franc succès. Sur une période de dix semaines, c’est près de 75 % de l'effectif qui s’est prêté à l’exercice hebdomadaire des capsules à lire en format pdf, suivi de l’épreuve du quizz en ligne permettant d’accumuler des points. Et puisque les connaissances linguistiques au sein d’une même équipe s’avéraient fluctuantes, le niveau de difficulté a été pensé en pente ascendante, des notions les plus élémentaires aux plus complexes.
À gagner ? Des lots attractifs mais aussi un bel esprit d’équipe, des compétences langagières renforcées, une qualité de communication professionnelle accrue.
Les fautes et problèmes les plus courants
- Les verbes et les terminaisons « -er », « -é » et « -ez »;
- Le pluriel des noms;
- La différence entre « a » et « à »;
- La conjugaison des verbes;
- Les participes passés;
- La pauvreté du vocabulaire.
Cela vous parle ?
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Une amélioration des compétences au bénéfice du personnel et de l’entreprise
Le haut taux de participation relevé au sein de l’équipe mis à part, Franco simulation est un véritable succès en termes d’atteinte des objectifs. Ainsi, les 98 % de bonnes réponses enregistrées pour l’ensemble des questionnaires du jeu se sont aisément convertis en 87 % d’amélioration effective dans l’usage du français écrit professionnel.
Un résultat considéré par Simon Dansereau comme une plus-value pour l’entreprise mais aussi pour les individus et l’expression de soi : « Les fautes d’orthographe ne sont pas anodines. Elles peuvent porter atteinte à l’image de marque de l’entreprise et compliquer les communications internes. D’ailleurs, notre projet a été très apprécié par nos employé.e.s et je pense que ce qu’ils et elles ont appris dans ce contexte professionnel leur sera utile dans leur vie personnelle. »
Gérer l’usage du français comme une ressource entrepreneuriale
En ces temps de pénurie de main d’œuvre où tant d’entreprises doivent avoir recours à une francisation de premier niveau pour leur main-d’œuvre étrangère, savoir capitaliser sur les ressources déjà présentes en entreprise permet de bénéficier d’une incontestable avance sur la concurrence. Loin de nécessiter la grosse artillerie, l’amélioration du français en milieu de travail peut se concrétiser de façon simple et facile. Une analyse ciblée quant aux besoins des forces vives de l’entreprise, à savoir le personnel, est apte à identifier les dispositifs adéquats en termes de temps et d’efficacité : l’exemple de Triple Boris le démontre parfaitement. S’inscrivant dans le développement des compétences, la francisation sous toutes ses formes est un outil RH à considérer sérieusement en tant que tel.
Sources : association canadienne du logiciel de divertissement