Les risques psychosociaux du travail : quelles évolutions ?

25-09-2023
La vaste réforme de notre régime de santé et sécurité du travail se poursuit depuis octobre 2021. L’équipe de Pratiques RH propose de revenir sur l'un des volets majeurs de cette réforme soit l’ajout à la loi de la notion d’intégrité psychique et des risques psychosociaux. Le Québec étant devenu la première législation canadienne à intégrer cet élément dans sa loi.
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Les risques psychosociaux 

Le 6 octobre 2021, l’Assemblée nationale du Québec sanctionnait le projet de loi 59, le transformant ainsi en loi-27. Cette loi-27, est aussi connue par les initiés sous le nom de loi modernisant le régime de santé et sécurité du travail (LMRSST).

Il convient maintenant de s’attarder davantage sur l’un des volets majeurs de cette vaste réforme. Celui de l’introduction à la loi sur la santé et sécurité du travail (LSST) du concept de l’intégrité psychique, qui se traduit concrètement par la prise en charge par les milieux de travail des risques psychosociaux (RPS).

Qu’est-ce que cela signifie pour les milieux de travail?

Concrètement, cela signifie que les employeurs québécois doivent désormais considérer les éléments mentionnés plus bas comme étant potentiellement des risques pouvant causer des lésions professionnelles. Et conséquemment, les inclure, le cas échéant, dans leur programme de prévention ou leur plan d’actions en santé et sécurité du travail au sens de la loi (LSST) :

  • La charge de travail; 
  • La reconnaissance;
  • L’autonomie décisionnelle; 
  • Le soutien des collègues et du supérieur immédiat;
  • Le harcèlement psychologique;
  • L’information et la communication.

Pourquoi les RPS spécifiquement identifiés par l’INSPQ?

Tout simplement parce que lors de la commission parlementaire sur le projet de loi qui s’est déroulé principalement entre février et septembre 2021, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a clairement indiqué son intention d’élargir la portée initiale des RPS. Ce faisant, l’intention clairement exprimée alors par le législateur s’éloignait considérablement de ce qui était initialement prévu dans le projet de loi.

En effet, il était attendu au début des travaux de la commission que les RPS visés seraient les suivants : le harcèlement, les événements potentiellement traumatisants ainsi que la notion de violence au travail. Des thèmes plus objectivables avec lesquels les employeurs étaient déjà familiers. En effet, la prévention du harcèlement psychologique est déjà couverte par la loi sur les normes du travail depuis 2004.

Ainsi, d’un point de vue davantage ressources humaines que santé et sécurité par ailleurs, les employeurs ont déjà une obligation légale de prendre les moyens nécessaires pour prévenir le harcèlement en milieu de travail. Avoir une politique sur le sujet, offrir de la formation, informer clairement les employés de l’existence de telles mesures et les procédures à prendre pour quiconque se penserait victime de harcèlement constituait des éléments déjà intégrés depuis nombre d’années.

Le pas à franchir pour le traiter désormais comme un risque à identifier pouvant causer potentiellement des lésions professionnelles semblait fort réaliste. C’est un peu le même principe pour la question des événements potentiellement traumatiques. Il demeure relativement facile à démontrer qu’un diagnostic de syndrome post-traumatique est en lien avec un événement précis par exemple.

Certains secteurs d’activités sont déjà familiers à composer avec cette réalité étant donné la nature de leurs activités professionnelles comme le secteur ambulancier, policier et celui des pompiers notamment. Ainsi, la question de l’identifier comme RPS propre au milieu de travail et ensuite de se questionner sur le type de prévention à faire pour éliminer le risque ou le contrôler de la meilleure façon possible représentait là encore un pas raisonnable et réaliste à franchir pour les entreprises.

Contenu supplémentaire

En ce qui concerne la question de la violence au travail, bien qu’il s’agisse d’une nouveauté, il semble évident, et cela fait consensus, tout comme le harcèlement, qu’il est souhaitable, pour les employeurs, d’élaborer un ensemble de mesures afin de prévenir la violence, agir si cela se produit et offrir du soutien aux victimes, le cas échéant. Là aussi, le pas à franchir pour le traiter comme un RPS sous l’égide de la loi semblait couler de source.

Mais depuis que le législateur a annoncé qu’en plus de ses trois thématiques précises, les RPS devaient également être prisent en compte, le degré de difficulté à augmenter considérablement ainsi que le nombre de questions.

En conséquence, les RPS, au même titre que les risques plus conventionnels que l’on retrouve dans les milieux de travail tel les risques biologiques ou ergonomiques, feront également l’objet d’une analyse de risque et seront soumis aux mêmes principes de la hiérarchisation de moyens de prévention qui demeure la démarche privilégiée par la loi. Cela dit, il est plus que souhaitable que la santé psychologique soit au cœur des préoccupations de nombre d’employeurs, et que des mécanismes soient mis en place dans les milieux de travail afin de favoriser la prévention des problèmes de santé mentale. Ce qui est déjà d’ailleurs le cas pour plusieurs organisations.

Plusieurs zones demeurent encore à éclaircir

De nombreuses questions sont encore en suspens sur le sujet. En effet, c’est une chose de favoriser des mesures de prévention en entreprise à titre de bonnes pratiques pour une organisation qui se préoccupe du bien-être de ses employé.e.s et souhaite en faire une priorité. S’en est une autre de le traiter systématiquement sous l’angle d’un risque pouvant occasionner des lésions professionnelles.

Cela nécessite une compréhension fine de la portée et de la démarche à utiliser. Des craintes et des questions : Plusieurs représentant.e.s d’employeurs ont exprimé des craintes et soulevé des questions pertinentes et légitimes face à ce changement de paradigme important en matière de prévention des lésions professionnelles.

En voici quelques exemples.

Quel type d’encadrement sera offert au milieu de travail sur la question? Est-ce qu’une démarche sera suggérée afin de favoriser une prise en charge proactive et paritaire pour faire l’analyse de risque?

Comment départager le droit de gérance d’un employeur et la gestion du risque dans un contexte paritaire de prévention des lésions professionnelles? Est-ce que de la formation sera offerte sur le sujet? Par qui?

Comment les inspecteurs interviendront-ils sur ce sujet dans les milieux de travail? L’évaluation de la charge de travail sera-t-elle évaluée individuellement par travailleur et/ou par poste de travail, ou globalement dans les processus de l’entreprise?

Fort heureusement, la CNESST prend la question très au sérieux et se prépare, d’ores et déjà, afin d’être en mesure de soutenir les milieux de travail. Les craintes et les questions ont été transmises par l’entremise des représentants patronaux de la FCCQ. D’ailleurs, à cet effet, un sous-comité a été créé au cours des derniers mois par la FCCQ portant spécifiquement sur ce thème. Pour tout commentaire à formuler sur cette question, il est possible  d'écrire au directeur de la santé et sécurité du travail de la FCCQ par courriel à l’adresse suivante : marc-andre.pedneault@fccq.ca

Un comité règlementaire existe aussi à la CNESST afin d’échanger de façon paritaire sur le sujet. La CNESST est déjà à pied d’œuvre sur la question de la formation de ses inspecteurs.trices, et est actuellement en mode embauche afin d’ajouter à son équipe de nouvelles ressources en matière de santé psychologique au travail.

La suite?

En conséquence, tous les établissements concernés sont invités, si ce n’est déjà fait, à s'investir dans la constitution d'un comité paritaire en santé et sécurité du travail, à élaborer votre programme de prévention et à faire le nécessaire afin de désigner un.e représentant.e en santé et sécurité ou votre agent de liaison afin d’impliquer vos employé.e.s au maximum dans la recherche de solution.

Cela constituera la base, et permettra ensuite de poursuivre la réflexion sur la nature des risques encourus, comment les identifier, et surtout, comment faire pour les éliminer ou les contrôler de la façon la plus efficace possible. Sans oublier que désormais, la réflexion doit également porter sur les risques à caractère psychosociaux.