Investissez-vous aussi dans la santé et mieux être !
L’équipe de Pratiques RH s’est entretenue récemment avec Madame Pascale Gagnon, présidente-directrice générale de l’entreprise Les Fibres de Verre Rioux afin de mettre en lumière les bonnes pratiques mise de l’avant en matière de santé et sécurité au sein de leur milieu de travail. L’entreprise s’est vu décerner le lauréat de l’entreprise de l’année en matière de santé et sécurité du travail le 29 avril dernier, catégorie PME, lors du prestigieux gala des Mercuriades organisé annuellement par la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).
Les Fibres de Verre Rioux est une entreprise familiale qui œuvre dans le domaine manufacturier. Cette dernière est composée d’environ 35 employés et elle opère dans la magnifique région des Basques, située dans le Bas-Saint-Laurent. L’entreprise produit des composites de fibres de verre. Leur philosophie : être près de ses travailleurs et miser beaucoup sur l’implication de leurs gens ainsi que sur l’importance de créer un climat de travail positif et agréable pour leurs employés.
Qu’est-ce qui vous a incité en mettre en place une démarche de santé et sécurité mieux être et d’entreprendre un virage aussi important?
En 2018, et même un peu avant, nous avons pris conscience du sérieux problème de main-d’œuvre auquel nous faisions face. Il nous était difficile d’attirer de nouveaux employés et surtout de les conserver. Nous avions un taux de roulement important, particulièrement pour les employés qui avaient entre 1 et 5 ans d’ancienneté. Le problème était criant. Nous avions une mauvaise réputation comme employeur localement. Plusieurs petits accidents de travail. Le climat de travail était franchement mauvais. En fait, nous avions constaté que l’entreprise s’était éloignée considérablement des valeurs dans lesquelles nous croyions (respect, engagement et collaboration), et que l’on ne s’y reconnaissait tout simplement plus. Ainsi, c’est en 2018 que l’on a décidé d’entreprendre un virage et remettre ça à notre image.
Parlez-nous de la démarche que vous avez entreprise et comment vous vous y êtes pris pour redresser la barque?
Je suis arrivé dans l’entreprise officiellement en 2017 afin de prendre la relève pour assurer la transition de mon frère Jérôme, qui voulait partir à la retraite progressivement. Une réflexion était déjà amorcée concernant les problèmes de main-d’œuvre et de climat de travail que nous vivions à ce moment. Nous avons décidé ensemble à ce moment de prendre le taureau par les cornes et de faire le nécessaire pour redresser la situation.
Nous avons commencé par embaucher une consultante en ressources humaines afin d’avoir une vision plus globale et externe de la situation. Ensuite, nous avons procédé à un sondage auprès des employés afin de connaitre leur opinion et établir une liste de priorité d’action. Nous avons été surpris par l’ordre de priorité des demandes des employés dans le sondage, mais peu par les demandes elles-mêmes. Les deux points majeurs qui se dégageaient étaient l’éclairage et les communications. Compte tenu de nos activités de fabrication de composites de Fibres de Verre, nous devons avoir un type d’éclairage particulier appelé « explosion proof ». Celui que nous avions alors était désuet. Nous avons pris la décision de remplacer rapidement 75% de l’éclairage. Cette mesure a eu un impact positif immédiat auprès des employés. Au niveau des communications, nous avons décidé de jouer franc jeu et d’être complètement transparents. Mon frère et moi allions nous-mêmes sur le terrain avec les employés afin de leur expliquer les résultats du sondage ainsi que les prochaines étapes, mais surtout, les écouter et répondre à leurs questions.
Quels ont été les principaux défis rencontrés pendant l’implantation de votre démarche?
Sans aucun doute, la résistance aux changements. Également le scepticisme des employés face à la démarche. Nous souhaitions établir un programme de mentorat en incitant les plus anciens employés à former le plus jeune. Ce n’était pas évident puisque les employés plus expérimentés ne souhaitaient pas nécessairement sacrifier leur productivité au travail et n’avaient pas l’habitude de former d’autres employés. Ce n’était pas valorisé. Alors la résistance était tout à fait normale.
Comment êtes-vous allé chercher l’engagement des employés?
Comme mentionné précédemment, nous avons décidé de jouer la carte de la communication transparente. Notre stratégie était établie sur des valeurs humaines. Alors nous sommes allés sur le terrain à la rencontre des employés à chacune des étapes. Nous avons produit un journal des employés où nous y avons publié les résultats de l’entreprise. Nous avons commencé à renforcer les comportements de collaboration, le mentorat et le coaching. Nous avons aussi établi un programme de bonification basé sur les bénéfices de l’entreprise. La partie de l’évaluation du rendement de l’employé relié au coaching et à la collaboration est devenue même plus importante que celle basée sur la productivité. Ce fut un virage majeur et un changement important des habitudes et de la culture!
Parmi les changements que vous constatez entre 2018 et aujourd’hui, lesquels vous rendent le plus fier?
On reçoit maintenant des candidatures spontanément sans même avoir de poste affiché! C’était impensable avant. La réputation de notre entreprise s’est considérablement améliorée dans la région et aussi le fait que maintenant, nos employés plus anciens sont devenus très motivés à s’engager dans la formation des petits nouveaux! Ceci augmente considérablement la polyvalence de tout le monde et amène aussi plus de souplesse dans l’organisation du travail.
Je dois aussi admettre que je suis vraiment très fier du travail de complicité et de synergie avec mon frère dans la transition. Nous avons réussi à implanter un vrai changement de culture, à ramener l’entreprise à notre image et tout cela sans faire de sacrifice important au niveau de la productivité et du service offert à nos clients!
Quelle est la suite, avez-vous d’autres projets en tête?
Nous avons encore plusieurs gros projets! Mon frère prévoit diminuer ses heures de travail bientôt pour se consacrer à ses projets personnels. Alors pour pallier son départ, nous avons procédé à l’embauche tout récemment de l’ancien chef des pompiers de la municipalité qui comptent plus de 27 années de services. Il possède une solide expertise en matière de santé et sécurité du travail et son rôle consistera à consolider les acquis que nous avons actuellement. C’est une chose d’implanter un tel changement, mais s’en est une autre tout aussi importante d’en assurer le suivi et de ne rien tenir pour acquis! Nous souhaitons aussi installer un pont roulant dans le courant de l’année dans une section de l’usine. Ce ne sont pas les projets qui vont manquer!
Parlez-nous un peu de vos récents projets de construire une salle d’entrainement et un verger collectif pour les employés?
C’est un projet dont moi et mon frère parlions depuis un bon moment déjà. Nous souhaitions le faire afin de favoriser les saines habitudes de vie auprès de nos employés. Un projet de subvention parrainé par le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur afin de favoriser l’activité physique est arrivé pile et nous en avons profité pour concrétiser le tout grâce à cette aide financière. Quant au projet de verger, mon frère Jérôme avait déjà l’idée de planter plusieurs arbres sur son propre terrain. L’idée lui est venue de profiter de l’immense superficie du terrain de l’entreprise et de planter également plusieurs variétés d’arbres fruitiers afin que les employés en bénéficient aussi. Pendant le jour, les employés sont appelés à entretenir le verger sur une base volontaire. Ce sont des tâches complètement différentes de ce qu’ils font habituellement dans l’usine et donc ça aide à diversifier la journée! Mais surtout, ça renforce l’esprit d’appartenance à l’entreprise et le sens de la communauté. Lorsqu’il est temps de procéder à une récolte, nous en faisons l’annonce en indiquant le jour et l’heure et les employés qui sont intéressés n’ont qu’a se présenter pour cueillir, des pommes, des prunes, des poires, des noisettes, des framboises ou encore des bleuets!
Nous avons aussi construit des bacs à jardins à partir de produits non utilisés en Fibres de Verre discontinués qui trainaient sur le terrain de l’entreprise. On les a recyclés en bacs à jardins que l’on a distribués par la suite dans les écoles, les parcs, les garderies ou les foyers pour personnes âgées de la région. Nous en avons aussi installé deux sur les terrains de l’entreprise où les employés sont invités à y planter leurs légumes. Cela aussi contribue au sentiment d’appartenance et au développement de l’esprit de communauté et nous en sommes très fiers!
En terminant, auriez-vous un conseil à donner à un de vos collègues-chef d’entreprise qui hésiteraient encore à investir dans un programme de santé mieux être en entreprise?
Tout simplement de foncer. On se fait beaucoup dire en entrepreneuriat que la productivité est importante, que le chiffre d’affaires est important aussi. Qu’il faut prendre des risques et qu’il faut utiliser au maximum l’effet de levier, etc.
Aujourd’hui, les choses sont différentes. Les chiffres et les résultats sont importants, mais ce n’est pas tout. Il faut appliquer la même logique, mais surtout en matière de ressources humaines. Il faut prendre soin de ses employés. Le problème de rareté de main-d’œuvre est là pour rester malheureusement. Même s’il faut sacrifier de la rentabilité et de la productivité à court terme, n’hésitez pas une seconde.
Un employé qui est bien dans son milieu de travail est plus engagé, et donc naturellement plus productif!